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Budget 2024 : pour la 2ème année consécutive, l'Etat ouvre les vannes des effectifs publics

Le PLF 2024 propose des plafonds d’emplois d’un niveau inédit qu’il s’agisse de l’Etat ou de ceux de ses opérateurs. En effet, s’agissant de l’Etat, celui-ci atteindrait 1,987 millions d’ETPT, tandis que ceux des opérateurs dépasseraient les 408.000 ETPT. L’ensemble représentant donc, près de 2,39 millions de postes budgétaires, soit +27.685 ETPT (1,17%) par rapport à 2023, et +2,3% depuis 2017 (soit +52.829 ETPT depuis 7 ans). Cette augmentation tous azimuts des plafonds d'emplois aura cette année une traduction en matière de masse salariale (que nous traiterons en détail séparément), qui atteint 153,5 milliards d'euros de charges de personnel en 2024 (+7,6 milliards et +5,2% par rapport au PLF 2023) dont 90 milliards de rémunérations d'activités (+5,1 milliards soit +6% par rapport au PLF 2023). 

Notons que nous évoquons ici les plafonds d'emplois budgétaires exprimés en ETPT. Ces plafonds n'ont pas vocation à être atteints et peuvent être diminués à la suite de l'application du principe de fongibilité asymétrique. Ils différent donc des effets des schémas d'emplois, annuels exprimés en ETP et qui représentent une projection des embauches nettes (embauches brutes diminuées des départs (retraites, changement de versant etc.). Malheureusement il n'existe pas de métrique unique entre les plafonds et les schémas d'emplois ce qui permettrait de documenter le passage de l'un à l'autre et de suivre l'évolution réelle des effectifs, au moins au stade de la LFI. 

Des plafonds d’emplois en constante augmentation depuis 2 ans

Lorsque l’on observe la trajectoire des plafonds d’emplois cumulés entre l’Etat et ses opérateurs sur moyenne période (depuis 2017), la « maîtrise » des effectifs de l’Etat et de ses satellites semble fortement assouplie depuis la LFI 2022. Résultat les plafonds progressent de +2,1% en 2 ans, soit +48.241 ETPT.

Source : LFI 2017 à 2023 et PLF 2024.

Il faut remettre cette très forte progression en perspective puisqu’entre 2017 et 2024 ces mêmes plafonds ont progressé au total de +2,3%, soit +52.829 ETPT. La période récente efface donc l’ensemble des « efforts » réalisés sur les plafonds d’emplois entre 2017 et 2022. L’année 2022 reflétant une quasi-stabilisation des plafonds un niveau assez proche de celle de 2020. 

Une augmentation 2023-2024 particulièrement large

Si l’on s’intéresse à la ventilation des plafonds d’emplois des ministères et de leurs opérateurs sous tutelle en cumulés, les augmentations concernent de nombreux secteurs entre 2023 et 2024 :

En premier lieu l’Education nationale avec +21.966 ETPT, suivie par la Justice avec +2.199 ETPT et le ministère de l’intérieur et de l’Outre-mer, +1.804 ETPT. On comprend qu’il s’agisse de poursuivre le soutien à un système scolaire en perte d’attractivité, ainsi que de mettre en musique les mesures régaliennes lancées dans le cadre du programme de campagne présidentielle 2022, soit un réarmement de la Justice et de l’Intérieur qui se sont traduites par la LOPMI 2023-2027[1] et par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027[2].

En revanche, d’autres ministères et opérateurs voient également leurs plafonds d’emploi significativement augmenter en PLF 2024 par rapport à la LFI 2023 : +823 ETPT pour les services du Premier ministre, +616 ETPT s’agissant du ministère de l’Agriculture, +513 ETPT pour le ministère de l’Ecologie, +332 ETPT pour celui du travail (et Pôle Emploi), +195 ETPT en matière de solidarité et de santé, +127 en matière de culture, enfin +126 s’agissant du MAE (ministère des affaires étrangères). On remarquera par ailleurs que Bercy voit ses effectifs réaugmenter avec +26 ETPT.

La « Défense » ne bénéficie pas d’un effet « guerre en Ukraine » en 2024 puisque le plafond d’emplois est rabaissé de -594 ETPT malgré le vote de la LPM 2023-2030. Il se peut que la fourniture d’armes aboutisse à court terme à une cannibalisation de la masse salariale par la reconstitution des stocks (dont les indicateurs sont d’ailleurs désormais classifiés secret défense[3]). 

Une augmentation plus localisée sur certains ministères/opérateurs entre 2017 et 2024

Si maintenant on observe l’évolution des plafonds d’emplois et des opérateurs classés par ministères entre 2017 et 2024, les augmentations les plus significatives concernent les priorités du Gouvernement : l’Education national voit ses effectifs croitre de 44.568 ETPT, suivi par l’Intérieur (police/gendarmerie) avec +13.462, le ministère de la Justice et ses opérateurs (+11.916 ETPT), le ministère du travail (+6.456 ETPT), puis les armées et l’écologie, quasiment au même niveau (+3.740 ETPT et +3.598 ETPT respectivement). Enfin le Sport (dans la perspective de la préparation des jeux Olympiques de 2024) et la culture (+515 ETPT) qui reste largement sanctuarisée. 

En revanche, le ministère (et ses opérateurs) qui a le plus réduit sur 7 ans ses effectifs est le ministère des finances (-15.267 ETPT), suivi par le ministère de la solidarité et de la santé (-7.482 ETPT), le ministère de l’Ecologie (transition écologique : -5.287 ETPT), l’Agriculture et souveraineté alimentaire (-1.406 ETPT) puis à égalité le MAE et les Services du Premier ministre (-944 ETPT et -939 ETPT respectivement). 

Des indications et justifications complémentaires seront bientôt publiées dans les « bleus » budgétaires, ce qui permettra de rapprocher ces plafonds de l’évolution de la masse salariale elle-même, qui n’en doutons pas sera en très forte augmentation au 2024. 


[1]https://www.vie-publique.fr/loi/284424-loi-24-janvier-2023-securite-lopmi-programmation-ministere-interieur

[2]https://www.vie-publique.fr/loi/289259-justice-projet-de-loi-dorientation-et-de-programmation-2023-2027-plpj

[3]