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Plan de résilience : encore plus de 25 milliards de "quoi qu'il en coûte"

La guerre en Ukraine après la sortie de la pandémie de Covid-19 devrait avoir un impact considérable sur l’activité économique et la consommation cette année. A ce titre, pour les particuliers comme pour les entreprises des mesures d’urgences (de résilience) ont été décidées avec sur le plan financier un décret d’avance afin d’augmenter les crédits déjà votés en loi de finances 2022. C'est le retour du « quoi qu’il en coûte » et le gouvernement multiplie les subventions et les chèques pour un coût global qui dépasse déjà les 25 milliards d'euros en 2022. Cela alors que l'inflation fait rentrer, mécaniquement, plus de recettes publiques et que la logique serait de baisser la fiscalité plutôt que d'augmenter les dépenses. Petit inventaire des mesures (déjà existantes) et de leur coût budgétaire : 

En LFI 2022 près de 21 milliards d’euros de mesures anti-inflation déjà votés

Pour le moment, des mesures budgétaires de « maîtrise » de l’envolée des coûts énergétiques ont déjà été votés en loi de finances 2022 pour faire face à l’inflation déjà présente – préalablement à la guerre d’Ukraine – issues de la reprise généralisée au niveau mondial au sortir de la crise sanitaire en 2021 et en 2022. Les volumes votés sont d’ores-et-déjà importants, soit près de 21 milliards d’euros.

 

2022

LFI 2022

Décret d'avance

Blocage des prix de l'électricité

8,1

8,1

 

Gel du prix du gaz

6,4

1,2

5,2

Indemnité d'inflation

3,8

11,4

 

Chèque énergie exceptionnel

0,6

Remise de 15c sur les carburants

2,9

Augmentation du barème kilométrique de 10%

0,4

Subvention aux entreprises énergo-intensives

3

Aides sectorielles du Plan de Résilience

0,7

Total

25,9

20,7

5,2

Sources : LFI 2022 et discours de Bruno Le Maire en date du 18 mars 2022[1].

Les montants sont très importants pour faire face au « choc d’offre » de la reprise économique :

  • Le blocage des prix de l’électricité à 4% a conduit à une baisse de la TICFE de 8,1 milliards d’euros. Un coût qui devrait induire (voir encadré) une augmentation de la dette publique de 2,7 milliards d’euros.

Des effets induits pour EDF et sa recapitalisation sur les comptes publics.

Le blocage des prix de l’électricité à 4%, a déjà des effets importants pour l’entreprise EDF détenue à 83,88% par l’Etat[2]. Le blocage des prix devrait amputer les résultats de l’entreprise publique de près de 8 milliards d’euros, auxquels s’ajouteraient 11 autres milliards liés à la baisse de la production nucléaire (mises à l’arrêt de certains réacteurs pour estimation de la dégradation des cuves etc.). Or l’entreprise estime de son côté que les risques de corrosions à eux seuls pourrait faire baisser son EBITDA de près de 16 milliards d’euros.

Malgré des comptes dégradés, l’entreprise a besoin de capitaux frais pour faire face aux investissements massifs dont elle a besoin dans le cadre de sa stratégie CAP 2030. Le 17 mars, l’électricien a donc lancé une augmentation de capital de 3,1 milliards d’euros par l’émission de 2 nouvelles actions pour 13 existantes au prix de 6,35 euros. L’Etat devrait en souscrire pour 2,654 milliards d’euros à hauteur de sa participation dans l’entreprise. L’opération étant purement financière, elle ne devrait pas dégrader le solde public, mais devrait augmenter la dette Maastrichienne d’un même montant (qui sera alors traité comme une variation stock/flux non explicable par la variation du solde public entre 2021 et 2022.

  • Le gel des prix du gaz, se traduit par la compensation aux distributeurs du mécanisme de gel. Les coûts budgétisés en LFI 2022 s’élèvent à 1,2 milliard d’euros. La crise Ukrainienne devrait aboutir à une augmentation de 5,2 milliards d’euros via décret d’avance (voir infra).
  • L’indemnité inflation qui devrait avoir un coût de 3,8 milliards d’euros.
  • Le chèque énergie exceptionnel pour 600 millions d’euros.
  • La remise « carburant » de 15 centimes, soit 2,9 milliards d’euros, restitués aux consommateurs lors du paiement à la pompes et non sur les prix affichés.
  • L’augmentation du barème kilométrique avec revalorisation de 10% qui frappera la recette de l’impôt sur le revenu (IRPP), soit 400 millions d’euros.
  • La subvention aux entreprises énergo-intensives (gaz/électricité) pour 3 milliards d’euros
  • Les aides sectorielles (agriculteurs, marins pêcheurs, transporteurs etc.) pour 700 millions d’euros.

La mise en place d’un décret d’avance pour 5,2 milliards d’euros

Le Gouvernement a annoncé qu’il ne prendrait pas de loi de finances rectificative avant l’été pour cause d’élections présidentielles. Il s’est cependant engagé à déposer un tel document devant la nouvelle assemblée législative qui devrait siéger à compter de la mi-juin (20 juin), sauf dissolution décidée par l’exécutif préalablement au 1er tour des élections présidentielles, afin de valider l’opération et d’y ajouter le dégel du point de fonction publique au bénéfice des fonctionnaires.

Dans ce cadre le gouvernement a choisi de prendre un décret d’avance, lui permettant d’ouvrir des crédits supplémentaires dans la limite de 1% des crédits ouverts en loi de finances initiale. Le volume du décret d’avance devrait être de 5,2 milliards, correspondant aux dépenses additionnelles liées au gel du prix du gaz qui pourrait coûter aux finances publiques jusqu’à l’été 6,4 milliards d’euros (dont 1,2 milliards cf supra, a déjà été budgété en LFI 2022).  

Cependant si la reprise chinoise est plus forte que prévue, des tensions supplémentaires sur les prix du gaz pourraient alourdir la facture budgétaire qui de 6,4 milliards pourrait atteindre voir dépasser les 10 milliards d’euros. Le décret d’avance serait alors tout à fait insuffisant.

Les éléments complémentaires du quoi qu’il en coûte à mobiliser

Le plan de résilience devrait par ailleurs s’appuyer sur des dispositifs déjà présents et à disposition des entreprises mais qui devait baisser progressivement en volume dans les mois à venir.

  • On pense par exemple à l’activité partielle, dont le volume pour le moment n’est pas précisé.
  • On pense également au dispositif des PGE pour soulager la trésorerie des entreprises. Sur ce versant, le Ministre des finances à annoncé sa disponibilité aux conditions actuelles jusqu’au 1er juillet 2022, mais avec une augmentation du plafond de 25% du CA à 35% du CA. A compter du 1er juillet, un nouveau PGE sera mis en place avec des caractéristiques non encore arbitrées, mais qui devrait dépasser le plafond de 10% jusqu’ici envisagé.
 

Enveloppe initiale prolongée jusqu'au 30 juin 2022

Consommé

Tirable

PGE

300

142,5

157,5

L’enveloppe des PGE ouverte a en effet été assez peu mobilisée, 142,5 milliards souscrits au 1er octobre 2021 sur les 300 disponibles. Il reste donc une enveloppe « tirable » de 157,5 milliards d’euros soit 52,5%. Par ailleurs au 1er octobre 2021 la sinistralité des prêts déjà consentis représentait pour l’Etat un coût brut de 2,8 milliards d’euros (soit 1,96%) ramené à 2,2 milliards de coût net à cause de l’encaissement de primes liées à la souscription des PGE de 600 millions d’euros.


[1] Consulter, https://presse.economie.gouv.fr/18-03-2022-propos-liminaires-de-bruno-le-maire-audition-par-les-commissions-des-finances-et-des-affaires-economiques-de-lassemblee-nationale-sur-le-plan-de-resilience/

[2] Voir en particulier, https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/l-etat-recapitalise-edf-pour-lui-permettre-d-affronter-les-vents-contraires-906424.html, ainsi que https://presse.economie.gouv.fr/18-03-2022-letat-confirme-quil-participera-a-hauteur-de-plus-de-26-milliards-deuros-a-laugmentation-de-capital-de-plus-de-31-milliards-deuros-lancee-pa-2/