Actualité

Education en Allemagne : un fonctionnement local, flexible et qui s’adapte au cas par cas

Alors que tous les voyants du système éducatif français sont au rouge et que la gestion de l’Education nationale n’a jamais été autant critiquée, la Fondation iFRAP s'est penchée sur le fonctionnement du système éducatif en Allemagne. Un cas concret qui peut nous inspirer, d'autant plus que le système éducatif allemand a fait ses preuves dans le classement PISA. En 2018, le classement de l'OCDE analysait l’évolution de la performance des pays depuis la parution du premier classement en 2000 : si la France était classée dans les pays ne présentant ni progression, ni diminution du niveau des élèves, l'Allemagne, elle, présentait une performance des élèves à la hausse. 

L’Allemagne étant un Etat fédéral, la responsabilité du système éducatif revient aux Lands. La loi fondamentale allemande précise que la gestion de l’intégralité du système éducatif est sous la responsabilité de chaque Land tandis que le niveau fédéral est responsable de la supervision. Les règles encadrant le système ou plutôt les systèmes éducatifs en Allemagne sont réparties dans les législations des Lands. Ainsi, chaque Land dispose d’un ministère de l’Education qui est le principal responsable de la politique éducative tandis que la gestion des jardins d’enfants et des crèches, pour les enfants de moins de 6 ans, incombe aux services de protection de la jeunesse de chaque Land.

Le niveau fédéral et une conférence permanente assurent la supervision et l’harmonisation

C’est la loi fondamentale qui accorde des responsabilités en matière d’éducation au niveau fédéral. Ces responsabilités concernent principalement l’encadrement de l’alternance, de l’apprentissage et de la formation continue, l’encadrement des règles d’admissions dans l’enseignement supérieur, l’organisation de l’aide financière pour les élèves, la promotion de la recherche scientifique et académique, la protection et le bien-être de la petite enfance et de la jeunesse (notamment en encadrant les règles que les garderies ou jardins d’enfants doivent suivre), la protection des élèves suivant l’éducation par correspondance, etc. En plus, le niveau fédéral encadre le statut, les droits et les devoirs des agents de la fonction publique.

La politique éducative est, en réalité, harmonisée à travers le pays depuis la création, en 1948, du KMK (la Conférence permanente des ministres de l'Éducation des Länder) qui réunit les ministres et les parlementaires, des Land et de l’Etat fédéral. Néanmoins, ces résolutions n’ont que le statut de recommandation et doivent être transposées au niveau local ce qui peut entrainer des variations. Par exemple, en 1964, la conférence a unifié l’âge d’entrée dans l’enseignement obligatoire (6 ans) et la durée de l’enseignement scolaire (de 9 à 10 ans selon les Lands… mais certains Lands imposent de continuer, a minima, un enseignement à mi-temps pendant au moins 3 ans après). Sont également harmonisés par la conférence, les dates de début et de fin de l’année scolaire, la reconnaissance des examens, le type de notation reconnu dans les bulletins scolaires, la durée des vacances scolaires, les niveaux scolaires… toujours avec quelques différenciations locales. Ainsi, le niveau primaire dure 6 ans dans les Lands de Berlin et de Brandebourg contre 4 ans pour le reste du pays. On trouve ensuite 4 types d’établissements uniformisés pour l’enseignement secondaire à travers le pays : les écoles secondaires générales (hauptshcule) et les écoles secondaires qui peuvent aboutir à une formation professionnelle (realschule) ou une passerelle vers un collège/lycée général (gymnasium). Créées plus récemment, certains Lands proposent des écoles polyvalentes (gesamtschule) qui regroupent tous les types d’enseignements et permettent de valider différents diplômes. Depuis 1999, la conférence harmonise également les standards d’évaluation de la qualité du système scolaire.

Gestion du système éducatif : une responsabilité régionale et répondant aux spécificités locales

Au niveau des Lands, les responsabilités se partagent ainsi :

  • Le Land et son ministère sont responsables des « affaires internes » soit la gestion du corps enseignant (leur formation initiale et continue, le versement des salaires et des pensions de retraites) et du contrôle de enseignements et de la pédagogie via une sorte d’inspection régionale.
    • Dans certains Lands, des missions de supervisions des équipes pédagogiques ont été transmises aux directeurs d’établissements.
    • Dans tous les Lands, la supervision des établissements est complétée par des évaluations externes obligatoires, ces contrôles doivent notamment évaluer les établissements sur des objectifs à atteindre en termes de qualité. Ces organismes externes sont aussi chargés d’accompagner les établissements lors des réformes (nouvelles missions, changement de programme ou pédagogie).
  • Les collectivités territoriales (municipalités et/ou districts ruraux) sont responsables d’établir la carte et la répartition (ouverture/fermeture) des établissements sur leurs territoires, parfois en concertation avec le Land.
  • Les autorités scolaires locales sont ensuite, au niveau local, responsables des « affaires externes », soit la gestion des bâtiments, les questions d’aménagement, la gestion du matériel, du personnel administratif et du personnel non enseignants (les surveillants par exemple). Pour les établissements publics, ces autorités sont généralement la municipalité ou le district rural tandis qu’il s’agit généralement du propriétaire de l’établissement ou d’une personne morale à but non lucratif dans le cas de l’enseignement privé. Attention des exceptions existent :
    • Les écoles qui offrent un enseignement particulier (art, sport, enseignement technique, établissements accueillants des élèves handicapés, etc), sont majoritairement gérés par les Lands même pour les questions matérielles.
    • Certains Lands délèguent à certaines autorités scolaires locales, la gestion de la masse salariale des enseignants en plus de la gestion des affaires matérielles.

Au sein des établissements :

Les directeurs d’établissements, dans le premier et le second degré, sont des enseignants qui assurent généralement encore des heures de classe. La plupart du temps, ils sont nommés par la collectivité et sont chargés de coopérer avec le conseil des enseignants qu’ils président et le conseil de l’établissement mais ils ont, également, une autorité hiérarchique sur le reste des équipes, pédagogique ou non, de l’établissement. Ils doivent, notamment :

  • Organiser la gestion des emplois du temps et le calendrier de l’établissement en s’assurant que les différents membres de l’équipe pédagogique ont une charge de travail équivalente (enseignement, surveillance, remplacement, etc).
  • Assurer une surveillance du standard d’éducation et peuvent, pour cela, assister aux classes tenues par leurs collègues et inspecter les travaux écrits. Les directeurs sont aussi, de plus en plus, responsables du développement du projet pédagogique de l’établissement.
  • Assurer une surveillance de la présence effective des élèves dans l’établissement, du respect du règlement intérieur de l’établissement et des standards de protection légaux (santé, accident).
  • Représenter l’établissement face au public, aux élus locaux et aux autorités scolaires locales.
  • Assurer la gestion des affaires externes de l’établissement (achat du matériel d’enseignement, etc) en partenariat avec la municipalité et/ou l’autorité scolaire locale. Néanmoins, de plus en plus de directeurs d’établissement gèrent, désormais, le budget de l’établissement directement.

Dans sa tâche, le directeur d’établissement est soutenu par :

Un conseil des enseignants qui regroupe toute l’équipe pédagogique et qui se réunie sur les questions d’instruction tout en respectant la liberté pédagogique de chaque enseignant, qui fait le choix des manuels scolaire et tranche sur les questions disciplinaires (expulsion, résolution de conflit). Ces conseils peuvent également se tenir par niveau éducatif, par classe ou par matière. Dans certains Lands, les parents ont un droit de participation, de présentation de leurs points de vue mais ils sont exclus des décisions et débats concernant le passage des examens ou du passage des élèves au niveau supérieur (et, de facto, des questions sur les redoublements).

Le conseil de l’établissement qui est un organe de décision additionnel qui réunit le directeur d’établissement, les enseignants, les élèves et les parents ainsi que des partenaires extérieures s’ils existent. La composition de ce conseil diffère de Land en Land, les enseignants, parents et élèves pouvaient être représentés à égalité ou les élèves pouvant être sous-représentés. Ce conseil décide du règlement intérieur de l’établissement, des sanctions, de la répartition des classes, aborde les questions de sécurité des élèves (sur le chemin de l’école, dans les transports, prévention des incidents aux abords de l’établissement) et organise les évènements dépendant de l’établissement mais se tenant en extérieur (visite d’entreprise, sortie scolaire, etc). Certains Lands autorise ce conseil à définir des règles pour encadrer la surveillance des devoirs, les travaux en groupe, voire à émettre un avis sur le recrutement du directeur d’établissement… mais aussi le regroupement, la division ou la relocalisation de l’établissement scolaire, les projets d’agrandissements et les questions d’équipements.

Des enseignants pas forcément fonctionnaires

Le personnel encadrant les enfants de moins de 6 ans n’a pas le statut d’enseignant. Leur statut et les conditions à remplir pour exercer leur métier diffèrent selon les Lands. La formation dure généralement entre 2 et 5 ans selon le poste (assistant d’éducation, auxiliaire, personnel pédagogique, etc) et de plus en plus de formation se font en alternance.

La formation des enseignants est organisée par chaque Land avec leur propre spécificité mais, de manière générale, se divise en 2 étapes : une période d’enseignement dans un établissement du supérieur, généralement une université, et incluant des temps de stage dans des centres de formation pour enseignants (dont le volume augmente d’année en année et dont les cours sont organisées par des enseignants en poste et disposants d’une dispense de leurs propres cours pour une période temporaire), suivie d’une période d’apprentissage dans un établissement scolaire. La majorité des licences/masters d’Education sont reconnues à travers tout le pays. Ces formations doivent remplir des prérepris définis par les standards de formation validés par tous les Lands via la conférence permanente, KMK.

Comme il existe de nombreux types d’établissements scolaires différents en Allemagne, il existe également 6 types de formation/spécialisation possible pour les enseignants : enseignement du primaire, enseignement du primaire et des premières années du second cycle (équivalent collège), enseignement des premières années du second cycle (collège), enseignement général du secondaire (équivalent lycée), enseignement professionnel et alternance, enseignements spéciaux. Les enseignants allemands doivent également pouvoir enseigner 2 matières minimum. 

Néanmoins des formations alternatives et des passerelles existent pour devenir enseignant et peuvent être accélérées par les Lands, à condition de remplir les standards de la conférence permanente, pour répondre à une pénurie d’enseignements ponctuelle. Tous les ans, la conférence permanente publie une étude présentant une projection des besoins en personnel éducatif pour les prochaines années.  En 2018, 13% des nouveaux enseignants n’avaient pas suivi la formation « classique ».

Une fois la formation validée, les enseignants sont mobilisés dans un établissement, soit par le Land en fonction des ouvertures de postes et du profil recherché par l’établissement. Dans les Lands de l’ouest, la majorité des enseignants obtiennent, alors, le statut d’agent public du Land en période d’essai. Cette dernière dure 2,5 à 3 ans mais peut être allongée jusqu’à 5 ans pendant laquelle l’enseignant est supervisé. Et, point important, les enseignants fonctionnaires n’ont pas le droit de grève en Allemagne. En face, dans les Lands de l’est, la plupart des enseignants sont salariés (CDD ou CDI) et n’ont une période d’essai que de 6 mois. Encore une fois, des exceptions existent, ainsi le Land de Berlin ne recrute maintenant que des enseignants salariés par exemple (mais conserve un stock d’enseignants actifs dont la moitié ont encore le statut d’agent civil) tandis que le Land de Brandenburg recrute majoritairement des agents civils. Le Land de Sachsen, lui, a interdit le recrutement d’enseignants salariés de 2019 à 2023.

Au niveau du temps d’enseignement, les enseignants allemands du premier degré assurent un service de 26 à 28 heures hebdomadaires sur 40 semaines de cours (soit entre 1 080 et 1 120 heures annuelles) tandis que le second degré assure un service de 23 à 26 périodes d’enseignements de 45 minutes par semaine, sur 40 semaines de cours, soit 736 à 864 heures annuelles. Dans l’enseignement professionnel, le service peut monter jusqu’à 32 heures par semaine. Les enseignants sont aussi obligés d’assurer des missions annexes comme 3 heures de remplacement par semaine et de couvrir des heures de surveillance. Ces heures ne sont rémunérées qu’à partir de la 4ème heure supplémentaire. En tout, leur service peut être modulé de 2 heures par semaine sans consentement préalable (dans la limite de 2 semaines) et, peut être modulé jusqu’à 6 heures pour des raisons d’organisation et ce, à la demande du chef d’établissement. Concernant les heures assurées, en plus ou en moins (remplacements, examens, sorties scolaires, stages), elles sont à compenser sur le reste de l’année scolaire.

La rémunération des enseignants est versée par le Land et suit une grille salariale fixé par chaque Land. Les primes et allocations familiales diffèrent également selon les Lands. L’ancienneté ainsi que la performance de l’enseignant lui permet de progresser sur la grille. En général, un enseignant atteindra l’échelon maximum entre 50 et 55 ans. Des promotions, avec une augmentation de rémunération mais aussi et obligatoirement des nouvelles missions et responsabilités dans l’établissement, peuvent être accordées quand un enseignant justifie d’une performance, de qualifications, d’aptitudes remarquables. 

Pendant les vacances scolaires, les enseignants peuvent être mobilisés pour suivre des formations continue et/ou aider à organiser les rentrées au sein de l’établissement. La formation continue et l’organisation de séminaire pédagogique pour les enseignants sont gérées par le Land.

Enfin, les enseignants allemands sont éligibles à une pension d’enseignant à partir de 5 ans en poste (incluant les congés maladies) et peuvent demander à partir à la retraite en avance, sur justification (physique, raison de santé) à 63 ans, bien que l’âge légal soit fixé à 65 ans, 67 ans pour à partir de la génération née en 1964.

Quelle place pour l’enseignement privé ?

Dans les Lands de l’ouest, l’accueil des enfants de moins de 6 ans se fait principalement dans des établissements privés gérés par l’Eglise, des associations ou des parents. Les municipalités ne peuvent ouvrir leurs propres établissements que si les établissements privés ne peuvent pas ouvrir à tant ou si le niveau d’accueil n’est pas satisfaisant. En 2017, 67% des jardins d’enfants en Allemagne étaient gérés par une association ou une personne morale. Au niveau du financement, que les établissements soient publics ou privés, il se partage entre la participation des familles et des subventions publiques (les établissements privés peuvent percevoir, en plus, des revenus propres ou des financements extérieurs). En 2017, le secteur public a soutenu la prise en charge des enfants de moins de 6 ans à hauteur de 26 milliards d’euros dont 13 milliards versés par les Lands.

Concernant l’enseignement obligatoire. Le droit d’ouvrir des établissements privés et l’obligation pour ces dernières de garantir des conditions d’enseignement au moins égal à l’enseignement public, est garanti dans la loi fondamentale et, parfois, dans les constitutions des Land. Les enseignants qui y enseignent doivent valider les mêmes prérequis de formation que leurs collègues du public.

La proportion d’établissement varie énormément de Land en Land. Néanmoins, concernant le primaire, la création d’un établissement privé doit être validé par la collectivité et doit venir remplir un besoin pédagogique spécifique. En 2018-2019, 3,6% des élèves du primaire étaient scolarisés dans un établissement privé. Dans l’enseignement secondaire, les établissements privés doivent représenter une alternative (école international, bilingue, réformiste, etc) ou proposer des enseignements complémentaires (principalement dans l’enseignement professionnel). Des frais de scolarités peuvent être demandés mais ils doivent respecter une certaine « équité sociale » afin de permettre à toutes les familles d’y participer. La grille tarifaire peut s’adapter aux revenus des foyers et une partie de ces frais de scolarités sont généralement déductibles. Les établissements privés sont, à la fois, financés par des subventions du Land, par les frais de scolarité et par des associations liées (notamment religieuses).

Enfin, l’ouverture d’un établissement privé peut être validé par les pouvoirs publics sans lui permettre de faire passer les examens nationaux qui se déroulement au sein d’un établissement public dans ce cas.

En tout, environ 9% des élèves sont inscrits dans un établissement privé.

Type d’établissements dans le secondaire

% d’élèves inscrits dans un établissement privé de ce type

Orientierungsstufe (école indépendante)

6,6%

Hauptschulen

5,4%

Etablissements offrants les enseignements Hauptschule et Realschule

7,3%

Realschule

11,8%

Gymnasien

12,3%

Integrierte Gesamtschulen (établissement intégrant un enseignement du primaire)

5,7%

Berufsschule (école professionnelle à temps partiel)

2,6%

Berufsfachschulen (école professionnelle à temps complet)

24,1%