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Écoles de commerce : la réussite de la responsabilisation

L'École supérieure de commerce de Savoie-Chambéry explore une nouvelle voie

Le rapport annuel de la Cour des comptes consacre un chapitre aux Écoles Supérieures de Commerce et de Gestion sous le titre : "Un développement à réguler". Mais sur le marché international de la formation comme sur tous les autres, la réussite passe par le dynamisme, l'expérimentation et la prise de risque.

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le rapport public annuel 2013 sur les Écoles Supérieures de Commerce et de Gestion

Le classement est pourtant fait par des anglo-saxons, mais les Grandes Écoles de commerce et de management françaises sont bien placées dans les classements internationaux : 3 françaises dans les 10 premières du classement européen du Financial Time. Beaucoup mieux classées que leurs équivalentes scientifiques et plus encore que les universités, pourtant de prestigieuses aînées très régulées [1].

  1. IE Business School
  2. HEC - France
  3. London Business School - Grande-Bretagne
  4. Insead - France
  5. Esade Business School - Espagne
  6. Iese Business School - Espagne
  7. IMD - Suisse
  8. Universität St.Gallen - Suisse
  9. Rotterdam School of management, Erasmus University - Pays-Bas
  10. ESCP Europe - France

Les trois parisiennes (HEC, ESCP, ESSEC) dominaient depuis toujours le paysage français des grandes écoles de commerce et auraient pu se complaire dans cette situation. Mais de nouveaux noms sont apparus et certaines se rapprochent régulièrement des meilleures : cette année et dans ce classement, l'EM Lyon devance l'ESSEC. Une situation peut-être provisoire puisqu'il n'existe heureusement pas de monopole dans ce secteur et que les situations n'y sont pas figées.

Diversité des Écoles de commerce

Les Écoles dites de commerce, forment à de nombreuses autres disciplines : management, gestion, marketing, finance, entre autres. Elles ont au moins cinq origines et sont régies par autant de statuts : chambres de commerce (HEC), conseils généraux (Léonard de Vinci), entreprises privées (INSEEC) [2], associations (EDHEC), universités (IAE Aix-en-Provence). Entre ces différents types, tout est différent, mise à part la volonté d'être parmi les meilleures : la composition du conseil d'administration, les statuts des personnels, les objectifs de rentabilité, les modes de recrutement des étudiants et des enseignants, le cursus et le coût des études, l'activité de recherche. Ces écoles sont souvent accréditées par l'État et par d'autres organismes publics et privés, français et étrangers, qui vérifient les normes des programmes et des enseignements.

Responsabilité des établissements d'enseignement supérieur

Dans les années 1970-80, des écoles de commerce se sont créées dans toutes les grandes villes. Une sorte de trop plein s'est produit, mais surtout la constatation qu'aucune d'elles n'avait la taille critique. Au même moment, le nombre de disciplines explosait et l'ouverture internationale devenait impérative dans les deux sens : cursus des étudiants français à l'étranger et accueil des étudiants étrangers en France.

Face à ces problèmes, sans avoir besoin d'injonction d'un ministère, ces établissements ont commencé à s'étendre et à se rapprocher : les écoles des chambres de commerce de Lille et de Nice se sont regroupées, comme celles de Bordeaux, Pau et Marseille, puis celles de Reims et Rouen, ou celles d'Amiens, Brest et Clermont-Ferrand. Souvent, la fusion s'étend au-delà des seules écoles de commerce et intègre d'autres établissements constituant de véritables pôles universitaires. L'EDHEC de Lille, gérée par une association, a préféré s'étendre seule et a ouvert un site à Nice. D'autres, comme celle de Dijon, revendiquent le choix de rester seules comptant sur l'agilité plutôt que sur la taille. L'expérience dira quelles sont les meilleures formules. Presque toutes ont établi des partenariats avec des universités étrangères ou carrément ouvert des campus à l'étranger : Royaume-Uni, États-Unis, Chine, Espagne, Maroc… Dans tous les cas, les étudiants sont tenus, ou fortement encouragés, à aller y faire une partie de leurs études.

Une première : ESC Savoie-Chambéry / INSEEC

A côté d'établissements sans but lucratif (association, université, conseil général), des entreprises privées ont créé des écoles de commerce ou de management. Le groupe INSEEC a fondé ou repris des établissements existants (Monaco, Bordeaux, Lyon, Paris), grandes écoles, formation continue ou formations spécialisées. Il a aussi des antennes à Londres, Chicago et San-Francisco. Cette entreprise, filiale d'un groupe américain, forme actuellement 13.500 étudiants dont 3.500 au niveau Grande école.

Un modèle à suivre par d'autres secteurs

Dans le cas des Écoles de commerce, c'est parce que leur gestion était décentralisée et que leurs conseils d'administration étaient vraiment responsables que ces fusions et délégations ont été possibles. De la même façon, en Suède, en Allemagne et en Italie, quand les élus locaux constatent que les hôpitaux dont ils sont responsables sont trop coûteux pour la collectivité locale, pour l'assurance maladie et/ou dangereux pour les patients, ils en délèguent la gestion à des groupes de cliniques privées. Au lieu de réclamer toujours plus de crédits à l'État et de défendre des situations indéfendables, ils assument des décisions difficiles au cas par cas sans avoir à s'attaquer à des dogmes ou à des tabous nationaux. Il est grand temps, en France, de régionaliser la gestion des hôpitaux publics, des universités et des établissements d'enseignement.

Fusion de l'École Supérieure de Commerce de Savoie Chambery avec l'INSEEC

Interview de Monsieur René Chevalier, Président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Savoie, Président de la fédération du BTP de Savoie

Fondation iFRAP : Quelles motivations vous ont-elles fait envisager la fusion de votre École de commerce avec un autre établissement ?

René Chevalier : La responsabilité d'une Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) est de favoriser le développement des entreprises de son département, dans un environnement national et international très mouvant. Dès mon élection à la tête de la CCI, je me suis demandé si cet établissement d'enseignement apportait bien toutes les aides possibles et souhaitables aux entreprises de ma région. Chaque « pays » a des particularités fortes, et c'est très vrai pour la Savoie qui ne compte que 400.000 habitants mais est mondialement connue au moins pour ses stations de sports d'hiver. La moitié de sa production provient du tourisme. J'ai donc estimé que la synergie avec d'autres partenaires, offrant aux étudiants et aux entreprises des formations plus variées et plus internationales, serait bénéfique pour l'économie de la région et attirerait des étudiants de toute la France.

Fondation iFRAP : Comment avez-vous fait pour vous décider à franchir le pas ?

René Chevalier : Cela a été simple : il s'est agi d'une décision de chef d'entreprise. La satisfaction d'être seul maître à bord de cette École passait nécessairement après celle de voir cet établissement se développer et être utile au département.

Fondation iFRAP : Comment cette fusion se traduit-elle sur le plan financier ?

René Chevalier : La CCI finançait régulièrement une partie du déficit de l'ESC pour un montant de 1 à 3 millions d'euros suivant les années. Sur les trois prochaines années, la subvention sera progressivement supprimée. Dès 2013, l'INSEEC paiera un loyer pour l'occupation des locaux.

Fondation iFRAP : Pourquoi avoir choisi l'INSEEC et pas la Grande école d'une autre Chambre de Commerce comme le font beaucoup d'autres CCI ?

René Chevalier : Pour trois raisons. Par son ancrage fortement international, l'INSEEC était un excellent candidat. Mais aussi par sa spécialisation dans les formations et le conseil sur les marchés du luxe. Les stations de ski de Savoie sont leaders mondiales dans ce créneau mais doivent en permanence s'améliorer. Enfin et surtout, c'est la convergence de vues avec Catherine Lespine, Directrice générale de l'INSEEC, qui a été décisive. J'ai rapidement eu la conviction qu'elle-même et son équipe feraient le maximum pour faire progresser l'ESC Chambery Savoie.

Fondation iFRAP : Comment cela a-t-il été perçu par le personnel de l'École ?

René Chevalier : Les salariés ont en effet dû changer de statut, n'étant plus salariés de la CCI mais d'une association de gestion de l'École. Nous avons passé beaucoup de temps à expliquer le projet, et la quasi-totalité des salariés ont accepté de changer de statut, convaincus que la nouvelle structure offrait de nouvelles perspectives de carrière. Quelques salariés proches de la retraite ont logiquement choisi de conserver leur ancien statut.

Fondation iFRAP : Avez-vous abandonné tout lien avec cette école ?

René Chevalier : Non pas du tout. La CCI reste au Conseil d'administration de l'association qui gère l'École et compte coopérer avec les dirigeants de l'NSEEC, notamment pour exprimer les besoins des entreprises du département.

[1] Il est frappant que Sciences Po Paris et Dauphine, qui disposaient d'un petit espace de liberté, aient, elles aussi, réussi à se développer de façon remarquable

[2] Le groupe INSEEC est un groupe d'enseignement supérieur français, rassemblant plusieurs écoles de commerce, management et communication, et des programmes MSc et MBA. Implanté à Paris, Bordeaux, Lyon, Monaco, Londres, Chicago. (MBA = Master of business admiistration ; MSc = Master of science)