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Conclusion et synthèse « Une fiscalité pour chercher des emplois »

Partie III.3 Allons chercher la croissance !

Par Bernard Zimmern, Président de l'iFRAP et Philippe BERTIN, Président-associé d'Equitis, Vice-Président de la Fondation Concorde.

Conclusion

Comme vous, j'avais établi des comparaisons. Je vais passer rapidement un graphique sur ce que monsieur MADELIN, avec ces 40 000 euros de déduction de maximum pour un ménage à 25 %, crée comme investissement. Cette mesure MADELIN atteint 272 millions d'euros, au bout de 10 ou 15 ans ! Comme vous le disiez, l'EIS anglais est déjà à 600 millions de livres. Les plafonds sont une des tares du système de Bercy. Cela fait de la défiscalisation et non des Business Angels. Cela fait de la défiscalisation et cela ne crée pas d'emplois. Cela fait de la défiscalisation et cela crée un trou dans le budget de l'État, sans nous permettre d'augmenter les emplois ou de récupérer par la TVA.

Nous avons fait faire une étude par cette même source qui a donc toutes les entreprises françaises et anglaises dans ses bilans. Nous lui avons demandé de regarder sur les dernières années, pour les entreprises qui se sont créées, le chiffre d'affaires créé la première année et les capitaux propres. Nous avons cherché à établir un rapport entre TVA payée d'une part, et d'autre part, les capitaux propres. Quand mon grand-père a créé son entreprise, il n'y avait pas d'impôts. Depuis, l'État est arrivé à prendre 50 % un peu partout. Pour établir ce que j'appelle l'équation de l'entrepreneur, pour établir le même niveau de risque et faire qu'il y ait plus de projets, il faut que l'État prenne à sa charge la moitié du risque. Avec une déduction de 50 %, l'État s'y retrouve en TVA la première année jusqu'à des montants investis dans des entreprises de 5 millions d'euros. Comme par hasard, cela conduirait au niveau fixé par Bruxelles pour les très petites entreprises, celles qu'il vise à encourager, celles qui sont maintenant la cible de l'EIS comme de son équivalent irlandais. Cet équivalent irlandais a été approuvé par Bruxelles sans aucun problème, parce qu'il entrait parfaitement dans les lignes directrices de la Communauté européenne.

Je souligne cette perspective, parce qu'il est incroyable de constater que nous avons des mesures possibles qui sont des gagnants-gagnants. Dans la mesure où l'État vise des incitations fiscales vers la petite entreprise communautaire au sens de Bruxelles, moins de 50 personnes, celle qui démarre, il est assuré, à condition de ne pas dépasser 50 % en dons fiscaux, de retrouver son argent avant même qu'il ne soit sorti ! C'est vraiment dramatique de connaître ce trésor qui n'est pas utilisé. La seule sortie française possible ne peut se faire que par ce que nous appelons du budget dynamique. Il s'agit de créer encore une fois 5 à 7 millions d'emplois. Ces emplois ne seront pas créés à coups de subventions, cela ne fonctionne pas. Ces emplois ne seront pas créés à coups d'exemptions fiscales ou de donations éclectiques. Il faut cibler les créations de gazelles pour que ces jeunes entreprises aient le maximum de potentiel. Pour ceux qui auraient encore des doutes sur les statistiques de l'IFRAP, j'ajoute que nous avons regardé attentivement les entreprises qui ne paient pas de TVA, celles qui font moins de 73 600 euros de chiffre d'affaires. Nous avons mesuré cette partie : elle est pratiquement négligeable. Nous avons également étudié les exportations. Ce graphique représente vraiment la réalité.

Le dernier graphique présente les résultats d'une étude faite sur l'EIS par un groupe qui s'appelle PASEC. Vous voyez que, pour un investissement de 100, la dépense fiscale à l'entrée est de 20, puisque les Anglais peuvent déduire 20 % de leur investissement. D'après l'étude PASEC, les Anglais déduisent au total 60, avec tous les avantages que monsieur TARDY a décrits. Cela crée 330 de chiffre d'affaires sur lequel la TVA – si elle était payée en France – ferait 65. En Angleterre aussi, avec le système EIS, l'État perd la première année 20 et va rentrer 65 en TVA. J'avoue que je ne comprends pas pourquoi nous ne sommes pas encore capables, dans les textes qui sont proposés au Gouvernement qui veut faire du plein emploi en 2012, de présenter une mesure fiscale centrée sur la Très petite entreprise et qui permette de faire du gagnant-gagnant.

Synthèse

Deux éléments ressortent de ce débat, deux problèmes qui se posent actuellement à l'investissement en France et aux gazelles en particulier :
- le premier, la pénurie de dossiers ;
- le second, le trou dans la chaîne de financement.

Le trou dans la chaîne de financement est un problème que nous connaissons. Il est mécanique et naturel : toutes les structures organisées d'investissement ont des contraintes mécaniques, les coûts de recherche, les coûts d'étude, les coûts d'analyse de dossiers. Ces contraintes mécaniques dirigent les investissements vers les tickets les plus importants. Nous sommes en France, nous sommes dans un pays qui n'aime pas le risque, nous le savons. Nous avons même inscrit le principe de précaution dans notre Constitution. Là aussi, parce que nous gérons l'argent des autres et qu'il est mieux de suivre tout le monde, nous allons essayer de faire les dossiers que tout le monde fait, pour minimiser le risque. Ce n'est pas un drame en soi. Disons que c'est une tendance naturelle : rechercher des entreprises, des cibles qui permettent d'investir des tickets de plus en plus importants, parce qu'ils sont plus faciles à gérer. De plus, l'investissement se fera sur des entreprises qui minimisent le risque en présentant un certain nombre de garanties, que ce soit l'existence de chiffres d'affaires, l'existence d'actifs déjà avérés comme des brevets. Par construction, les organisations d'investissement délaissent tout un secteur que nous avons évoqué. Ce secteur délaissé n'est pas seulement technologique : il couvre l'intégralité des activités industrielles et de service. Ce sont les entreprises de ce secteur qui ont besoin, aujourd'hui, d'être investies, de trouver des financements pour compléter et surtout augmenter leur capacité en fonds propres. En France, nous savons qu'indépendamment même du capital investissement, toutes les entreprises françaises sont sous-capitalisées, ce qui explique un certain nombre de problèmes, notamment dans les relations bancaires.

Ce problème de trou dans la chaîne de financement est une réalité.

Et cette réalité entraîne également un autre commentaire : la pénurie de dossiers. Les dossiers existent, mais ils ne répondent pas aux critères ! Le problème et la seule solution pour arriver à organiser une chaîne de financement complète consistent :
- d'une part, à augmenter le nombre des Business Angels qui constituent la quasi unique réponse au problème posé ;
- d'autre part, à augmenter le ticket moyen, la capacité du Business Angels à mettre de l'argent.

Les chiffres ont été rappelés : la France compte probablement sept fois moins de Business Angels quel'Angleterre. La prospective espère 30 à 40 000 euros par Business Angel et par an d'ici à 2010 ou 2012. Je vous rappelle qu'en Angleterre l'investissement moyen par Business Angel est d'ores et déjà proche de 100 000 euros et autour de 150 000 euros aux États-Unis. Le chemin est long, immense. Il est doublement immense, par l'augmentation du nombre de Business Angels, mais également par l'augmentation de la capacité d'investissement moyen de chaque Business Angel.

Dans cette perspective, l'IFRAP et Concorde vont travailler à proposer, dans le cadre de la loi de la modernisation économique discutée en avril 2008 :
- un dispositif qui se rapprochera de celui qui existe en Grande-Bretagne, l'EIS ;
- une augmentation de la réduction de 40 000 euros à 500 000 euros dans le cadre de la loi MADELIN ;
- une détaxation des plus-values au-delà d'une détention de trois ans, et non de cinq ans. Voilà l'essentiel de la synthèse, j'espère que cela résume l'essentiel de la discussion de ce matin.

Cet article fait partie du colloque Allons chercher la croissance ! Les entrepreneurs sont notre avenir.