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Le CCRAD : la longue marche vers l'impartialité

Le comité consultatif pour la répression des abus de droit a déjà une vie longue, qui remonte… à la création de l'abus de droit lui-même ou presque : élaborée en matière de droit d'enregistrement par la loi du 13 juillet 1925, cette incrimination ne sera appliquée à l'ensemble des impositions qu'à partir de la loi du 13 janvier 1941 qui fait coup double en instituant le CCRAD.
Rappelons à titre liminaire que l'abus de droit est une incrimination fiscale visant à sanctionner les montages juridiques légaux n'ayant pour seul et unique objet que d'éluder l'impôt (art.L64 LPF). Tout autre motif doit théoriquement suffire à écarter cette qualification aux conséquences redoutables : le contrevenant est en effet soumis au taux légal des intérêts de retard mais également à une amende de 200% des sommes éludées (art.L64E et art.1729 du CGI) ramenée à 80% par la loi Aicardi du 8 juillet 1987.

En vertu de son pouvoir de renversement de la charge de la preuve, la très grande rigueur du CCRAD au travers de ses avis, a conduit légitimement à s'interroger sur la composition du comité et son mode de saisine. Là encore les évolutions furent lentes, démontrant la très longue marche vers l'impartialité du comité, le ministère des finances opposant tout son poids à l'évolution des procédures réputées pour leur efficacité, contre le respect le plus élémentaire des droits des contribuables. Petit aperçu :
- Tout d'abord la composition (art.1653 C). Celle-ci ne pouvait laisser d'étonner : au côté d'une haute fonction publique omniprésente (on cherche en vain le représentant de la société civile) : un conseiller d'Etat (Président), un conseiller à la cour de cassation, un professeur des facultés de droit, se trouvait le Directeur général des impôts ! Alors que les rapporteurs représentant les intérêts de l'administration étaient issus… de la Direction générale des impôts elle-même ! Ce qui laissait planer un sérieux conflit d'intérêt. Il faudra attendre la loi de finances rectificative 2000-1353 du 30 décembre 2000 pour qu'il soit remplacé… par un conseiller maître à la Cour des comptes. Hommage minimal au pluralisme. Le professeur des facultés devenant dans la foulée professeur des université, et non plus uniquement agrégé de droit mais éventuellement d'économie [1]. Bien évidemment tous étant nommés par le ministre de l'économie et des finances.
- Ensuite les modalités de saisines du comité : entre 1941 et 1963 la saisine du comité était obligatoire en matière d'abus de droit. Le comité agissait alors en véritable juge d'instruction à charge. Par la suite, à partir de 1963 il devint véritablement consultatif, l'administration pouvant choisir de ne pas le saisir. Enfin, depuis la loi Aicardi du 8 juillet 1987, le contribuable peut également le saisir. Toutefois, il ne peut transmettre qu'un mémoire écrit et non se présenter lui ou son conseil devant le comité pour être entendu. Alors que les rapporteurs de l'administration fiscale eux, argumentent devant le comité. L'égalité des armes n'est pas encore assurée… la longue marche continue…

Le CCRAD :

- Intro : Lorsque Bercy passe en force : la non-réforme du CCRAD
- Partie I : Le projet avorté de réforme du CCRAD
- Partie II : Le CCRAD : Un comité plus favorable au contribuable !

[1] il est piquant de constater pourquoi une telle évolution a été réalisée. S'agissait-il d'une ouverture correspondant à une moins bonne prise en compte de la fiscalité dans ses composantes techniques par les juristes ? Point du tout : en effet, le dernier représentant des professeurs d'université de droit, Monsieur Laurent Aynès, était au contraire connu pour son approche rigoureusement civiliste et hostile par nature au "créationnisme" fiscal paré des vertus de l'autonomie fiscale par la haute administration. Lorsque celui-ci démissionna, il sembla plus intéressant de nommer à sa place un professeur d'économie moins au fait des affaires fiscales et donc plus souple lors des délibérations du comité