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PISA : la baisse de la performance n’est pas une surprise… mais la conséquence de 34 ans de non-réforme

Ce mardi, l’OCDE a publié les résultats PISA qui comparent la performance des élèves à travers le monde. Si l’édition 2022 met en lumière une baisse mondiale du niveau des élèves, elle confirme également la moindre performance des élèves français et l’effondrement des capacités en compréhension et en mathématiques depuis le début des années 2000. Une lente agonie de la performance des élèves qui n’est que le reflet du refus mordicus des majorités gouvernantes successives à réformer notre système éducatif. Or, ce n’est pas comme si les solutions n’étaient pas connues. Depuis 2012, l’OCDE rappelle que l’autonomie des établissements scolaires et une gestion locale sont les clefs d’une meilleure performance des élèves. Des constats partagés par la Cour des comptes depuis 2013 et la Fondation IFRAP depuis 2014. 

Pour rappel, l’évaluation PISA (pour programme international pour le suivi des acquis des élèves) réalisée par l’OCDE depuis le début des années 2000 se fait, pour cette édition, sur un échantillon de 8 000 élèves de 15 ans répartis dans 335 collèges et lycées. 

Sans surprise, PISA 2022 confirme la baisse du niveau des élèves français

Pendant longtemps, la baisse des résultats des élèves français dans le classement PISA a été justifiée par l’augmentation du nombre de pays comparé : 40 pays lors du 1er classement en 2003 contre 81 pays lors de cette dernière édition 2022. Aujourd’hui (et enfin !), tout le monde s’accorde pour constater le décrochage de la France où, pour les trois thèmes analysés (mathématiques, sciences et écrit), les élèves français affichent une performance en dessous de la moyenne de l’OCDE. En mathématiques et en sciences, cette sous-performance est constante depuis le début des années 2000 tandis que la performance en compréhension s’effondre particulièrement depuis 2012. L’OCDE le dit sans détour : « dans l'ensemble, les résultats de 2022 sont parmi les plus bas jamais mesurés par l'enquête PISA dans les trois matières en France ».

Source : OCDE

Si la baisse, entre 2018 et 2022, de niveau est générale dans les pays étudiés, elle est particulièrement marquée en France :-21,5 points en mathématiques, -19 points à l’écrit, -6 points en sciences. 

Concernant les mathématiques, notons que l’édition 2022 marque le recul, pour la première fois, du nombre d’élèves très performants en mathématiques en France. L’OCDE souligne qu’aucun pays n’a enregistré une performance à la hausse de ses élèves en mathématiques sur la période, mais 9 pays présentent une performance stable (Japon, Turquie, Australie, Corée du Sud, Israël, Suisse, Lituanie et Colombie).   

Si on se compare à nos voisins européens (frontaliers), la France pointe la baisse la plus importante pour la performance à l’écrit tandis que l’Allemagne signe la baisse la plus forte pour les mathématiques et les sciences. À l’inverse, la performance des élèves italiens résiste mieux en mathématiques tandis qu’elle augmente, respectivement de 9 et 5 points, en sciences et à l’écrit depuis 2018. 

Variation du score 2018/2022

 

Mathématiques

Sciences

Compréhension (lecture, écrit)

France

-21

-6

-19

Belgique

-19

-8

-14

Allemagne

-25

-11

-18

Italie

-15

9

5

Suisse

-7

7

-1

Espagne

nc

nc

nc

Royaume-Uni

-13

-5

-10

Moyenne OCDE

-15

-2

-10

Le Covid, comme explication ? 

Incontestablement, les périodes de confinement liées à la crise du Covid en 2020 justifient une partie de la baisse de la performance au niveau mondial. Néanmoins, les élèves français ont subi une période de fermeture des écoles moins longue qu’ailleurs : 36% des élèves indiquent une fermeture des classes de plus de 3 mois contre 51% en moyenne dans l’OCDE et la part d’élèves ayant rencontré des difficultés avec l’enseignement à distance est moindre en France que la moyenne de l’OCDE. 

Enfin l’OCDE pointe bien que « les élèves des systèmes éducatifs qui ont été moins confrontés à la fermeture des écoles ont eu de meilleures performances en mathématiques et une amélioration du sentiment d’appartenance à leur établissement entre 2018 et 2022 ». En suivant ce constat, on peut conclure que la performance des élèves français a été moins perturbée par la crise du Covid que la performance moyenne de l’OCDE. Cette moindre perturbation n’a, il semble, pas permis de freiner la baisse de la performance des élèves français et apparait, donc, directement causée par un système éducatif de plus en plus défaillant. 

Sans surprise, l’OCDE rappelle que la clef d’une performance haute, c’est l’autonomie des établissements 

L’OCDE pointe d’ailleurs que les établissements affichant la performance des élèves la plus haute se caractérisent par, à la fois, l’autonomie de gestion des chefs d’établissements (notamment sur le recrutement des enseignants) et l’autonomie des enseignants sur les ressources pédagogiques. Si sur ce dernier point, la France se place au-dessus de la moyenne (80% contre 76%), nous sommes très en retard sur l’autonomie des établissements. Ainsi, en France :

  • Seulement 10% des élèves sont inscrits dans un établissement où le chef d’établissement est compétent pour recruter les enseignants… contre une moyenne de l’OCDE à 60% ! 

  • Seulement 35% des élèves sont inscrits dans un établissement où « les observations des cours par le chef d’établissement ou le personnel d'encadrement étaient utilisés pour contrôler les pratiques des enseignants »… contre une moyenne de l’OCDE à 77% !

  • Seulement 53% des élèves sont inscrits dans un établissement « où les tests ou les évaluations des résultats des élèves étaient utilisés à cette fin » (contrôle de la pratique des enseignants)… contre une moyenne de l’OCDE à 73% !

  • Seulement 23% des élèves sont inscrits dans un établissement « qui utilise l'examen par les pairs pour évaluer la pratique des enseignants »… contre une moyenne de l’OCDE à 59% !

  • À l’inverse, 91% des élèves sont inscrits dans un établissement « où les cours sont observés par des inspecteurs ou d'autres personnes extérieures à l'établissement dans le but d’évaluer la pratique des enseignants »… contre une moyenne de l’OCDE à 34%. 

Qu’en conclure ? L’OCDE le dit clairement, les « dispositifs d’assurance et d’amélioration de la qualité sont très peu utilisés en France ». Pas de retour d’information de la part des élèves, pas de mentorat des enseignants, pas d’audits des établissements par des experts, etc : toutes ces pratiques « presque universelles » qui permettent d’évaluer la performance des systèmes éducatifs dans le monde n’existent pas en France. 

Ces caractéristiques d’une plus grande autonomie de gestion qui favoriseraient une meilleure performance des élèves existent, cependant, partiellement en France et dans l’enseignement privé. Ce qui explique certainement pourquoi de plus en plus de familles cherchent à inscrire leurs enfants dans ces établissements, on le constate notamment aux listes d’attentes de plus en plus longues pour les établissements privés en France et l’OCDE le pointe via la proportion grandissante d’élèves inscrits dans des établissements privés depuis 2018 : +5,2 points en France quand la moyenne de l’OCDE n’a pas bougé. 

Le problème ? Aujourd’hui, le développement de l’enseignement privé, bien que populaire, est contraint par la règle du 80/20 qui veut que seulement 20% des moyens humains (enseignants) et financiers du système éducatif soient accordés à l’enseignement privé (contre 80% pour l’enseignement public).  Cette limite freine fortement le développement du privé puisque sur 96 départements, seulement 18 d’entre eux scolarisent 20% ou plus d’élèves dans l’enseignement privé (principalement en Bretagne et dans le Pays de la Loire). Si la règle du 80/20 était vraiment respectée, plus de 330 000 élèves actuellement scolarisés dans le public devraient l’être dans le privé, faisant passer le nombre d'établissements privés sous contrat de 7 600 à 9 200.

Sans surprise, les annonces du gouvernement restent du domaine de la « mesurette »

Dans une lettre adressée ce mardi aux enseignants, le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, souligne le « défi de l’élévation du niveau » et liste quelques premières mesures d’urgence comme rendre la décision du redoublement aux enseignants (supprimée en 2014 et donnée aux parents d’élèves), l'ajout d’une nouvelle épreuve de baccalauréat de mathématiques en première dès l’année scolaire 2025-2026, la refonte des programmes scolaires en mathématiques en en français pour le primaire et le collège ou encore, l’obtention obligatoire du brevet pour le passage du lycée. Ces mesures sont très loin de répondre à la refonte nécessaire de notre système éducatif. 

En vérité, la dernière réforme du fonctionnement du système éducatif, et qui elle-même n’a pas été un bouleversement, date de 1989 avec la loi « Jospin » d’orientation sur l’éducation (institution du Conseil national des programmes, création des instituts universitaires de formation des maîtres enseignants, etc). Depuis, toutes les mesures adoptées ont été des ajustements : que cela soit celles décidées sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron (priorité au primaire, abaissement de l’obligation d’instruction dès 3 ans, disparition des filières ES, L et S, dédoublement des classes dans les zones d’éducation prioritaire), la refonte du socle commun et des programmes du collège en 2014-2016, la réforme des rythmes scolaires (école le mercredi, principalement) et la réforme de la formation initiale des enseignants en 2013, la réforme du lycée de 2009 (stages passerelles, remise à niveau pendant les vacances scolaires, modification du programme scolaire de première), la création du Haut Conseil de l’éducation en 2005 ou encore le « nouveau contrat pour l’école » de 1993 à 1997 (collège réorganisé en 3 cycles, emplois du temps modulés sur la semaine, option latin dès la 5ème, renforcement des études dirigées, travaux croisés, instauration de l’heure de vie de classe, etc). 

En face, déjà en 2012, l’OCDE pointait déjà l’autonomie des établissements scolaires comme un facteur de réussite des systèmes éducatifs. Dès 2013, la Cour des comptes tirait la sonnette d’alarme sur la gestion des enseignants et la rigidité de leur statut. Cette année encore, la Cour préconisait de repenser notre système éducatif au plus près des territoires… et des établissements scolaires. Depuis 2014, la Fondation IFRAP alerte aussi sur la désorganisation de la gestion de l’enseignement public et souligne que l’enseignement privé réalise, les mêmes missions, pour une dépense 30% inférieure. Un écart constant depuis 10 ans et qui représente, chaque année, 30 milliards d’argent public mal investi… de quoi largement financer une refonte structurelle du système éducatif. 

Pour la Fondation IFRAP, les 3 freins à lever sont clairs :

  • Mettre fin à la « guerre » entre enseignement public et privé, autoriser ce dernier à se développer librement et donner plus de compétences dans le recrutement, l’évaluation et le management des équipes pédagogiques à tous les chefs d’établissements (public et privé).

  • Donner la gestion des établissements scolaires aux directeurs d’établissements pour mettre fin à un système où personne n’est responsable et qui permet de cacher tous les dysfonctionnements. 

  • Réformer le statut des enseignants, leur formation (initiale et continue) ainsi que leur mode de recrutement qui nourrit la « pénurie » actuelle (en réalité, pas une pénurie mais le passage d’un recrutement par concours obsolète et des recrutements sous contrats).