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Régionales : et revoilà les promesses sur les lignes TGV

L’annonce, le 29 avril 2021, par le Premier ministre, Jean Castex, de la résurrection soudaine des lignes TGV Marseille-Nice, Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan a surpris après des années de gel de ces projets. Mais déjà en 2015, avant les régionales, les lignes TGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax-Espagne avaient été annoncées aux élus locaux par le ministre Alain Vidalies. Et la ligne Poitiers-Limoges par la ministre de la Transition écologique, Ségolène Royale. En 2009, toujours avant les régionales, le ministre des transports Alain Borloo avait promis la ligne TGV Marseille-Nice.  

Depuis 2018 pourtant, le gouvernement avait décidé la « fin du tout TGV », et le re-centrage sur la remise en état du réseau existant et le développement des transports de proximité. Entre temps la situation financière du pays s’est considérablement dégradée, et celle de la SNCF aussi. Le coût de chacune de ces lignes TGV commence vers 3 milliards d’euros pour Poitiers-Limoges, celui de Marseille-Nice à plus de 30 milliards d’euros. Le tracé choisi, par la côte, est logiquement défendu par les villes du littoral mais présente des difficultés considérables vu la densité de construction et les sites à protéger sur ces 200 kilomètres. La rentabilité de la dernière ligne TGV construite, Bordeaux-Paris, s’est avérée négative malgré son succès et le développement rapide de la région bordelaise. Devenue Société Anonyme « normale », la SNCF ne devrait plus pouvoir s’engager dans de nouveaux projets non rentables qui menacent son existence.

Autres promesses

En parallèle avec les projets de TGV, le gouvernement a imposé à la SNCF le maintien des trains de nuit  Paris-Briançon et Paris Rodez, et la réouverture de ceux de Nice-Paris, puis Paris-Tarbes. D’ici 2030, des lignes transversales du nuit comme Bordeaux-Marseille, Dijon-Marseille, Tours-Lyon via l'Île-de-France, et Paris-Toulouse seraient ouvertes, ainsi que des lignes internationales.

En période de COVID, d’insécurité et d’incivilités, relancer les trains de nuit, est un pari osé, surtout avec des coûts SNCF. Paris-Nice se fait par exemple en 12 heures, 6 arrêts intermédiaires, quatre couchettes dans une cabine de 7 mètres carrés. Aucune étude de marché n’a eu besoin d’être publiée, la décision du gouvernement répondant non pas à une forte demande de véritables clients mais à l’ambiance actuelle.

Des projets « vertueux », le gouvernement et la SNCF en ont déjà subventionné beaucoup d’autres qui ont dû être arrêtés faute de clients. Par exemple, les lignes d’autos-trains qui ont été toutes fermées progressivement, il y a un an pour la plus fréquentée Paris-Marseille-Toulon-Nice, après des pertes régulièrement supérieures au chiffre d’affaires.

Mettre des automobiles, des camions, des marchandises et des personnes dans des trains ou des bateaux, plutôt que dans des avions ou sur la route, semble a priori une bonne idée. Simple ou simpliste ? Le fret ferroviaire (dont le train des primeurs), le transport combiné, les autoroutes ferroviaires, les autoroutes de la mer sont sur le papier séduisants. Mais malgré d’importantes subventions, très peu d’entre elles ont des budgets équilibrés. Au total, elles n’ont réduit le transport par camion que de façon marginale comme le montrent les rapports de la Cour des comptes de 2012 et 2017 concernant notamment l’autoroute ferroviaire Perpignan-Battenberg : « Il en ressort que le concept peine à faire ses preuves sur les plans économique et financier. Les autoroutes ferroviaires ne pourront être une opportunité pour le fret ferroviaire qu’à la condition de démontrer leur capacité à fonctionner à terme sans aide financière publique récurrente. Cette autoroute ferroviaire est une démonstration inachevée comme l’indique la Cour des comptes. »   

Autoroute ferroviaire Atlantique : le projet avorté a coûté 69,3 M€

La Cour des comptes s’est penchée dans son rapport annuel 2017 sur la facture de l’autoroute ferroviaire Atlantique qui devait relier Tarnos (Landes) à Dourges (Pas-de-Calais).

L’abandon du projet (…) sous sa forme actuelle représente pour l’État et les collectivités concernées un coût estimé par la Cour à 69,3 M€, dont une quarantaine dépensés en pure perte”.

Imaginée en 2007, labélisée Grenelle de l’environnement en 2009, attribuée à la SNCF sous forme de concession, prévue pour entrer en service en 2011, cette liaison a été abandonnée par l’Etat en 2015 en raison de différentes difficultés.

Plus largement, la Cour tire un bilan assez décevant des autoroutes ferroviaires. En 2015, les deux liaisons existantes (Aiton-Orbassano et Bettembourg-Perpignan) ont transporté 70 000 poids lourds ou remorques. Le cap de 500 000 unités en 2020 fixé lors du Grenelle paraît irréaliste.

Source : 9 février 2017,  Politique & réglementation

La réalité

Les causes de ces échecs sont multiples. D’abord, l’évolution des marchandises transportées : moins de charbon, plus d’électro-ménager. Puis l’exigence des consommateurs : la semaine prochaine, pas le mois prochain. Mais surtout le constat que les sources et les destinations des marchandises étant très éclatées, tout mode de transport qui nécessite des ruptures de charge entraîne des délais (horaires fixes, temps de chargement/déchargement), de l’incertitude dans le suivi des marchandises et des coûts excessifs. Le diagramme ci-dessous illustre cette double rupture de charge. A titre d’exemple, il faut 14h30 pour faire le trajet Luxembourg-Perpignan, contre 17 à 22h par la route, un écart qui suffit rarement à compenser les contraintes et les temps d’attente du transport combiné.

En France, le fonctionnement de la SNCF, longtemps en situation de monopole (rigidité, grèves, coût), face à la concurrence et la souplesse des entreprises de transport par camion, a également contribué au déclin des modes de transport impliquant le rail. Exemple : la situation économique du "train des primeurs" était difficile, mais son arrêt a été finalement acté après la décision des deux clients historiques du train, les sociétés de transports Rey et Roca, de ne pas renouveler leurs contrats suite aux grèves de la SNCF, et à un manque de ponctualité. Si les marchandises arrivent après l'ouverture du marché Rungis, elles ne sont pas vendues et les acheteurs se tournent vers les produits proposés par la concurrence, arrivés, eux, en camions.

Conclusion

Chaque campagne électorale, notamment régionale, chaque grand’messe écologique, donne lieu à des promesses séduisantes mais irréalistes de la part des responsables politiques. Irréaliste du point de vue économique comme du point de vue écologique : une ligne sous-occupée, un train presque vide, c'est polluant. C’est à la SNCF, à ses concurrents privés et à de nouveaux entrants français et étrangers de s’engager, à leurs risques et périls, sur les projets qu’ils estiment rentables, pas aux responsables politiques de décréter ce qui doit être fait.