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Réduire le déficit de la Sécurité sociale en s'attaquant aux niches sociales

Philippe Seguin récidive. Trois mois après avoir fustigé l'absence de réponse à la situation désastreuse des finances publiques, et qui vont se solder par un déficit d'au moins 110 milliards d'euros cette année, la Cour des comptes dresse un tableau encore plus inquiétant que par le passé des finances de la Sécurité Sociale [1], et son président vient de présenter le rapport en se prononçant pour une augmentation qu'il juge inévitable des prélèvements sociaux.
Dans les deux cas, Philippe Séguin tient le même discours, appelant à des réformes beaucoup plus ambitieuses que les limitations de dépenses prévues, afin d'éviter à la fois le report de la charge de la dette sur les « générations futures » ainsi que la montée des intérêts de cette dette qui peut se traduire par une forte montée des taux, exceptionnellement bas à l'heure actuelle.

Dans le cas de la Sécurité sociale, les déficits annuels sont restés, depuis 2004, constamment supérieurs à 10 milliards d'euros et s'apprêtent à battre un record historique en 2009 et 2010, puisque les besoins à court terme de l'ACOSS, qui est la banque de la Sécurité sociale, vont se monter à 20 milliards en 2009 et plus de 30 milliards en 2010, de sorte que l'Etat doit dans les prochains jours donner à cet organisme une autorisation de découvert de 60 milliards, ce qui double le record précédent de 2006. Ces 60 milliards s'ajouteront à la dette à long terme portée par la CADES [2] (dont l'endettement net atteint 97 milliards au 31 mars 2009), qui bénéficie des ressources de la CRDS qui lui sont affectées.

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Processus de reprise de dette par la CADES

De tels montants sont dus à des causes structurelles, indépendamment de la conjoncture défavorable, ce qui justifie l'appel de Philippe Séguin pour augmenter CSG et CRDS. Concernant la CRDS, il s'y ajoute une considération technique, tenant à ce que l'ACOSS devra emprunter à court terme des sommes considérables par l'émission de billets de trésorerie dont le marché risque de se tendre en entraînant la montée des taux d'intérêt. La Cour des comptes préconise donc de transférer la dette à la CADES, mais ceci nécessiterait l'augmentation de la CRDS car une loi récente lui interdit d'augmenter ses engagements sans financement affecté.

De même que pour le budget de l'Etat, il est cependant clair que le Gouvernement refusera toute augmentation des prélèvements sociaux : il laisse filer la dette pour ne pas compromettre la reprise économique. Paradoxalement, les Français sont protégés par la crise d'une augmentation des impôts, tout au moins pour l'imposition sur le revenu, mais ceci n'aura qu'un temps…

Voici des décennies que l'on parle du « trou de la sécu ». L'Etat fait certains efforts pour contenir les dépenses tout en augmentant les ressources, mais la situation se caractérise maintenant par la stagnation des recettes, elle-même due à la hausse du chômage, et ce sans compter les effets de la crise. Autrement dit selon les experts la relative faiblesse de ces recettes ne permettra pas de faire face à la couverture des dépenses. Encore une fois c'est le niveau de l'emploi, particulièrement faible en France, qui dicte sa loi et justifie toutes les attentions.

Dans le rapport de 500 pages qu'elle vient de publier, la Cour des comptes souligne quelques améliorations dans la gestion administrative, répondant aux recommandations qu'elle fait chaque année. Mais le rapport 2009 s'attaque fortement au fonctionnement du secteur hospitalier, coupable de mauvaises affectations de ressources, comme l'iFRAP l'a relevé. Et il contient aussi quelques pages croustillantes sur le contrôle des dépenses de l'Etat, où l'on voit les administrations accorder assez systématiquement à ses vacataires et employés non-titulaires des avantages et exonérations réservés aux fonctionnaires. Bien entendu les ministères concernés promettent d'y mettre bon ordre …

La Cour des comptes ne chiffre pas la diminution des dépenses qu'entraînerait une bonne gestion des secteurs qu'elle a examinés. Il est cependant clair qu'elle n'estime pas que ces gains puissent suffire à combler le fameux trou, puisque son président, hors rapport et dans son discours de présentation à la Commission des affaires sociales du Parlement, a lourdement insisté sur la nécessité d'augmenter les prélèvements.

Il est surtout étonnant que le volumineux rapport de la Cour ne contienne pas cette année de recommandations relatives aux niches sociales, comme elle l'avait fait les années précédentes. Dans son dossier de décembre 2007, l'IFRAP avait traité des exonérations sociales en soulignant la nécessité de mettre bon ordre dans un ensemble hétéroclite créé au fur et à mesure des années. Nous avions identifié près de 70 milliards d'exonérations. Depuis, la situation n'a pas évolué, bien que le sujet paraisse vouloir être maintenant abordé au Parlement et au Sénat. Le député Yves Bur, membre de la commission des affaires sociales, a récemment fait une déclaration en ce sens.

L'IFRAP ne peut que renouveler ses propositions, et rappeler notamment que c'est courir trop de lièvres à la fois que de vouloir offrir une protection sociale de très haut niveau tout en réduisant la durée du travail et en exonérant de cotisations sociales les bas salaires, ainsi que les heures supplémentaires, ce au nom de la politique de l'emploi. Il y a lieu d'établir maintenant le bilan de ces exonérations. L'IFRAP rappelle aussi que les dérogations accordées à la fonction publique tant sur l'assiette que les taux de cotisations ont été évaluées à 6 milliards par la Cour des comptes en 2007. Il y a incontestablement du ménage à faire du côté des niches sociales.

[1] Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2009

[2] Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale