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Plan de soutien à l'aéronautique : un étrange attelage entre volontarisme et tentation de la décroissance

L'Europe, et tout particulièrement la France avec 200.000 emplois dans le secteur, est l'un des trois principaux constructeurs mondiaux d'avions. Le gouvernement vient d'annoncer un plan de soutien de 8 milliards d'euros à l'industrie aéronautique, dont « 300 millions d'euros pour moderniser la chaîne d'approvisionnement et un fonds d'investissement de 500 millions d'euros, pouvant atteindre 1 milliard, conçu pour aider au développement des petites et moyennes entreprises ».

La crise sanitaire a immédiatement impacté les compagnies aériennes, pratiquement interdites de vol. L'effondrement de leur chiffre d'affaires a provoqué un risque de faillite à court terme ; l'Association internationale du transport aérien (IATA) a évoqué un cumul de pertes de 84 milliards de dollars en 2020 contre 31 lors de la crise de 2008. Il faudra plusieurs années pour espérer retrouver le trafic de 2019, et le nombre de compagnies devrait diminuer. La France, comme d'autres états, s'est tout de suite préoccupée de la survie financière de sa compagnie nationale, en accordant un prêt de 7 milliards d'euros à Air France de notre côté. Et jusqu'à 4 milliards d'euros pour KLM côté hollandais.

Au-delà des compagnies, vient l'industrie aéronautique. Celle-ci a été touchée plus lentement mais le sera beaucoup plus durablement. Premier problème, les commandes sont en chute car les compagnies n'auront pas besoin d'avions supplémentaires avant au mieux 2023. Second problème, le maintien ou non des effectifs. Car contrairement aux compagnies qui pourront facilement retrouver du personnel formé sur le marché, le problème des constructeurs et de leurs sous-traitants est le maintien des compétences.

Ce plan prévoit le prolongement de 12 à 24 mois le chômage partiel et les commandes militaires supplémentaires, dans le but d'assurer le maintien des compétences. Comme tous les plans de relance présentés actuellement par le gouvernement, il est assorti de contreparties : notamment le maintien de la fabrication en France et du maximum d'emploi, ce qui est normal… mais également, le lancement d'un programme de recherche sur l'avion « zéro carbone ». Si ce programme doit permettre le maintien de l'activité des bureaux d'études, la « réduction des émissions de CO2 » doit monopoliser 1,5 milliard d'euros du plan d'aide total.

Dans l'ignorance aujourd'hui du délai de reprise du marché, on ne peut pas dire si l'effort de l'État sera suffisant pour assurer le maintien des compétences, mais on peut dès maintenant y faire deux critiques :

Le volet militaire paraît faible : compte tenu du vieillissement des matériels aéronautiques des armées et du coût du chômage partiel, il y avait une occasion de remettre à niveau plus de matériels pour la seule différence de coût entre la fabrication et le chômage partiel qui n'a pas été suffisamment exploitée ;

Le plan est soumis à des contraintes environnementales fortes… dont l'impact commercial risque de handicaper l'aéronautique française : est-on sûr que l'avion « zéro carbone » sera la priorité des compagnies aériennes lorsqu'elles recommenceront à acquérir des avions ? Il ne faudrait pas que ce soit un nouveau Concorde ou un nouvel A380 !

C'est la principale critique que l'on peut faire à ce plan qui impose à une industrie soumise à la concurrence mondiale une contrainte destinée à satisfaire l'administration française (et les électeurs ?) ; le plan de la compagnie Air France, à laquelle il est demandé d'abandonner la moitié de ses liaisons intérieures au profit du train, est déjà défavorable à la fois à Airbus en diminuant le besoin d'avions court courrier (A220 et A320 néo) qui sont un point fort de sa ligne de produits, et aux grands aéroports français de correspondance qui deviendront moins commodes à atteindre en train que leurs concurrents européens en avion.