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Retraites : la difficile bascule des cotisations employeur de l’État dans le nouveau système universel

L’État employeur cotise pour les pensions de ses agents 75% par an - 74,8% exactement - auxquels s’ajoutent 11,10% de cotisations salariales en 2020. Une cotisation gigantesque qui est aussi une cotisation d’équilibre car les pensions des agents de l’État, plus généreuses dans leur calcul, ne s’équilibrent pas avec des taux de cotisation normaux et le régime est en déficit démographique (ratio démographique cotisants/retraités de 0,93 contre 1,30 pour le régime général).

Dans le nouveau système, l’État devra cotiser comme les autres employeurs. Ce sont les articles 13, 17 et 18 du projet de loi qui a été dévoilé par le gouvernement qui énoncent ces principes :

L’article 13 décrit les taux et les assiettes de cotisations, ainsi que le partage de la charge entre employeur et salarié.

  • Le système universel de retraite sera financé par des cotisations sociales calculées dans la limite de trois fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) ;
  • Un décret fixera le niveau total des taux de cotisation de retraite à 28,12 % ;
  • Ce niveau sera partagé à 60% pour les employeurs et à 40% pour les assurés, comme aujourd’hui. Ce taux de cotisation correspond au niveau auquel sont déjà soumis les salariés.

L’article 17 précise qu’avec la mise en place du système universel, il est prévu de prendre en compte l’intégralité de la rémunération versée dans le calcul des droits à retraite, et donc de permettre aux fonctionnaires de s’ouvrir des droits sur leurs primes. Et l’article 18 indique que le gouvernement définira les modalités de convergence du régime de cotisation de ces fonctionnaires vers le système cible, dans le cadre d’une période de transition qui ne pourra excéder quinze ans.

Diminution subite et massive de la cotisation employeur

Problème : cela va engendrer une diminution aussi subite que massive de la cotisation employeur de l’État : l’étude d’impact nous indique que la cotisation employeur dans la fonction publique d’État rapportera en 2025, avant bascule, 55 milliards d’euros, et seulement 14,6 milliards d’euros dans le nouveau système.

Dans la partie consacrée à l’impact budgétaire de la réforme, l’étude d’impact affirme que la contribution globale de l’État sera maintenue. « Dans le futur système cette contribution sera intégralement préservée en 2025 ». Certes. Mais l’étude ne précise pas son évolution au-delà de 2025.

Tout juste nous est-il dit que cette contribution « évoluera ensuite selon la nature et la dynamique des dépenses qu’elle vise à couvrir (droits assimilables au droit commun, départs anticipés des catégories actives, prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique, droits spécifiques en extinction…) »

Or cette contribution d’équilibre actuellement retracée dans le compte d’affectation spécial des pensions publiques a jusque-là augmenté de manière exponentielle. Entre 2008 et 2018, le rythme de hausse était d’environ un milliard de plus par an.

Par ailleurs, le gouvernement négocie en ce moment avec les agents publics, annonce beaucoup de compensations et garantit le maintien du niveau des pensions, allant même jusqu’à imaginer une transition qui calculerait les droits acquis dans le système actuel pour les agents publics sur les six derniers mois de la carrière projetée, et non sur la carrière réelle en 2024 au moment de la bascule (clause à l’italienne), avec l’objectif que les agents en début/milieu de carrière ne soient pas pénalisés.

Reste à savoir combien cela va coûter. Beaucoup plus que les 55 milliards annoncés, en tout cas. Et quand ce sera dans le grand chaudron du régime universel, on aura bien du mal à s’y retrouver !

Il faudrait donc une véritable étude d’impact en la matière, avec une projection jusqu’en 2067, date à laquelle les derniers agents à avoir commencé leur carrière dans l’ancien système prendront leur retraite.

Tant qu’on n’aura pas plus d’informations sur la soutenabilité du régime et sur la transition des milliards de cotisations dans le nouveau système de retraites, nous ne pourrons dire que comme le Conseil d’État : «les projections financières restent lacunaires». D’où la  note de 3/10.