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Rémunérations publiques : +9,5 milliards d’euros en 2023

Entre 2022 et 2023 l’ensemble des rémunérations publiques augmenteraient de 9,5 milliards d’euros (comptabilité nationale) dont 3,9 milliards pour l'Etat, 3,3 milliards pour les administrations publiques locales et 2,2 milliards pour la sécurité sociale après un choc lié au Grenelle de la Santé produisant entre 2021 et 2022 une augmentation de près de 7,3 milliards d’euros.

Masse salariale du budget général de l’Etat, 145,9 milliards d’euros

La masse salariale du budget de l’Etat est prévue en hausse de 7,1 milliards d’euros par rapport à l’exécution prévisionnelle 2022, à 145,9 milliards d’euros. Il s’agit de l’augmentation sous deux ans la plus rapide jamais observée depuis 2013.

Entre 2013 et 2023, la masse salariale totale (titre 2) dérive de 26,3 milliards d’euros, dont +6,8 milliards pour la contribution au CAS[1] pensions, et +19,1 milliards pour les rémunérations et autres cotisations des agents de l’Etat rémunérés sur le budget général (donc hors opérateurs et budgets annexes).

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Var

2023-22

Titre 2

119,6

120,77

121,1

122,8

127,6

129,6

131,64

133

134,7

138,8

145,9

7,1

CAS pensions

39,62

40,17

40,1

40,6

42

42,3

42,94

43,4

43,6

44,4

46,5

2,0

Titre 2 hors CAS

80,3

80,6

81

82,2

85,6

87,3

88,7

89,6

91,1

94,4

99,4

5,0

Source : PAP 2023 et Cour des comptes, exécution budgétaire jusqu’en 2021.

Pour ne retenir que l’agrégat de la masse salariale hors pensions (Titre 2 hors CAS), celle-ci a augmenté de +5,3 milliards d’euros entre 2013 et 2017 (soit sur le quinquennat de François Hollande), puis de +5,5 milliards d’euros de 2017 à 2021, dernière année pré-électorale, puis entre 2021 et 2023 de près de 8,3 milliards d’euros dont 5 milliards attendus pour 2023.

Note : Masse salariale de l’Etat hors CAS pension, budget général

Les principaux déterminants de cette augmentation sans précédent sont :

 

Milliards €

Socle Exécution 2022 retraitée

94,36

Impact du schéma d'emplois

0,34

EAP schéma d'emplois 2022

0,17

Schéma d'emplois 2023

0,17

Mesures catégorielles

1,66

Mesures générales

1,53

Rebasage de la GIPA

0,02

Variation du point de la fonction publique

1,46

Mesures bas salaires

0,05

GVT solde

0,54

GVT positif

1,43

GVT négatif

-0,89

Rebasage de dépenses au profil atypique - hors GIPA

0,36

Indemnisation des jours de CET

0,18

Mesures de restructurations

0,12

Autres

0,06

Autres variations des dépenses de personnel

0,61

Prestations sociales et allocations diverses - catégorie 23

0,00

Autres

0,61

Total - PLF 2023

99,40

Source : PAP 2023, calculs Fondation iFRAP octobre 2022.

  • L’impact attendu du schéma d’emploi[2], dans la mesure où le budget général verrait une augmentation de près de +8.975 ETP tous ministères confondus en 2023. S’agissant de la masse salariale cependant, le schéma d’emploi de l’année précédente (extension en année pleine) aurait un poids budgétaire identique à celui de l’année en cours (alors que le schéma d’emploi en LFI sur le même périmètre ne consacrait que la création de +914 ETP, soit 10 fois moins…) On peut être sceptique sur le poids de ce poste envisagé dans la pondération générale, ou bien comprendre que l’ensemble des recrutements envisagés ne seraient effectués (et donc budgétés) qu’en fin d’année…
  • Des mesures catégorielles pour 1,66 milliards d’euros (primes etc.)
  • Des mesures générales pour 1,53 milliards d’euros dont 1,46 milliards correspondant à l’augmentation en année pleine des 3,5% de point de fonction publique décidés au 1er juillet 2022[3]. Le montant peut sembler faible, mais il est cohérent puisqu’il faut se rappeler que le total général hors opérateur atteint, pour la seule masse salariale stricte hors CAS, une augmentation en année peine de +2,797 milliards, donc +1,398 milliard d’euros pour 2023 par rapport à 2022 (où la revalorisation ne concernait qu’une ½ année[4]).
  • Un GVT solde (glissement vieillesse technicité) qui contribue à l’augmentation de la masse salariale pour 540 millions d’euros, dont un GVT négatif (départs) réalisant près de 890 millions d’euros d’économies, mais compensés par la progression de carrière des personnels en poste (GVT positif) de 1,43 milliard d’euros.
  • Des mesures diverses : indemnisation des jours de CET (compte épargne temps), et le déploiement du protocole PPCR (catégorie Autres), pour un montant total de près de 970 millions d’euros.

S’agissant de la contribution au CAS pension, celle-ci est impactée mécaniquement par la revalorisation du point de fonction publique pour un montant au budget général atteignant les 786,7 millions d’euros, ce qui explique près de la moitié de l’écart des +2 milliards observés pour 2023 (avec une contribution totale au CAS de 46,5 milliards d’euros). Alors que les contributions au CAS ont une dérive annuelle naturelle d’environ 330 millions d’euros/an.

Quelles missions ont une augmentation de la masse salariale la plus rapide ?

Si maintenant on ventile par missions les augmentations ainsi identifiées au niveau global les répartitions sont les suivantes :

Ventilation par missions M€

Exécution 2022

Schéma d'emploi

Mesures caté-gorielles

Mesures générales

GVT solde

Rebasage

Autres

Total

Enseignement scolaire

51 288,43

19,07

1 096,26

852,17

444,41

-96,79

440,33

54 043,87

Défense

12 696,85

67,62

177,72

197,38

0,76

79,39

18,54

13 238,26

Sécurités

11 562,65

93,92

159,96

187,01

22,78

105,88

31,06

12 163,27

Gestion des finances publiques

5 729,71

-14,13

21,02

103,35

3,17

99,43

20,22

5 962,79

Justice

4 313,10

88,84

110,96

70,11

12,25

65,43

27,46

4 688,12

Administration territoriale

1935,1

29,8

12,5

26,5

14,0

18,5

0,9

2037,3

Ecologie,

1 864,28

-5,07

8,00

24,23

9,67

31,17

11,40

1 944,70

Action extérieure de l'Etat

873,5

7,8

9,7

6,8

2,3

2,0

29,0

931,1

Agriculture,

660,1

5,2

10,4

9,5

6,8

17,9

-2,0

707,8

Economie

662,48

4,31

8,05

8,28

2,76

8,97

4,12

698,963

Culture

485,2

-0,3

15,2

8,0

4,2

-1,1

5,1

516,1

Conseil et contrôle de l'Etat

479,1

8,9

1,1

6,5

2,7

0,3

1,8

500,4

Recherche et Enseignement supérieur

451,09

2,82

4,53

6,88

5,57

2,59

0,06

473,54

Travail et emploi

389,09

2,31

2,58

5,43

0,05

14,73

2,72

416,91

Solidarité, insertion

291,34

5,48

2,56

3,92

0,28

6,86

4,80

315,24

Direction de l'action du gouvernement

262,56

15,91

2,82

5,39

3,57

1,01

4,96

295,90

Aide publique au développement

140,3

0,7

6,1

0,6

0,9

0,2

-2,9

145,7

Outre-mer

121,91

5,31

4,67

2,02

1,11

0,00

2,35

137,36

Sport, jeunesse et vie associative

105,70

0,00

4,48

2,34

0,80

3,70

8,88

125,91

Transformation et fonction publique

32,67

2,81

0,49

0,55

0,06

0,25

0,41

37,25

Cohésion des territoires

13,80

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

13,81

Anciens combattants

1,07

0,01

0,00

0,02

0,00

0,00

0,07

1,17

Total des dépenses de titre 2 hors CAS

94 360,0

341,2

1 659,0

1 526,9

538,1

360,4

609,3

99 395,4

Source : PAP 2023, calculs Fondation iFRAP octobre 2022.

La masse salariale augmenterait de 2,755 milliards d’euros dans l’enseignement scolaire entre 2022 et 2023, suivie par la mission sécurité (+600,6 millions d’euros) et la Défense (+541,4 millions d’euros). La justice arriverait en 4ème position des plus grosses variations avec +375 millions d’euros, suivie par la DGFiP/DGDDI avec +233,1 millions.

Une tendance lourde se matérialise cependant. Malgré la guerre en Ukraine et l’urgence d’une montée en puissance des moyens militaires pour les adapter aux enjeux capacitaires de la guerre de haute intensité, les crédits de sécurité (Police, Gendarmerie) augmenteraient plus vite. Sans doute parce que les échéances de la LOPMI (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur) et de la loi de programmation attendue du ministère de la justice devraient intervenir plus tôt que l’aggiornamento de la loi de programmation militaire (qui pourrait n’être impactée à la hausse qu’à compter de 2024 et jusqu’en 2031).

Quelques données disponibles sur les autres agrégats des APU

Tout en restant dans le cadre de la présentation budgétaire, le tome 1 du rapport général de la commission des finances de l’Assemblée nationale précise que « les dépenses de personnel du budget général de l’Etat incluant les opérateurs s’élèveraient à 137,6 milliards d’euros. » en 2022. Cela représente donc une masse salariale probable des opérateurs de l’ordre de 43,2 milliards d’euros, hors CAS pensions, tandis que les dépenses des ministères du budget général de l’Etat à même date s’élevaient à 94,4 milliards d’euros. On peut extrapoler 2023 grâce à ces indications, ce qui permet de dégager une masse salariale hors CAS de l’ordre de 142,9 milliards d’euros dont 43,5 milliards pour les seuls opérateurs, soit une quasi-stabilisation par rapport à 2022.

Mds €

2021

2022

2023

Total

134

137,6

142,9

Etat

91,1

94,4

99,4

Opérateurs

42,9

43,2

43,5

Source : Rapport général tome 1, annexé au PLF 2023. A.N. et calculs Fondation iFRAP (en italique)

Plus largement en comptabilité nationale, il est possible de donner la ventilation des dépenses de rémunération suivante :

Mds €

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Etat

117,1

118,1

118,6

119,3

119,8

121,3

124,2

126,4

128

129,4

131,1

154,1

158,06

ODAC

16,1

16,7

17,2

17,5

17,8

17,9

18,4

18,7

18,9

19,2

19

APUL

70,4

72,6

75

77,7

79,1

79,7

81,5

81,6

83

84,2

86,5

90,4

93,7

ASSO

60

61,1

62,3

64

64,6

65,2

66,8

67,2

67,3

71,4

75,7

83,08

85,29

Total

263,6

268,5

273,1

278,5

281,3

284

290,9

293,9

297,3

304,2

312,4

327,6

337,1

Source : RESF 2023. Calculs de la Fondation iFRAP pour 2022 et 2023.

Dans ces conditions, et bien qu’il ne soit pas possible au regard des renseignements fournis par le RESF de dissocier la masse salariale de l’Etat de celle des opérateurs pour 2022 et 2023, l’augmentation des rémunérations serait de l’ordre de 4 milliards sur les APUC, de 3,3 milliards sur les APUL (collectivités territoriales et leurs satellites), et serait de 2,2 milliards d’euros pour les ASSO (administrations de sécurité sociale), après un choc lié au Grenelle de la Santé produisant entre 2021 et 2022 une augmentation de près de 7,3 milliards d’euros.

Conclusion

Le choix a été fait de ne pas brider la masse salariale en 2022 et en 2023 sous le double effet d’une augmentation volontaire du nombre de fonctionnaires de l’Etat sur les missions régaliennes et l’Education nationale, et d’une revalorisation générale du point de fonction publique de 3,5% au 1er juillet 2022 mais avec une extension en année pleine de même montant en 2023. Cette mesure devrait se diffuser dans l’ensemble des trois versants de la fonction publique et s’ajouter aux mesures pérennes décidées au bénéfice de la fonction publique hospitalière dans le cadre du Grenelle de la Santé.

Il en résulte une augmentation de la masse salariale publique de l’ordre de 2,89% en 2023 à 337,1 milliards d’euros après 4,87% en 2022 (327,6 milliards d’euros), soit +9,5 milliards d’euros. Les pouvoirs publics estiment sans doute que les mesures de revalorisation et de recrutement sont indolores parce qu’en volume la masse salariale publique semble baisser dans le PIB, passant de 12,5% du PIB en 2021 à 12,4% en 2022 et à 12,2% en 2023. Pour autant cet argument reste largement illusoire :

  • Tout d’abord le montant de la masse salariale publique pour 2023 reste indicatif. Il ne prend pas en compte les mesures qui pourraient entrer en vigueur en cas d’inflation plus importante qu’anticipé (soit 4,3% pour l’IPC hors tabac en 2023 après 5,4% en 2022), ou des départs à la retraite retardés (fiabilisation du schéma d’emplois).
  • Ensuite, la puissance publique ne tire pas tout le bénéfice qu’elle pourrait mobiliser en jouant sur la transition démographique dans la fonction publique : le GVT négatif pour la seule fonction publique d’Etat émargeant au budget général s’établit à 890 millions d’euros.

Bref, il y a fort à faire au-delà de 2023 et jusqu’en 2027 pour « tenir » la masse salariale publique. Pas sûr que la croissance ou l’inflation suffiront à la contenir très longtemps.


[1] Compte d’affectation spécial relatif aux pensions des fonctionnaires titulaires de l’Etat.

[2] Voir notre note précédente du 27 septembre 2022, https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/budget-2023-la-masse-salariale-de-letat-explose-de-8-milliards

[3] Voir par exemple https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_fin/l16b0292-ti_rapport-fond.pdf#page=123

[4] Les réponses du gouvernement aux questionnaires budgétaires du rapporteur général ont permis de mettre en lumière une décomposition en année pleine d’une revalorisation de 3,5% du point de fonction publique pour le budget de l’Etat (BG + Opérateurs) : de 3.385 millions d’euros dont 2797,1 millions d’euros pour le budget général et 587,9 millions d’euros pour les opérateurs, ainsi que des augmentations de cotisations au CAS pensions de 1.832,1 millions d’euros, dont 1.573,5 millions pour le Budget général et 258,6 millions pour les opérateurs.