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Effectifs publics : +1 million d'agents par rapport à la zone euro

Dans le débat présidentiel, la question de la diminution des effectifs publics fait partie des thèmes mis en avant par les candidats, notamment Valérie Pécresse chez Les Républicains. Rappelons qu’entre 1998 et 2019, la fonction publique stricto sensu à trois versants a augmenté de +968.530 personnels. Sur le dernier quinquennat peu a été entrepris pour faire baisser les effectifs de la fonction publique malgré les promesses de campagne et au final, même s’il est difficile de faire un vrai bilan à ce stade, force est de constater que le plafond d’emploi autorisé en équivalents temps plein travaillés en 2022 par rapport au réalisé 2017 aura augmenté pendant le quinquennat de plus de 45 136, à comparer avec -223 728 ETPT sous Nicolas Sarkozy +27 677 sous François Hollande.

La Fondation iFRAP fait le point sur les écarts de population active dans le secteur non marchand entre la France et l’Allemagne avant de dresser des pistes pour réduire les effectifs de 180 000 ETPT.

Comparaison France/zone euro : de 1 million à 1,38 million, l’écart d’emploi sur le périmètre public

Si l’on compare le nombre des personnels travaillant au sein du secteur public en France par rapport au reste de la zone euro, les écarts sont les suivants :

Source : Eurostat, Ameco Database et INSEE[1].

Très concrètement en 2019 l’écart de dépenses de personnel entre la France et le reste de la zone euro (18 pays) s’établit à +2,98 points de PIB. Cela représente un écart de +72,53 milliards d’euros qui se traduit par un écart en matière d’effectifs publics ou assimilés de +1,38 million d’emplois.

Si maintenant on retient dans le cadre de la répartition sectorielle (NACE[2]) les rémunérations des employés du secteur non marchand (O-Q), la répartition est la suivante :

Source : Eurostat

L’écart en 2019 entre la France et le reste de l’Europe s’agissant des rémunérations des employés (ce qui permet de ne pas considérer les indépendants et professions libérales) du secteur non marchand, l’écart tombe à 1,75 point de PIB. Cela correspond à +42,7 milliards d’euros de rémunérations non-marchandes et à +936.221 emplois par rapport au reste de la zone euro.

La présentation graphique permet de bien comprendre que malgré le « halo » d’emplois parapublics et assimilés constitué par le secteur non marchand, qui excède les limites du périmètre public stricto sensu, la France se situe toujours au-dessus de ses voisins européens. En réalité son périmètre public jouxte quasiment celui du non-marchand du reste de la zone euro en matière de dépenses de personnel. Et les rémunérations des salariés du secteur non marchand du reste de la zone euro ne parviennent à dépasser les rémunérations du secteur public français en % du PIB qu’à compter de 2019.

Source : Eurostat. Compensations for Employees (D1).

Il semble donc juste et équilibré de procéder à des correctifs de baisse de l’emploi public en France à raison de ces comparaisons européennes et pour des volumes représentant entre 10% et 15% de ces écarts.

Quelles sont les baisses de personnel dans le plan de redressement de la Fondation iFRAP ?

Dans notre plan de redressement des finances publiques, nous avons proposé une baisse de l’ordre de -180 000 ETPT. Des départs volontaires, sorties de périmètres, non-renouvellement de contrats, pourraient également intervenir à l’occasion des restructurations de services (-120 000 emplois).

Ces chiffres et préconisations s’appuient sur les résultats de nos précédentes études. Ainsi dans notre récente étude sur l’Éducation, nous constations qu’il existe une surdépense, dans le public par rapport au privé, de 1,5 milliard € sur le personnel de direction et de l’administration centrale et de 4,5 milliards € sur le personnel non enseignant travaillant dans les établissements (surveillance, assistant éducatif, restauration, ménage…) En 2019, plus de 250 000 agents à temps plein étaient employés par le ministère, et donc au sein des établissements publics et des rectorats, pour des missions « non-enseignement ». À ces personnes, il faut ajouter tous les personnels techniques (entretien, restauration, transport scolaire, médecine scolaire…) et les surveillants employés par les collectivités pour une masse salariale de 12 milliards €, en 2017.

De même, dans une étude sur la suradministration en santé, nous rappelions que la France est le pays où la part des emplois hospitaliers dans l’emploi total est la plus élevée : 5 %, et où plus du tiers de ces effectifs sont des agents administratifs, techniques ou de services alors que ce pourcentage se situe plutôt autour de 25 % en Espagne, en Allemagne ou en Italie.

Enfin, comme nous l’avons souvent évoqué à travers nos études sur les doublons administratifs Etat-collectivités territoriales, il existe un enchevêtrement administratif à tous les échelons qui nous coûte environ 60 milliards de surcoût annuel. Si l’État cède bien quelques-unes de ses compétences aux collectivités territoriales, cela reste encore anecdotique à ce stade, et un nouvel acte de décentralisation serait nécessaire afin de définir les transferts de responsabilités et les blocs de compétences concernés. Sans cela, ce sont toujours 1,3 million d’agents de l’État qui seront en poste dans les territoires, doublonnant pour beaucoup d’entre eux avec les agents territoriaux ou les agents sociaux.

La Cour des comptes, comme la Fondation iFRAP, réclame de longue date à l’État de se recentrer sur ses missions régaliennes. Même au nom d’une politique de « proximité », il est possible d’agir en fusionnant et en transférant des services publics portés par les collectivités territoriales et ceux portés par l’État, alors que la carte de France montre un des réseaux les plus denses d’Europe, même dans les territoires ruraux, contrairement aux idées reçues. Nous livrons ici une cartographie des services/filières/organismes où les suppressions sont envisagées :

S'agissant de l'administration centrale, les baisses d’effectifs représenteraient 100 000 ETPT soit 70 000 au niveau de l’État et 30 000 au niveau des opérateurs. Ces baisses s’effectueraient principalement au niveau de l’administration centrale, des services déconcentrés et des établissements publics concernés.

Les baisses envisagées toucheraient les services nationaux à hauteur de -17 000 ETPT dont
5 000 au niveau de l’administration centrale, des directions générales des établissements publics nationaux, ainsi qu’au niveau des écoles de formation de la fonction publique (baisse du nombre d’élèves titulaires en formation au profit de contractuels).

Les universités verraient également une baisse de 5 000 postes à comptabiliser principalement au sein de leurs effectifs administratifs et support. Les établissements primaires et secondaires enregistreraient une baisse des effectifs de 30 000 postes liés à la rationalisation proposée des effectifs non enseignants au sein des établissements d’enseignement, soit une baisse de 12 % par rapport à leur niveau de 2019 (252 393 ETP). Des baisses de l’ordre de 28 500 postes seraient réalisées au sein des services territoriaux eux-mêmes dont 7 500 au sein de l’administration territoriale de l’État et 21 000 au sein des autres services dont 5 000 au sein des rectorats, 6 000 au sein des services de la DGFiP (mise en place du compte financier unique et des agences des finances locales rattachées aux collectivités territoriales), et 10 000 au sein des opérateurs de l’État. Au total 80 500 postes budgétaires seraient supprimés d’ici 2030, tandis que 19 500 autres seraient économisés par rapport au tendanciel de hausse des effectifs des ministères et de leurs opérateurs en maîtrisant le suivi des plafonds d’emploi correspondants. À noter que les ministères régaliens « prioritaires » seraient sanctuarisés (Intérieur, Justice, Défense).

Sur la sphère locale, les efforts en matière d’effectifs seraient les suivants :

Une baisse de 60 000 postes serait réalisée, se ventilant principalement sur la filière technique (-3,7 % soit -31 600 postes) et sur la filière administration (-2,1 % soit -9 200 postes). À noter que ces imputations devraient simplement doubler la compensation des augmentations récentes intervenues depuis le début 2017 et malgré l’adoption des Pactes dits de Cahors (contractualisation financière). Aucune suppression ne serait envisagée s’agissant de la police municipale qui dans le cadre d’une loi de programmation de sécurité et de justice aurait vocation au contraire à s’étoffer de nouveaux effectifs en devenant une compétence obligatoire et standardisée pour les communes de plus de 3 500 habitants. L’ensemble de ces objectifs seraient contractualisés avec les collectivités territoriales elles-mêmes dans le respect du principe de leur libre administration (fongibilité des postes à supprimer permise).

Enfin s’agissant de la fonction publique hospitalière, les efforts à réaliser seraient répartis uniquement au niveau des personnels administratifs d’encadrement. L’évolution connue par la DREES montre un accroissement assez sensible des effectifs non médicaux salariés au sein des établissements de santé, et significativement des personnels administratifs au sein des établissements publics. La baisse envisagée serait de -20 000 personnels soit -19,6 %. Cette dynamique serait portée par les réformes de « sortie » de périmètre public de certains établissements et par les rationalisations administratives proposées aux autres dans le cadre de leurs regroupements.


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2493501

[2] https://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=nama_10_a64&lang=en, ainsi que pour les effectifs d’employés, https://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=nama_10_a10_e&lang=en