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Les aides sociales au Royaume-Uni et en France

Les réductions d'aides sociales annoncées par le gouvernement anglais Cameron dans le cadre de la lutte contre les déficits laissent subsister malgré tout des allocations importantes. Voici une petite comparaison France / Royaume-Uni des trois principales aides sociales dont bénéficient les personnes sans travail dans des configurations de base, et qui n'est pas sans surprendre.

Comparaison France / Royaume-Uni des trois principales aides sociales :

Euros/moisFranceRoyaume-Uni
1 adulte couple 1 adulte couple
RSA / Income support 411 588 327 515
APL / Housing benefit
(max.)
250/400 250/400 1940 1940
A. familiales / Child benefit
1 enfant 0 98
2 enfants 125 161

Lecture. - Un célibataire français sans ressources reçoit 411 € de RSA (en fait 467 dont est déduit un forfait logement de 56 pour tenir compte forfaitairement de l'allocation logement qu'il perçoit par ailleurs), plus une allocation logement. Les allocations familiales (child benefit) viennent éventuellement en plus au Royaume-Uni, mais sont déduites du RSA en France.

- Dans les deux pays les allocations logement sont personnalisées en fonction de nombreux critères dont le loyer payé, et seul un maximum approximatif peut-être évalué.
- Les allocations sont payées par semaine au Royaume-Uni et les chiffres ont été ramenés au mois. Le change est calculé sur la base de 1£=1,12€.

Des aides au logement essentielles au Royaume-Uni.

On voit immédiatement que, si l'allocation de base (income support, équivalent de notre RSA) est faible au Royaume-Uni, les allocations logement sont extrêmement importantes.

Le système britannique de l'aide au logement, à la différence du système français, repose essentiellement sur les aides à la personne, qui doivent permettre à tous de se loger décemment dans un pays où la construction est le fait du privé et où le logement dépend donc du jeu du marché et de la vérité des coûts. Dans un pays où les loyers sont particulièrement élevés, et où la loi garantit que chacun a le droit de se loger où il le désire, les bénéficiaires des aides à la personne peuvent alors se voir allouer des sommes considérables (voir encadré).

Le cas d'école de la famille Nur

M. et Mme Nur sont des immigrés somaliens. Lui, 42 ans, est conducteur de bus au chômage, elle, 40 ans, n'a jamais travaillé. Ils ont sept enfants et vivent dans une maison de trois étages dans le quartier de Kensington, l'un des plus huppés de Londres, où ils ont emménagé car ils n'aimaient pas le quartier « pauvre » où ils habitaient antérieurement. L'immeuble a une valeur de 2,1 millions £, et ils reçoivent pour payer leur loyer une allocation de… 2.000 £ par semaine (presque 10.000 € par mois, soit plus de 7 fois le Smic français) ! Cela est rendu possible parce qu'il n'existait pas de plafond d'aide avant la réforme Cameron. Comme on le voit, la France n'a pas le monopole de ces situations rocambolesques récemment stigmatisées par Laurent Wauquiez.

Confronté au déficit public que l'on sait, et argumentant de l'anormalité d'allocations permettant à certains d'occuper des logements que la très grande majorité de la population travailleuse ne peut même pas rêver d'habiter, le Premier ministre Cameron veut prendre des mesures de correction. Il faut dire que la période de gouvernement socialiste anglais a vu les aides au logement passer de 11Mds £ en 1997/1998 à plus de 21 Mds £ en 2009, avec plus de 24 Mds £ attendus en 2014. Parmi les mesures envisagées, permettre au secteur du logement social (en fait des associations locales) de pratiquer des loyers allant jusqu'à 80% du loyer de marché, les fonds récupérés permettant la construction de 150.000 nouveaux logements dans ce secteur (ce chiffre est faible en comparaison du chiffre français, et compte tenu de ce que la crise du logement sévit durement au Royaume-Uni), et fixer un plafond d'allocation (toutes aides confondues) de 500 £ par semaine, soit 26.000 £ par an, l'équivalent d'un revenu de 35.000 £ pour un ménage payant des impôts. Parallèlement les aides à la pierre sont drastiquement diminuées de 8,4 Mds £ sur 3 ans à 4,4 Mds £ pour les 4 années à venir. On peut être surpris de ce chiffre très élevé de 26.000 £ (environ 29.000 €). Il reflète comme on l'a dit l'importance des aides à la personne en matière de logement dans un pays où les loyers sont très élevés et le secteur social moins développé qu'en France.

David Cameron n'est pas au bout de ses peines. Un récent rapport attire en effet l'attention sur une catastrophe annoncée, car les mesures envisagées sont de nature à mettre à la rue 40.000 foyers désormais incapables de payer leur loyer, et aussi à réduire de 50% la construction de nouveaux logements qui ne pourront pas trouver preneur à des loyers atteignant 80% du prix du marché. Il est fortement reproché au gouvernement Cameron de n'avoir tenu aucun compte de cet avertissement.

Au total, le système anglais, que nous avons exposé en tenant compte des réformes Cameron à venir, reste nominalement plus généreux que le système français, et ce principalement en raison de l'importance des allocations logement. A noter aussi que les allocations familiales anglaises sont payées dès le premier enfant, non déductibles de l'« income support » et supérieures. Cette générosité est cependant à nuancer en termes de pouvoir d'achat car il faut tenir compte de la cherté particulière des loyers anglais, et aussi du fait que le logement social est moins développé qu'en France.

En France, des dépenses publiques de logement très élevées et toujours en forte hausse

Comme le système britannique, le système français est accusé de ne pas résoudre la crise du logement. Il suscite surtout l'inquiétude à plusieurs titres. Tout d'abord, le système du logement social est défectueux, en ce que l'écart entre les loyers des secteurs public et privé est trop élevé et génère beaucoup de privilèges indus et d'injustices sociales. Le candidat Sarkozy avait en 2007 relevé notamment que 400.000 logements sociaux (soit 4 années de construction) étaient occupés irrégulièrement par des locataires dont les ressources ne leur donnaient pas droit à ce type de logement. Par ailleurs, les dépenses publiques en matière de logement sont très élevées et – paradoxalement – bien plus importantes qu'au Royaume-Uni : en grandes masses, les aides à la personne se sont montées en 2009 à 16,32 Mds €, et les aides à la pierre (aux producteurs) à 8,1 Mds €, auxquels s'ajoutent 11,21 Mds € d'avantages fiscaux et 2,76 Mds € d'aides diverses. Le total se monte à 37,37 Mds €. Ce chiffrage ne tient pas compte du coût des HLM, et en particulier des pertes entraînées par l'insuffisance des loyers. Autre fait à noter, la montée en flèche des coûts du système pour les finances publiques, puisque les aides aux producteurs ont augmenté de 57% entre 2005 et 2009, et les aides à la personne de 14% pendant la même période, le total des avantages conférés passant de 28,03 à 37,37 Mds €. Nous sommes donc très loin ne serait-ce que d'une stabilisation de ce type de dépenses (comme de beaucoup d'autres). La comparaison avec le système anglais, et aussi avec l'effort de réduction du déficit du gouvernement anglais, ne paraît pas en définitive se solder en faveur de la France.