Tribune

Effectifs publics : la fuite en avant continue !

Alors que le sujet des économies budgétaires et du désendettement de la France revient avec force du fait de la remontée des taux et du coût annuel de la dette qui grimpe à vue d'oeil, on ne peut qu'être étonné de ce que l'on découvre dans les documents budgétaires pour 2024 au sujet des dépenses de personnel public.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le 6 octobre 2024.

On aurait pu penser benoîtement qu'après la réforme des retraites, qui représentent plus de 330 milliards de dépenses annuelles, avec le report de l'âge à 64 ans pour réaliser des économies et tenter d'équilibrer les comptes, le sujet suivant mis sur la table par le gouvernement et Bercy serait la dépense liée à la masse salariale publique. Il n'en est rien, bien au contraire !

Depuis 2017, le coût des rémunérations publiques a tout simplement explosé, passant de 291 milliards à plus de 357 milliards d'euros pour 2024. Par rapport au PIB, la dépense reste supérieure à 12 % de la richesse nationale . Presque 3 points de PIB de plus qu'en zone euro, qui est à un peu plus de 9 % en moyenne. Soit de l'ordre de 75 milliards d'euros par an ! Un écart identique à ce que nous avons en matière de retraites avec la moyenne des pays de la zone.

Promesse présidentielle

Forts de ces constats, comment se fait-il que nous continuions à augmenter autant les dépenses de personnel, alors qu'une des promesses phares du président de la République était la suppression de 120.000 postes publics ? Depuis 2017, au lieu de la baisse de 120.000 postes annoncée, on a constaté, hors contrats aidés, une augmentation de 148.000 postes puisque le nombre d'agents est passé, selon l'Insee, de 5.526.000 à 5.674.000.

En ce qui concerne le budget de l'Etat 2024, selon les plafonds d'emplois affichés dans le projet de loi de finances, les effectifs de l'Etat atteindraient en équivalents temps plein 1,987 million, tandis que ceux des opérateurs dépasseraient les 408.000. L'ensemble représentant donc près de 2,39 millions de postes budgétaires, soit + 52.829 depuis 2017. Entre 2017 et 2024, les augmentations les plus significatives sont allées à l'Education nationale et à l'Intérieur.

Augmentation de l'absentéisme

Que penser de ce bilan ? Tout simplement que rien n'est fait pour freiner les dépenses de personnel public. A l'occasion de la réforme des retraites, la clause du grand-père n'a d'ailleurs pas été votée pour les agents des trois fonctions publiques, alors que cela aurait permis des économies très importantes à l'horizon 2050 (de l'ordre de 15 milliards par an). Les primes et les revalorisations se sont enchaînées en même temps que les embauches, sans réflexion sur le tabou qu'est le sujet du temps de travail réel des agents et de leur productivité au travail.

Mais ce phénomène ne touche pas que l'Etat. Une nouvelle étude que nous venons de publier montre aussi l'aggravation sans précédent de l'absentéisme des agents dans les villes, avec en moyenne 30 jours d'absence annuels toutes causes confondues en plus des congés et des RTT, et jusqu'à plus de 44 jours par an et par agent en moyenne à Marseille, Toulon ou Bordeaux. Rien que le surcoût de l'absentéisme public par rapport au privé peut être évalué à 7 milliards d'euros par an ! Parler de revues de dépenses et d'économies pour désendetter la France, c'est bien. C'est encore mieux de s'attaquer aux surcoûts que nous avons sous les yeux. Les dépenses de personnel sont le premier de ces surcoûts à cause d'une décentralisation jamais aboutie et d'un phénomène de sous-travail jamais exploré. Cela devrait être la revue de dépenses numéro 1 !