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Sur-administration : 665 000 agents en trop ?

En comparant à la moyenne des 10 départements dont le taux d’administration est faible... sans être sous-peuplés

Les effectifs dans les trois versants de la fonction publique en France atteignaient désormais les 5,717 millions d’agents dont 5,67 hors contrats aidés en 2021. On calcule le taux d’administration en dénombrant le nombre d’agents pour 1000 habitants. Ces données publiques sont accessibles département par département. Certains départements dépassent 100 agents pour 1.000 habitants, toutes fonctions publiques confondues (hors militaires), d’autres dépassent à peine les 50 pour mille.

  • Si l’on compare l’ensemble des départements hors Paris et hors Lozère à la moyenne d’agents pour mille habitant, il en ressort que la sur-administration française se chiffrer en écart à la moyenne à 280.000 agents.
  • Si l’on se réfère aux 10 départements dont le taux d’administration est faible sans être sous-peuplés (plus de 680.000 habitants), la sur-administration de la France se chiffre en écart à la moyenne à 665.000 agents. 

Identifier les plus grands écarts à la moyenne dans les trois fonctions publiques

Précisons tout d’abord qu’à ce stade de l’analyse, nous ne perrons pas mettre en évidence de sureffectifs, mais d’écarts à la moyenne. Nous nous basons pour cela sur les données territorialisées fournies par la DGAFP accompagnant le rapport relatif à l’Etat de la fonction publique[1], dont la dernière publication en décembre 2022 porte sur l’année 2020. Nous utilisons également les données publiées par l’INSEE[2] à l’occasion du dépouillement de sa compagne SIASP. Précisons que les données fournies par l’INSEE sont expurgées des données relatives aux effectifs militaires pour des raisons de sécurité nationale. Nous avons pas à ce stade traité du cas des DOM (départements d’outre-mer) dont Mayotte qui est généralement dissocié par l’INSEE comme par la DGAFP. Enfin, nous avons choisi d’exclure méthodologiquement la capital Paris, dont les effectifs publics en raison des effets de centralités sont incomparables avec les autres grandes métropoles françaises (au premier chef Lyon et Marseille).

La moyenne métropolitaine hors Paris est de 77 agents pour 1000 habitants (77 ‰), ce qui représente un total de 4,862 millions de fonctionnaires pour une population de 63,123 millions d’habitants. 

Sources : DGAFP, INSEE (SIASP), retraitement Fondation iFRAP janvier 2023.

Si l’on veut maintenant mettre en exergue les écarts par versants de la fonction publique leur classement est le suivant (en reprenant celui de la moyenne métropolitaine totale) :

Les moyennes métropolitaines dans la FPE est de 30,8 ‰ (hors Paris), pour la FPT de 28,5 ‰ et pour la FPH de 17,7 ‰.

Si l’ensemble des écarts à la moyenne étaient supprimés, cela représenterait un potentiel de 238.910 postes suppressibles. L’écart total à la moyenne étant différent par construction du total des écarts, celui-ci représente en 2020 près de 314.150 postes.

 

Ecart total à la moyenne

Ecart à la moyenne FPE

Ecart à la moyenne FPT

Ecart à la moyenne FPH

Total des écarts

Moyenne Métro hors Paris

238,91

149,13

86,21

78,80

314,15

Source : Calcul Fondation iFRAP janvier 2023.

 

Il est également possible d’estimer les écarts parmi les 10 départements les moins administrés au-dessus de la moyenne populationnelle des départements (soit 680.000 habitants/département). Cela permet de sélectionner des territoires qui disposent nécessairement d’une composante urbaine en sus/ou non d’une composante rurale. Dans ces conditions, les écarts se décomposeraient selon la répartition suivante :

 

Ecart à la moyenne FPE

Ecart à la moyenne FPT

Ecart à la moyenne FPH

Total des écarts

Moyenne Métro des 10 département les moins administrés >680.000 hab hors Paris et Lozère

177,29

230,76

257,51

665,6

Source : Calcul Fondation iFRAP janvier 2023.

La moyenne des 10 départements les moins administrés au-dessus de la moyenne populationnelle ont une densité de population totale de 66,5 ‰ contre une moyenne de l’échantillon complet (hors Paris et Lozère) de 77,0 ‰, pour la FPE les rapports sont respectivement de 28,0‰ contre une moyenne de 30,8‰, pour la FPT les rapports sont de 24,8‰ contre 28,5‰ dans l’échantillon et la FPH un taux d’administration des 10 meilleures de 13,6‰ contre 17,7‰ dans l’échantillon.

Ainsi considéré, la potentielle « sur-administration » sans prendre en encore à ce stade en compte des effets de structure, pourrait atteindre près de 665.600 agents publics. Soit près du double identifié selon la méthode précédente du total des écarts à la moyenne de la FPH considérée.

Identification des écarts à la moyenne par versant et par département

Afin de tenir compte de la très faible population de la Lozère (76.633 habitants en 2020), nous avons choisi de l’exclure de l’analyse tout comme Paris une nouvelle fois. Nous présentons désormais nos résultats par strate de département classés en raison de leur population. Cela permet ainsi de gommer certains effets de structure (les départements les plus peuplés ayant généralement des profils similaires : majorité de population urbaine, pôle économique plus fort, des problématiques de politiques publiques similaires etc.). Toutefois cette approche ne permet pas d’aller jusqu’au bout de la démarche permettant de mettre en évidence la sur-administration elle-même à raison par exemple de contraintes de centralités particulières (localisation de l’administration régionale au chef-lieu de département, idem pour la préfecture de région etc.) ce qui peut justifier une densité administrative plus forte.

Effort de suppression des écarts à la moyenne de la strate

Classement des départements hors Paris et Lozère (habitants)

Ecart total

Total des écarts

Total des écarts sectoriels*

FPE

FPE sectorisé

FPH

FPH sectorisé

FPT

FPT sectorisé

100 000 <x<150 000

-775

-2 019

-1 436

-718

-402

-595

-327

-706

-706

150 000<x<200 000

-5 372

-8 869

-5 810

-1 871

-796

-2 077

-409

-4 921

-4 605

200 000<x<300 000

-7 783

-10 284

-8 493

-1 981

-1 662

-5 183

-5 183

-3 120

-1 648

300 000<x<400 000

-13 465

-24 003

-18 264

-7 256

-5 749

-9 563

-9 063

-7 184

-3 452

400 000<x<500 000

-10 731

-15 987

-10 731

-5 863

-5 709

-4 573

-2 550

-5 551

-2 472

500 000<x<600 000

-20 408

-22 489

-20 879

-13 298

-13 298

-5 782

-4 184

-3 410

-3 397

600 000<x<700 000

-24 726

-30 330

-29 860

-14 779

-14 779

-7 703

-7 283

-7 847

-7 798

700 000<x<800 000

-9 512

-14 216

-10 639

-8 333

-8 333

-2 426

-2 286

-3 457

-20

800 000<x<1 000 000

-10 601

-12 249

-10 972

-5 646

-5 646

-3 944

-3 944

-2 659

-1 382

1 000 000<x<1 300 000

-33 763

-49 048

-43 226

-15 024

-13 562

-15 940

-12 752

-18 084

-16 912

1 300 000<x<1 600 000

-38 257

-49 949

-43 513

-21 647

-21 647

-14 281

-7 846

-14 020

-14 020

1 600 000<x<2 000 000

-17 358

-25 554

-25 554

-9 281

-9 281

-9 513

-9 513

-6 760

-6 760

>2 000 000

-490

-13 528

-7 009

-4 377

-4 377

-6 519

0

-2 632

-2 632

Total

-193 242

-278 524

-236 387

-110 073

-105 242

-88 099

-65 340

-80 352

-65 805

Source : Calcul Fondation iFRAP janvier 2023.*Sectoriels : uniquement les départements qui présentent des écarts par rapport à la moyenne de la strate et des écarts pour tous les versants.

On constate alors qu’avec le classement en strates, la territorialisation des effectifs (hors Paris et Lozère) par département fait apparaître un potentiel minimal d’environ 193.000 postes et maximaliste de 278.500 postes avec une vision « centrale » permettant d’identifier les départements présentant des écarts dans l’ensemble des versants de la FP par rapport à la moyenne de la strate de 236.400 environ.

Précisons par ailleurs que les strates départementales où les écarts sont les plus importants par rapport à la moyenne sont la strate comprenant des départements entre 300.000 et 400.000 habitants, puis avec la strate entre 500.000 et 600.000 et 600.000 et 700.000 enfin entre 1 million et 1,3 million puis entre 1,3 million et 2 millions d’habitants. Il y a donc dans ces territoires de forts soupçons de sur-administration ou de risques de doublons qu’il s’agisse de la FPE surtout pour les strates les plus peuplées, tout comme dans la FPH, mais aussi pour cette dernière pour la strate 300.000-400.000, enfin pour la FPT pour quasiment l’ensemble des strates identifiées hors la strate entre 500.000 et 600.000 habitants sus-identifiée.

Conclusion

Un potentiel de sur-administration compris entre 200.000 et 280.000 postes dont 105.000 à 110.000 dans la FPE, 65.000 à 88.000 dans la FPH, 66.000 à 80.000 dans la FPT a été estimé dans la présente note. Si l’on se réfère aux collectivités de population supérieures à la moyenne (>680.000 habitants), les écarts peuvent monter jusqu’à 665.000. Il conviendra dans les études à venir lorsque des documents plus fins seront disponibles, notamment par consultations du rapport social unique (RSU) des collectivités/ministère/établissements concernés de pouvoir vérifier ce qui relève de l’organisation naturelle des services, et de la sur-administration proprement dite (doublons de compétence, fonctions pléthoriques etc.). Mais il existe sans aucun doute un potentiel de rationalisation des effectifs conséquent.


[1] DGAFP, rapport sur l’Etat de la fonction publique, décembre 2022. https://www.fonction-publique.gouv.fr/rapport-annuel-sur-letat-de-la-fonction-publique-edition-2022

[2] INSEE, notamment, Effectifs de la fonction publique par versant au 31 décembre 2020, comparaisons régionales et départementales, 18/03/2022, ainsi que Effectifs dans la fonction publique par versant et ministère données annuelles de 2011 à 2020, 17/03/2022.