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Exécution budgétaire 2024 : le mois de janvier déjà très déficitaire

Au 31 janvier 2024, le solde général d’exécution budgétaire de l’Etat est déficitaire de -25,7 milliards d’euros, contre un solde d’exécution un an plus tôt de -21,15 milliards d’euros, soit un creusement sur un an de -4,6 milliards d’euros. Ce résultat provient de dépenses plus hautes que l’exercice précédent (+4 milliards d’euros) à date, de recettes plus basses (-2,2 milliards d’euros) atténué par un solde des comptes spéciaux en amélioration de 1,66 milliards d’euros. Dès le premier mois d’exécution budgétaire, le déficit budgétaire affiché représente 17,5% du déficit budgétaire de l’Etat voté dans le cadre de la LFI, soit 5,3 points au-dessus de celui de l’année précédente comparé à celui de son exécution. Cela présage d’une année difficile en exécution pour le budget de l’Etat. 

Des dépenses budgétaires très dynamiques portées par les dépenses récurrentes

Premier élément de constatation, les dépenses du budget général sont en hausse en janvier 2024 de 4 milliards d’euros, soit une augmentation de 10,3% par rapport à janvier de l’année précédente. 

 

2022

2023

2024

Var 24-23Var 24-24
En millions d'euros - situation janvierRetraitéExécutéExécutéExécutionExécution
Solde du budget général

-11 887

-16 351

-22 605

-6 254

38,2%

Dépenses (BG + PSR)

35 940

39 370

43 437

4 067

10,3%

Recettes

24 052

23 019

20 832

-2 187

-9,5%

Solde des comptes spéciaux

-4 039

-4 797

-3 137

1 660

-34,6%

dont avances aux collectivités territoriales

-3 584

-4 017

-3 449

568

-14,1%

Solde des budgets annexes     
Solde général

-15 926

-21 148

-25 742

-4 594

21,7%

Sources : Direction du budget, mars 2024.

Cette dynamique apparaît en complet décalage par rapport à la dynamique des dépenses affichées dans la loi de finances initiale (LFI) pour l’année par rapport à l’année précédente. En effet, la programmation affichée apparaît comme suit :

 

2022

2023

2024

VariationVariation %

2023

2024

Différentiel
En millions d'euros - situation janvier

Retraité

Exécuté

LFI

2024-2023

2024-2023

janvier

janvier

janv 24-23

Dépenses totales du BG

512 935

522 693

519 908

-2 785

-0,5%

6,6%

7,4%

0,8

Prélèvements sur recettes

67 263

68 127

66 667

-1 460

-2,1%

7,2%

7,4%

0,3

Dépenses du budget général

445 672

454 565

453 241

-1 324

-0,3%

8,7%

9,6%

0,9

dont dépenses hors FDC et ATP

438 164

448 074

445 842

-2 232

-0,5%

7,7%

8,6%

0,9

Recettes totales du budget général

354 740

354 534

378 585

24 051

6,8%

6,5%

5,5%

-1,0

Recettes fiscales

323 284

322 903

348 482

25 579

7,9%

6,9%

5,7%

-1,2

Recettes non fiscales

23 949

25 139

22 704

-2 435

-9,7%

2,3%

2,3%

0,1

Fonds de concours et ATP

7 508

6 492

7 399

907

14,0%

1,9%

4,1%

2,2

Solde des comptes spéciaux

6 726

-5 101

-5 728

-627

12,3%

106,3%

182,6%

76,3

dont avances aux collectivités territoriales

2 214

-3 604

-2 415

1 189

-33,0%

111,5%

142,8%

31,4

Solde des budgets annexes

27

 

160

160

100%

0%

0%

0

Solde général

-151 441

-173 260

-146 892

26 368

-15,2%

12,2%

17,5%

5,3

Sources : Direction du budget, mars 2024.

En particulier s’agissant des dépenses du BG, celles-ci apparaissent comme anticipé en baisse de -0,5% en considérant les dépenses totales du budget général et de -0,3% hors prélèvements sur recettes. 

 

2023

2024

Var 24-23Var 24-23
En millions d'euros situations janvierExécutéExécutéExécution

%

Dépenses du budget général

34 490

38 478

3 988

11,6%

Dotation des pouvoirs publics

1 077

1 138

61

5,7%

Dépenses de personnel

12 146

13 194

1 048

8,6%

Dépenses de fonctionnement (y.c. BEI et MES)

7 621

9 434

1 813

23,8%

Charges de la dette de l'Etat

556

561

5

0,9%

Dépenses d'investissement

2 285

2 765

480

21,0%

Dépenses d'intervention

10 658

11 272

614

5,8%

Dépenses d'opérations financières

149

114

-35

-23,5%

Prélèvements sur recettes

4 880

4 959

79

1,6%

dont PSR au profit des collectivités territoriales

2 796

3 194

398

14,2%

dont PSR au profit de l'Union européenne

2 084

1 765

-319

-15,3%

Dépenses totales (BG + PSR)

39 370

43 437

4 067

10,3%

Sources : Direction du budget, mars 2024.

Si l’on regarde dans le détail où sont les postes de dépenses les plus dynamiques entre janvier 2023 et janvier 2024, il apparaît qu’il s’agit tout d’abord des dépenses de fonctionnement et spécifiquement des dépenses de fonctionnement courant hors subventions aux opérateurs (SCSP) soit +1,8 milliards d’euros, ensuite des dépenses de personnel avec une exécution janvier/janvier de +1,05 milliards d’euros, en lien avec l’extension en année pleine des revalorisations salariales décidées en juin 2023. Enfin l’augmentation des dépenses d’investissement (FBCF de l’Etat) pour +516 millions d’euros et les transferts aux ménages (dépenses de guichet – minima sociaux) pour +1,7 milliards d’euros (notamment en lien avec les revalorisations automatiques de ces minima). Ces augmentations des dépenses de guichets au bénéfice des ménages étant compensées pour -1 milliard d’euros par une baisse des transferts aux entreprises. 

 

2023

2024

Var 24-23Var 24-23
En millions d'euros situations janvierExécutéExécutéExécution

%

Dépenses de personnel

12 146

13 194

1 048

8,6%

dont rémunérations d'activité

6 948

7 579

631

9,1%

dont cotisations et contributions sociales

5 115

5 519

404

7,9%

dont prestations et allocations diverses

83

96

13

15,7%

Dépenses de fonctionnement

7 621

9 434

1 813

23,8%

dont dépenses de fonctionnement hors DP

2 816

4 682

1 866

66,3%

dont subventions pour charges de service public

4 804

4 752

-52

-1,1%

Dépenses d'investissement

2 285

2 765

480

21,0%

Dépenses pour immob. Corporelles de l'Etat

1 384

1 900

516

37,3%

Dépenses pour immob. Incoporelles de l'Etat

901

865

-36

-4,0%

Dépenses pour charges d'investissement

0

0

0

 
Dépenses d'intervention

10 658

11 272

614

5,8%

Transferts aux ménages

4 495

6 202

1 707

38,0%

Transferts aux entreprises

2 502

1 428

-1 074

-42,9%

Transferts aux collectivités territoriales

1 397

1 290

-107

-7,7%

Transferts aux autres collectivités

2 170

2 230

60

2,8%

Appels en garantie

95

122

27

28,4%

Sources : Direction du budget, mars 2024 et direction du Trésor, mars 2024[1].

Ce qui frappe finalement c’est que les dépenses les plus dynamiques sont celles portées par des dépenses « récurrentes » : dépenses de fonctionnement et de personnel. Pour les secondes pour lesquelles nous avons le plus de détail, sur 1 an glissant les dépenses de rémunérations augmentent de 631 millions d’euros, les cotisations et contributions sociales de +404 millions et les prestations et allocations diverses de seulement +13 millions.

Des recettes fiscales moins dynamiques d’abord en matière de TVA liées aux transferts vers d’autres administrations

Lorsque l’on regarde maintenant la décomposition des recettes budgétaires nettes de l’Etat, elles apparaissent en repli de -9,5%, soit -2,186 milliards, mais de -10,4% pour les seules recettes fiscales. Cette situation est atypique car dans le même temps les recettes fiscales dans la LFI étaient estimées pour 2024 à +7,9%. La révision de la croissance par le Gouvernement ramenée à 1% en lieu et place des 1,4% votés a des conséquences immédiates sur le rendement des revenus fiscaux de l’Etat (sans même s’interroger sur l’élasticité fiscale de ces mêmes prélèvements sans doute bien inférieure à l’unité). Les points de flexion les plus importants se situent au niveau des rentrées de TVA, où l’on enregistre des moindres rentrées de -2,28 milliards d’euros

 

2023

2024

Var 24-23Var 24-23
En millions d'euros situations janvierExécutéExécutéExécution

%

Recettes fiscales

22 326

20 006

-2 320

-10,4%

Impôt sur le revenu

2 388

2 337

-51

-2,1%

Impôt sur les sociétés

428

511

83

19,4%

TICPE

1 009

990

-19

-1,9%

TVA

14 307

12 026

-2 281

-15,9%

Autres recettes fiscales

4 194

4 141

-53

-1,3%

Recettes non fiscales

569

526

-43

-7,6%

Recettes du BG (hors FDC et ADP)

22 896

20 532

-2364

-10,3%

Fonds de concours et attributions de produits

123

301

178

144,7%

Recettes du BG + FDC&ADP

23 019

20 833

-2186

-9,5%

Sources : Direction du budget, mars 2024.

L’exécutif le justifie par le transfert accru de TVA en direction des collectivités territoriales (compensation de la suppression d’une tranche de 1 milliard de CVAE) et des administrations de sécurité sociale, pour un montant total équivalent à la baisse enregistrée en janvier. L’inflation encore persistante ne suffisant pas à compenser ces transferts de l’Etat, ce qui témoigne d’une flexion significative de la consommation des ménages en janvier. 

Conclusion

La situation se tend sur le plan budgétaire pour 2024 alors même que la situation du solde public de 2023 n’est pas encore connue, mais interrogé à ce sujet, le Ministre de l’Economie et des finances Bruno Le Maire a indiqué devant la commission des finances lors d’une récente audition qu’il serait « nettement au-dessus de 5% du PIB[2] ». Cette situation dégradée par une croissance nettement plus basse qu’estimée pour la construction de la LFI, a déjà suscité de la part du Gouvernement l’annulation (et non la mise en réserve) de près de 10 milliards d’euros de crédits de paiements fin février[3]. Rien ne dit toutefois si celle-ci sera suffisante pour compenser l’attrition des recettes fiscales et l’envol des dépenses courantes. 


[1] La décomposition est obtenue grâce à la comparaison de la SMB (situation mensuelle budgétaire) et de la SME (situation mensuelle de l’Etat), voir https://www.budget.gouv.fr/documentation/publications-de-la-direction/situation-mensuelle-du-budget-de-letat-smb/smb-2024 et https://www.economie.gouv.fr/dgfip/la-situation-mensuelle-de-letat 

[2] https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14755974_65e87523b3d8e.commission-des-finances--m-bruno-le-maire-ministre-de-l-economie-des-finances-et-de-la-souverain-6-mars-2024 

[3] Voir notre note à ce sujet et le décret du 21 février 2024 : https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/10-milliards-deconomies-sur-letat-un-bon-debut-mais-largement-insuffisant