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Conférence environnementale : le retour du Grenelle de l'environnement

L'abandon probable du canal Seine-Nord, un des projets phares du Grenelle de l'environnement, pose la question du sérieux de ces grand-messes. Le sujet est d'actualité, une « Conférence environnementale », sorte de Grenelle environnement-bis, vient de se tenir le 14 septembre 2012. Au lendemain de la Conférence environnementale, la CGT s'inquiète du renoncement à la production et même à la recherche des gaz de schistes en France. Plus généralement, des syndicats demandent que le pays se concentre sur la recherche de véritables emplois productifs et efficaces. Quand ils ne sont pas rentables, les emplois verts sont similaires à ceux que dénonçait déjà Alfred Sauvy il y a 50 ans : remplacer les camions par des brouettes crée beaucoup d'emplois, mais appauvrit tout le monde (il aurait pu ajouter que c'est pourtant, à première vue, très écologique).

Le devis initial du canal Seine-Nord était de 4 milliards d'euros, un montant impressionnant pour un projet brillant sur le papier (connecter Paris et les ports du Havre et de Rouen à l'arrière-pays de Rotterdam et Hambourg), alors qu'aucune étude n'en a jamais montré la rentabilité, cependant que le coût commençait déjà à dériver. Mais ce canal n'est pas la seule des décisions de ce Grenelle qui aient dû être annulées ou dont l'application s'est révélée franchement contre-productive.

Les lignes TGV

Tout une liste de lignes TGV adoptées en 2008 dans l'enthousiasme général, sans aucune considération ni du besoin ni de la rentabilité, sont aussi en voie d'abandon. Notamment la ligne Bordeaux-Pays Basque-Espagne, dont les projections de trafic étaient visiblement truquées par rapport aux besoins (voir notre article … ). Les péripéties du projet de TGV allant jusqu'à Nice résument bien la légèreté avec laquelle des projets de plusieurs milliards d'euros sont décidés. Deux trajets étaient en concurrence : un trajet direct, par la terre, Aix-en-Provence-Nice et un autre, Marseille-Nice par Toulon par la côte. Le premier était très coûteux et peu utile, le second utile mais ruineux. En toute démagogie, le choix s'était finalement porté sur ce dernier. Aucun des deux n'est plus envisagé.

Les autoroutes ferroviaires

Remplacer par des trains tous ces camions qu'on croise par exemple sur l'autoroute Lille-Lyon, avait séduit le Grenelle de l'environnement. Mais très peu d'entre eux vont de Lille à Lyon, ils irriguent au contraire un nombre étonnant de points de départ et d'arrivée. Ceci joint au coût des transbordements et aux délais inhérents à tout transport groupé, les autoroutes ferroviaires ne survivent que grâce aux subventions de l'État pour des résultats infinitésimaux en termes de désengorgement des autoroutes et de baisse de la pollution.

Le photo-voltaïque

Les tarifs d'achat par EDF de la production d'électricité photo-voltaïque avaient été fixés à un niveau tellement élevé qu'une véritable ruée s'est produite sur ce jackpot : des particuliers construisaient même des hangars dont ils n'avaient pas besoin pour équiper leurs toits de panneaux. Aucune limite n'ayant été fixée au nombre de projets, les demandes se sont multipliées au point qu'il a fallu, fin 2010, refuser brutalement tous les projets déjà déposés. Le surcoût lié à l'électricité produite par ces installations (5 à 10 fois plus chère que la production classique nucléaire) devenait insupportable pour les consommateurs d'électricité ; et aussi pour ERDF débordée par de coûteuses demandes de raccordement de ces petits producteurs au réseau de transport électrique. Une situation perdant-perdant, d'autant plus que la plupart des panneaux étant fabriqués à l'étranger, ces importations creusaient notre déficit commercial de plusieurs milliards d'euros par an. Naturellement, ces changements de cap ont gravement perturbé les entreprises installatrices et productrices du secteur.

En juillet 2012, l'État a approuvé 200 nouveaux projets photo-voltaïques (prix d'achat du MWh inconnu) et deux centrales à concentration de type four solaire, dont les prix d'achat par EDF se situent autour de 350 euros du MWh contre 45 euros pour le prix de vente en gros du MWh par EDF à ses concurrents.

L'éolien

Le problème était à peu près le même pour l'éolien terrestre. Le pactole offert aux communes, aux propriétaires de terrains et aux exploitants, avait suscité de très nombreux projets. Les surcoûts pour les consommateurs étaient moins élevés (3 à 4 fois) mais ces installations anarchiques provoquaient un tel rejet des populations qu'une nouvelle loi a dû règlementer les nouvelles constructions, provoquant une chute des installations et la faillite des constructeurs. En 2012, les projets massifs d'éolien en mer, décidés par le précédent gouvernement, atténuent ce problème d'acceptabilité par les populations, mais pas du tout celui du coût de l'électricité produite, trois fois plus élevé que celui de l'éolien terrestre.

[(D'autres mesures d'inspiration Grenelle-environnement
Les Ampoules basse-consommation
L'interdiction des ampoules à filament constitue une décision unique dans l'histoire. Ces ampoules ne présentant aucun danger ni pour les fabricants ni pour les utilisateurs, il aurait suffi de laisser les nouvelles ampoules se perfectionner et démontrer peu à peu leurs avantages auprès des consommateurs concernés. Il faut croire que ceux-ci n'étaient pas tellement évidents, puisque c'est la voie autoritaire qui a été choisie : les consommateurs sont contraints d'acheter des produits plusieurs fois plus coûteux, moins confortables, fabriqués majoritairement en Chine,dont le recyclage est impératif pour éviter de sérieuses pollutions et dont la technologie sera remplacée rapidement par la technique LED très suoérieure. Dans la majorité des cas, le retour sur investissement (économie d'électricité vs. coût d'achat) est douteux, et se produira au mieux après plusieurs années.

Les Certificats d'Économie d'Énergie
Les fournisseurs d'énergie (électricité, gaz, fuel, carburant) sont obligés d'investir pour convaincre leurs clients de réduire leur consommation. Une démarche contre-nature qui se traduit par des campagnes artificielles, beaucoup moins efficaces pour motiver les consommateurs que la forte hausse actuelle des prix des énergies. )]

Le bonus/malus automobile

La décision de favoriser les petites voitures (françaises) aux dépens des grosses (étrangères) a eu deux conséquences : d'abord un coût de 1,5 milliard d'euros en 4 ans pour le budget de l'État, et surtout d'éliminer définitivement nos deux constructeurs du domaine des hauts de gamme pour les cantonner dans le domaine des petites voitures peu rentables et des low cost, toutes inévitablement fabriquées à l'étranger. L'impact de cette décision sur la qualité de l'air en France ou la consommation d'essence a été, pour sa part, insignifiant.

La voiture électrique

Malgré des commandes importantes de la part des administrations publiques et une subvention massive à l'achat (5.000 euros), les ventes de ces véhicules sont très faibles : Peugeot et Citroën doivent solder les leurs, Renault a abandonné la construction de l'usine de batteries de Flins que le précédent gouvernement l'avait fortement incité à réaliser, et les ventes de l'Heuliez MIA sont très en dessous des prévisions. A l'étranger, General Motors a arrêté la production de sa Volt et Toyota a renoncé son eQ, deux modèles pourtant lancés en fanfare par les deux plus grands groupes mondiaux de l'automobile. L'expérience le montre (exemple les tablettes de lecture), être "trop" en avance (quand la technologie ou les clients ne sont pas prêts) est encore plus dangereux qu'être un peu en retard.

Les agro-carburants

L'obligation d'inclure des agro-carburants (produits énergétiques à partir de maïs, blé, colza ou betterave) dans le diesel ou l'essence, avait été prise pour aider nos agriculteurs dans une période où les prix des matières premières agricoles étaient très bas. Ils sont maintenant et durablement très élevés. La plus grande confusion règne sur ce sujet : 1) Malgré l'augmentation du prix du pétrole brut, les agro-carburants produits en France sont nettement plus coûteux que les carburants classiques. Le surcoût est donc payé soit par les consommateurs soit par les contribuables. 2) Si on prend en compte la totalité de leur chaine de production, l'intérêt écologique de ces agro-carburants est fortement contesté. 3) Dans la phase actuelle de pénurie alimentaire, la production des agro-carburants se fait aux dépens des cultures alimentaires et pousse les prix mondiaux très fortement à la hausse. En France 6% de la surface agricole utile est utilisée pour produire des agro-carburants. Aux Etats-Unis 40% du maïs produit est utilisé pour la production de carburant.

L'agriculture

Les contraintes auxquelles sont soumis nos agriculteurs dépassent celles qui sont imposées par les règlementations européennes dans les domaines des produits phyto-sanitaires, des bandes de jachères obligatoires, des tailles d'exploitations ou des règles de rotation des cultures. Ces contraintes, ajoutées aux complications administratives qui les accompagnent, mettent nos agriculteurs en difficulté par rapport aux pays du sud (Espagne, Italie) et aussi du nord de l'Europe (Allemagne, Pays-Bas, Danemark).

Conclusion

Le coût de la plupart des mesures ci-dessus se chiffre en milliard(s) d'euros par an pour le consommateur ou le contribuable (En 2012, l'électricité « verte » entraîne un surcoût de 4 milliards d'euros par an ; la Cour des comptes a prévu son doublement d'ici 2020). Dans des comités comme le Grenelle de l'environnement, les ONG, les entreprises du secteur, les élus, le gouvernement, sont tous motivés pour prendre des décisions spectaculaires témoignant de leur activisme… d'autant plus qu'ils ne se soucient pas de leur financement.

Les prélèvements obligatoires existants qui brident les consommateurs et les entrepeneurs atteignent déjà un taux record en France. En rajouter de nouveaux, même s'ils sont dissimulés (les ménages ne reçoivent pas de feuille d'impôt supplémentaire où les coûts de ces mesures écologiques apparaîtraient), est choquant et contre-productif pour l'économie française dans une période de chômage [1] et de baisse du pouvoir d'achat.

Les participants à la Conférence environnementale doivent penser davantage aux consommateurs, aux contribuables, aux déficits et au niveau d'endettement de la France, qu'aux effets d'annonce dont ils cherchent à se prévaloir.

[1] L'arrêt du chantier de construction de la ligne TGV Tours-Bordeaux pendant plusieurs mois et le maintien au chômage de 400 chômeurs de longue durée a fait dire à Jean-Clause Mailly (leader de FO) : "dans cette affaire, j'ai l'impression qu'on préfère les tritons aux chômeurs". Ailleurs c'était la présence d'ail rose sur le tracé de la voie