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Sur 434 opérateurs seulement 190 publient des comptes financiers

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a déclaré vouloir supprimer ou fusionner 1/3 des opérateurs de l'État « d’ici la fin de l’année », visant ainsi deux à trois milliards d’euros d’économies.

Au nombre de 434, ces organismes auxquels on a confié une mission de service public disposent d’une autonomie budgétaire. Ils existent sous différents statuts juridiques : établissements publics, groupements d’intérêts, agences, associations, etc. Parmi les plus importants, on retrouve France Travail, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les universités et les Agences régionales de santé (ARS). Ces organismes étant, au moins en partie, financés par l’État, on aimerait disposer d’une transparence totale sur leurs comptes financiers. C’est loin d’être le cas : sur les 434 opérateurs, seuls 190 comptes financiers, plus ou moins récents et détaillés, sont disponibles en ligne (44%). Sur un total de 216 opérateurs hors enseignement supérieur et recherche, 38 publient leurs comptes financiers. Le ratio tombe alors à 17,13%.

Les informations du jaune budgétaire

Les annexes au projet de loi de finances, ici les « jaunes budgétaires », nous fournissent une cartographie détaillée des opérateurs de l’État. On y retrouve leur masse salariale, leur trésorerie, leurs ressources propres ainsi que les crédits ou impositions qui leur sont affectés. On dispose seulement des prévisions et non des exécutions. Il y a par exemple le plafond d’emploi, mais pas le résultat du nombre d'embauches. Les parlementaires ne sont pas en mesure de savoir si les opérateurs gèrent correctement le budget qui leur est alloué. 

Une inégalité totale dans la publication des comptes

Seuls 190 opérateurs de l’État publient leurs comptes financiers. Sur 434, cela fait 44%. C’est problématique quand on sait que ces organismes touchent une subvention pour charges de service public (SCSP) pour payer leurs dépenses courantes, à savoir le personnel rémunéré par l’opérateur ainsi que le fonctionnement. 

En tout, il y a 218 opérateurs d’enseignement supérieur et de recherche. Parmi les 190 qui publient des comptes, 152 en font partie. Cette catégorie a donc un taux de publication de 70%. Cela est moins glorieux pour les autres opérateurs avec seulement 38 opérateurs qui publient sur 216. Le ratio chute alors à 17,5%.

Parmi les comptes publiés, 130 datent de 2023 ou 2024. Les autres sont antérieurs, le plus ancien datant de 2012. Si l’on ne considère que les opérateurs qui ont leurs comptes en accès libre pour l’année 2023 ou 2024, ils sont 30% des opérateurs de l’État.

Opérateurs publiant leurs comptes par catégorie 

  • 71 "universités et assimilés"
  • 24 "autres opérateurs d'enseignement supérieur et de recherche"
  • 24 "écoles et formations d'ingénieurs"
  • 18 "réseaux des œuvres universitaires et scolaires"
  • 3 "écoles d'enseignement supérieur agricole et vétérinaire"
  • 12 autres dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche
  • 11 "parcs nationaux"
  • 27 autres divers

Les autres ressources : rapports d’activité, Cour des comptes

D’autres ressources sont plus souvent accessibles. La grande majorité des opérateurs publie un rapport annuel d’activité à l’intérieur duquel on trouve quelques chiffres. Rien de bien satisfaisant pour autant : cela relève parfois plus de la brochure que d’un compte rendu chiffré de l’année.

En parallèle, on tombe quelquefois sur des observations faites par la Cour des comptes. Néanmoins, les sages de la rue Cambon n’ont pas que les opérateurs à contrôler. Il est impossible que la Cour fasse un audit pour chacun des 434 opérateurs. Ainsi, quand il y en a, les opérations définitives de cette haute instance remontent parfois à de nombreuses années. 

Enfin, on retrouve de temps en temps d’autres documents comme des rapports sociaux uniques (RSU), des rapports du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres), et autres « chiffres clés ». Finalement, ce qui est le plus rare, c’est de tomber sur les comptes annuels d’un opérateur.

L’idéal serait d’avoir un jaune exécution et une banque des comptes

Avec le jaune actuel, on connait les budgets prévisionnels des opérateurs. Comment savoir si ces différentes agences ont une gestion irréprochable ou si elles se sont sensiblement éloignées en exécution de leur budget initial ? Il faut refaire le travail effectué dans cette étude tous les ans : aller voir chaque site de chaque opérateur en quête d’informations. Pourtant, même en faisant cela, on n'obtient de résultat positif que dans 44% des cas. Le législateur n’a aucun moyen de contrôler l’action de ces organismes de façon désagrégée ou consolidée.

Pour pallier ce problème de transparence, il faudrait que l'État français applique sincèrement les principes d'Open Government et d'Open data en vigueur dans plusieurs pays (Scandinaves notamment): appliquer un principe de redondance afin de rendre l'information plus accessible. Rendre obligatoire la publication des comptes, du rapport social unique, du rapport d'activité et de la certification des comptes lorsqu'elle existe opérateur par opérateur. Et par ailleurs, mettre en place un site officiel qui centralise tous les comptes des opérateurs. Celui-ci pourrait d'ailleurs donner lieu à une synthèse à l'occasion de l'approbation de la loi de finances de règlement sous la forme d'un jaune exécution. Cela permettrait enfin de connaitre leurs dépenses réelles et de suivre, année après année, la comptabilité de ces entités. Enfin, pour isoler les "coûts de tutelle" et de suivi des opérateurs par leurs ministères de rattachement, une "orange budgétaire" pourrait être créée spécifiquement pour isoler ces coûts spécifiques. Ce qui est aujourd'hui tout à fait impossible. 

Conclusion

La proposition de la ministre des Comptes publics est très ambitieuse. Elle a par ailleurs déclaré qu’elle ne toucherait pas aux universités (71 opérateurs). Si elle décide de ne pas s’attaquer aux opérateurs d’Enseignement supérieur et de recherche dans leur ensemble, cela fait 218 organismes intouchables. Sur les 216 restants, 38 ont une comptabilité en source ouverte sur internet. La rationalisation s’annonce semée d'embuches, mais pas insurmontable. Mais faute de données efficaces, elle sera très certainement chronophage.

Les 190 opérateurs qui publient leurs comptes
Les 434 opérateurs et leurs documents