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Que choisir : rente du secteur public ou dividendes du privé ?

Parce qu‘ils n'ont pas à verser de dividendes à leurs actionnaires ni à faire de dépenses de vente/marketing, beaucoup croient – souvent de bonne foi - que les produits et services fournis par le secteur public sont meilleurs et moins coûteux que ceux du secteur privé. A priori, l'argument est logique. Mais l'expérience montre que c'est l'inverse, car il existe bien une rente dans le secteur public.

Grâce à Bruxelles et à l'ouverture à la concurrence de nombreux domaines, le taux de la Taxe Secteur Public (TSP) qui était invisible, est de plus en plus apparent et mesurable. Pas encore dans les secteurs où les organismes publics sont en situation de monopole. Mais pour ceux en situation de véritable concurrence avec le privé, le choix est clair : soit ils disparaissent soit ils s'adaptent comme l'ont montré Renault, Air France, GIAT ou France Telecom.

Surcoût du secteur public : 30% du chiffre d'affaires

Le cas de la SNCF est exemplaire. En 2008, à l'occasion de l'ouverture à la concurrence du Fret ferroviaire, le surcoût SNCF avait été estimé à 30%. Le déficit de cette branche de la SNCF et les gains de part de marché des nouveaux entrants -20% en 3 ans- ont confirmé cet écart. En 2011, nouvelle étape avec l'ouverture à la concurrence des trains régionaux (TER). A cette seule perspective, la SNCF a elle-même reconnu dans un rapport interne cité par Les Echos du 24 février 2011 que ses coûts en France sont de 30% supérieurs à ceux de ses concurrents. Cet ordre de grandeur est d'ailleurs confirmé par les coûts affichés dans les pays étrangers (Allemagne par exemple) où plusieurs entreprises – dont la SNCF – fournissent ces services.

Dans un tout autre secteur, celui des établissements de soins, l'écart des coûts entre hôpitaux publics et cliniques privées est du même ordre de grandeur : 30 % pour des soins identiques sur des « groupes de patients homogènes », une mesure incontestable quand il s'agit de soins fréquents comme les opérations de la cataracte, de la hanche, des accouchements ou de certaines interventions cardiaques. Ce chiffre longtemps contesté est maintenant officiel et un plan de convergence entre les tarifs payés par la CNAM aux hôpitaux et aux cliniques a été décidé par le Gouvernement et voté par le Parlement. L'évolution annoncée est très lente puisque la date de convergence complète a été reculée de 2012 à 2018. En 2011, les tarifs des hôpitaux vont baisser en moyenne de 0,2% contre 0,05% dans les cliniques.

Taxe Service Public = constante ?

Même si les deux cas ci-dessus sont très représentatifs, cela ne démontre pas que la Taxe Service Public de 30% est une constante naturelle au même titre que le « π=3,14 » ou « g=9,81m/s ». Mais il y a de fortes présomptions, d'autant plus que le surcoût du secteur public est encore plus élevé dans certains domaines.

A la petite SNCM (Société Nationale maritime Corse Méditerranée) par exemple, l'histoire n'est pas terminée : va-t-elle finir par s'adapter ou disparaître ? Anesthésiée par des décennies de monopole, cette entreprise a perdu des parts de marché importantes (20 à 30%) face à ses deux nouveaux concurrents, Corsica Ferries et Moby line. Dans la même région, les grèves des grutiers de Marseille ont eu le mérite d'attirer l'attention du grand public sur des écarts de productivité entre ces personnels du port de Marseille et ceux des ports étrangers qui dépassent de loin la barre des 30%.

Dans encore un autre secteur, seule l'arrivée de l'euro et la mise en concurrence de l'usine de la Banque de France avec les fournisseurs étrangers pour des billets strictement identiques a conduit à une réduction de moitié des coûts et des effectifs du monopole français. Au cœur même de l'administration (Bercy), le rapport Carmona/Gouiffès/Lepine de 1999 avait montré que le coût de gestion des missions fiscales était de 53% supérieur en France à ce qu'il était dans la moyenne des 9 autres grands pays étudiés. Et une demi-douzaine de ministres de gauche et de droite ont dû batailler pour que le Ministère des Finances s'adapte aux besoins des contribuables et fusionne le calcul et le recouvrement des impôts. Où qu'on regarde dans le secteur public, arsenaux comme GIAT et DCNS, SEITA, France Telecom, La Poste, des gains de productivité massifs ont été réalisés dès que ces organisations ont été confrontés à la concurrence.

Taux des dividendes : moins de 6% du chiffre d'affaires

Face à cette TSP qui augmente les coûts des services du secteur public de 30% en moyenne, la charge des dividendes du secteur privé est modeste, comme le montrent Total et L'Oréal, deux des entreprises françaises pourtant les plus rentables. En 2010, le bénéfice net de ces entreprises a été respectivement de 6,6% et 12,3% de leur Chiffre d'Affaires. Elles ont distribué en dividendes un peu moins de la moitié de leur bénéfice, soit environ 3% et 6% de leur chiffre d'affaires. Un taux très inférieur au taux de 30% de la Taxe Secteur Public constaté ci-dessus.

Rapport du médiateur de la République, 2010

« Ce n'est pas aux usagers de s'adapter au confort de l'administration, mais à l'administration de s'adapter au confort des usagers ».
Source : Rapport 2010

Une cause naturelle

Les monopoles, privés et publics, sont tentés de profiter de leur situation. François Dupuy, sociologue des organisations, théorise ce fait en expliquant que ces organismes « externalisent » (reportent) leurs contraintes sur leurs clients et sur leurs employés hors statuts (temporaires et contractuels). C'est logique et c'est exactement ce que décrit le Médiateur, Jean-Paul Delevoye, dans son rapport : les monopoles s'occupent de leurs affaires internes avant de s'occuper de leurs clients. Contrairement à une légende, le « dévouement et l'esprit de service public » ne suffisent pas à compenser, en moyenne, le repli des salariés sur leurs intérêts personnels.

Autosatisfaction

Comme le montrent les commentaires laissés sur les forums par les salariés des monopoles publics et para-publics (SNCF, EDF, CNAM, Ministères, Collectivités locales, Contrôleurs aériens…), les intéressés sont en général très peu conscients de la sous-performance de leurs organisations. Beaucoup estiment de bonne foi faire le maximum pour leurs clients. Une conviction qui rend encore plus difficiles les réformes nécessaires comme l'a montré le débat sur la réforme des régimes spéciaux de retraite.

Ces salariés ont une excuse valable : faute de points de comparaison, il leur est très difficile d'imaginer ce qui serait faisable. C'est la règle dans tous les domaines : sans compétition de sprint, personne ne courrait le 100 mètres en 10 secondes, et sans concurrence, le téléphone portable pèserait encore 3 kilos – il n'aurait peut-être même pas été inventé.

Dans la situation financière critique où elle se trouve, la France n'a pas les moyens de payer la TSP, une rente de 30% sur toutes les dépenses des divers secteurs publics et para-publics. Seule l'ouverture à la concurrence permettra de disposer des repères objectifs nécessaires pour évaluer ces organisations et pour motiver leurs évolutions.

Reste le problème des domaines régaliens (Justice, Police, Armée, Finances, Gouvernement et Parlement) où la concurrence est impossible. Une fois externalisées toutes leurs fonctions internes « banales » et non-régaliennes, les comparaisons avec les services équivalents des pays étrangers constituent la seule méthode pour simuler, le moins mal possible, la concurrence.

Le cas des Assurances maladie en France

Les frais de gestion des complémentaires santé (mutuelles ou assurances) sont plus élevés que ceux de la CNAM. Un fait exact souvent mis en avant pour prouver que la gestion privée n'est pas performante. Examen d'un cas concret :

Consultation médicale ordinaire de médecin traitant :

Sur un montant de 23 euros, la participation forfaitaire de 1 euro doit rester à la charge du patient. La CNAM rembourse 70% de 22 euros, soit 15,10 euros. Les complémentaires remboursent au maximum 6,90 euros, soit moins de la moitié de la CNAM pour un travail administratif identique. Inévitablement, le coût de gestion mesuré par le pourcentage des cotisations consacré à la gestion est plus élevé dans les complémentaires santé. S'y ajoute le coût de la collecte des cotisations, automatique et obligatoire, par les employeurs pour la CNAM, beaucoup plus aléatoire pour la plupart des complémentaires.

En réalité c'est l'existence de ces deux niveaux d'assurance qui est la cause du problème. Une situation injustifiée maintenant que plus de 93% des Français ont une complémentaire santé. Il est temps d'ouvrir l'assurance de base à la concurrence pour faire des économies de gestion et pour améliorer le suivi médical de chaque personne par un seul assureur, notamment dans le domaine de la prévention.