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Entre statut des cheminots et concurrence, les syndicats de la SNCF face à leurs responsabilités

Le 6 novembre, les agents de conduite SNCF sont en grève à l'appel des syndicats CGT-Cheminots et Sud-Rail. Ce mouvement a pour but de protester contre le nouveau statut proposé par la direction aux agents du fret, statut qui remet en cause le temps de travail des conducteurs et ainsi de réduire les coûts. La bataille du fret a été perdue une première fois contre les camions, et elle l'est une seconde fois contre les concurrents ferroviaires. L'ouverture à la concurrence - en 2003 pour les liaisons transnationales et 2006 pour le fret intérieur - a mis en lumière la question centrale de la compétitivité de cette branche ; les prix de revient des nouveaux opérateurs sont 20 à 30 % moins élevés.

On se souvient des images du premier train privé de la Connex (Veolia) en 2005 bloqué par des syndicalistes après avoir parcouru seulement 500 mètres. Aujourd'hui, les nouveaux entrants représentent 8% en tonnage-km. Cette part devrait atteindre rapidement 20%, malgré des contraintes, notamment des investissements très lourds à réaliser.

Comment en est-on arrivé là ? A cause d'une organisation rigide due à la convention applicable aux cheminots de fret SNCF (règlement PS4 datant de 1910 devenu avec des changements minimes RH0077) qui impose actuellement des horaires théoriques de travail fixés à 1120 heures/an au lieu de 1568 heures (25h/semaine au lieu de 35).

Dans un rapport parlementaire, le président de la fédération des usagers des transports s'interroge à propos de la SNCF « Je ne comprends pas pourquoi une locomotive fret roule trois heures par jour alors qu'un camion peut rouler jusqu'à 24 heures : quelque chose ne va pas au sein de l'organisation SNCF. » Alors que c'est là un des atouts du fret ferroviaire : pouvoir fonctionner théoriquement 24/24 à grande vitesse et par tous les temps, sans compter les préoccupations écologistes liées au Grenelle de l'environnement. Mais pourtant les résultats sont absents. Le déficit du fret est avant tout dû à l'organisation du travail, qu'évidemment SNCF n'applique pas dans ses filiales étrangères.

Cette déficience de productivité a contraint l'Etat à plusieurs plans fret pour sauver cette branche. En 2005, Bruxelles a accepté pour la dernière fois que l'Etat renfloue Fret-SNCF de 800 millions €. Mais deux ans plus tard, les mêmes maux subsistent : coûts salariaux excessifs, charges incontrôlables, mouvements sociaux, image déplorable auprès des clients. L'absence de résultat - toujours en déficit de 300 millions € - a récemment obligé Guillaume Pépy à lancer ce nouveau plan réformant les rythmes de travail « ou se résigner à une attrition de cette activité ». En d'autres mots : ce serait la fin du fret SNCF. Mais, opposition syndicale oblige, le plan ne sera finalement proposé que sur la base du volontariat. Et malgré cela, les syndicats ne veulent pas qu'un statut dérogatoire soit mis en œuvre même pour les volontaires.

La fin du monopole des entreprises nationales de chemin de fer est annoncée depuis 1991. La crise du fret SNCF aurait dû servir de dernier signal d'alerte pour ses autres activités. La direction et nombre de cheminots ont commencé à prendre conscience de la gravité de la situation. Mais si les syndicats refusent de prendre leurs responsabilités, l'avenir de la SNCF risque d'être compromis à partir de 2010, prochaine étape de l'ouverture à la concurrence pour le transport international de voyageurs.