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Malgré la récession, l'industrie allemande reste le principal moteur de l'économie

Les crises économiques et géopolitiques mondiales touchent actuellement l'économie allemande, traditionnellement orientée vers l'exportation. La crise du gaz et l’inflation ont fait chuter l'industrie. Le PIB de la première économie européenne s'est contracté deux fois de suite : de 0,3 % au premier trimestre 2023, après un premier recul de 0,5 % fin 2022. L'Allemagne n'a pas été la seule à entrer en récession, la zone euro l’est également. Le PIB des vingt pays a reculé de 0,1% au 1er trimestre alors qu’il avait déjà subi une baisse de la même ampleur le trimestre précédent. Mais les fondamentaux de l'industrie allemande, principal moteur de l'économie restent bien présents : Mittelstand, investissements en R&D et robotisation, exportations. Des fondamentaux qui devraient permettre une reprise de l'économie outre-Rhin.

Quelle est la place de l’industrie dans l’économie allemande ?

L’Allemagne est l’une des plus importantes nations industrielles au monde. Les entreprises sont spécialisées dans le développement et la fabrication de marchandises. La part de l’industrie dans la valeur ajoutée brute nationale est de 26,6% en 2021, la plus élevée de tous les pays du G7 et de l’Europe. Les secteurs les plus performants sont la construction automobile, l’industrie électrique, la construction mécanique et la chimie. 

Le pays est avec la Chine et les États-Unis, l’une des trois grandes nations exportatrices. En 2022, elle a exporté des marchandises pour une valeur de 1 576 milliards d’euros. Le taux d’exportation s’élevait à près de 50,3 %. De plus, en tenant compte de l’importance du commerce extérieur pour le produit intérieur brut, l’Allemagne est l’économie la plus ouverte des États du G7. Le taux du commerce extérieur est de 98,6% correspondant à la somme des importations et des exportations par rapport au PIB. Ce qui permet d’avoir un solde commercial en excédent de 178,4 milliards d’euros en 2021, alors que la France est en déficit de 109,7 milliards d’euros en 2021.

Les principaux centres économiques en Allemagne sont :

  • Les régions métropolitaines de Munich pour le secteur de la high-tech,
  • Stuttgart pour la construction automobile,
  • Rhin-Neckar pour l’industrie chimique,
  • Hambourg pour la construction aéronautique
  • Berlin est la plus forte région pour les start-ups.

L’Allemagne est la championne d’Europe en termes d’invention. En 2021, les entreprises allemandes ont déposé quelque 26 000 demandes de brevet auprès de l’Office européen des brevets à Munich. La même année, 58 600 inventions ont été enregistrées par l’Office allemand des brevets et des marques. En outre, l’industrie allemande se caractérise par des investissements significatifs en matière de recherche et de développement. Elle est connue dans le monde entier pour sa force d’innovation. Sur les 3 % du produit intérieur brut investis dans la recherche et le développement en Allemagne, plus des deux tiers proviennent de l’industrie.

Les principaux secteurs de l’industrie manufacturière du territoire allemand sont :

  • L’automobile : ce domaine compte environ 800 000 salariés et représentait un chiffre d'affaires de 436 milliards d'euros contre 105 milliards en France. Cette industrie fait office vitrine allemande par excellence. Avec les six grandes marques que sont Volkswagen, BMW, Mercedes-Benz, VW Audi, Porsche ainsi que Opel. Cette branche économique est très importante pour la prospérité et l'emploi en Allemagne.
  • Ensuite, le secteur de l'électrotechnique, où l’Allemagne est considérée comme le leader européen et 5e au rang mondial. C’est le deuxième plus grand secteur d'Allemagne en termes d'emplois. Le pays recense environ 3 568 entreprises dans le domaine qui se développe grâce aux investissements en R&D de 17,2 milliards, soutenus par les pouvoirs publics. Actuellement en Europe, une puce électronique sur trois est produite en Allemagne.
  • Au niveau mondial, l'industrie chimique et pharmaceutique allemande occupe la 3e place. La chimie allemande est considérée comme le 1er acteur en Europe. Cette filière compte 340 000 salariés et 3100 entreprises dont 96% sont des petites et moyennes entreprises.
  • La construction de machines est le 2e secteur en Allemagne en termes de chiffre d'affaires. Avec plus de 6 500 entreprises dont 90 % de petites et moyennes entreprises, cette industrie est surtout réputée pour ses exportations : environ 80 % du chiffre d'affaires est généré par les exportations, ce qui fait de l’Allemagne le premier fournisseur mondial de machines.

Les atouts de l’industrie allemande

Le classement Die Deutsche Wirtschaft

Die Deutsche Wirtschaft compile les 10.000 acteurs décisifs des entreprises de production en Allemagne. Le classement est basé sur l'indice de scoring DWR, qui prend en compte 31 facteurs au total pour évaluer l’entreprise. Ce classement montre que ce ne sont pas seulement les grands groupes internationaux qui font la compétence industrielle allemande mais aussi les nombreuses entreprises moyennes de toutes les régions du pays. Environ un tiers des entreprises industrielles se situent dans le segment de chiffre d'affaires de 100 millions, un autre tiers à partir de 30 millions d'euros. C'est précisément cette diversité et cette force qui font de l’Allemagne une puissance industrielle.

La catégorie du « Mittelstand » en Allemagne

Le point fort de l’industrie allemande est le nombre des entreprises de taille moyenne qui sont très importantes. Il s’agit d’entreprises ayant un chiffre d’affaires annuel de moins de 50 millions d’euros et moins de 500 salariés. Le Mittelstand renvoie à l’idée d’entreprises familiales et indépendantes avec une forte participation à l’économie du territoire. Ce n’est donc pas la taille d’une entreprise qui détermine son appartenance au Mittelstand, mais plutôt la manière de gérer l’entreprise.

Plus de 99 % des entreprises font partie du Mittelstand et elles génèrent plus de 50 % de la valeur ajoutée. Ces acteurs représentent 58,5 % de l’ensemble des emplois, 35,3% du chiffre d’affaires total et 97,1 % des exportateurs allemands. Le Mittelstand est le principal moteur de l’innovation et de la technologie en Allemagne. Pour rester compétitives, les entreprises de taille moyenne et intermédiaire doivent constamment se spécialiser et investissent pour cela en R&D. La force de ce modèle repose sur la diversité de ses PME et ETI. Cette culture d’entreprise touche de nombreuses branches et toutes les entreprises dont les start-ups, les entreprises artisanales et les entreprises de haute technologie et innovantes. Tout cet éventail participe fortement à la valeur ajoutée de l’industrie dans l’économie allemande.

Actuellement le nombre d’entreprises de tailles intermédiaires en Allemagne est évalué à 12 000 contre 5 400 en France. 

Nombre de PME entre 10 et 250 salariés en France et en Allemagne

Source : CCI France Allemagne

Industrie française vs industrie allemande 

La France s’est désindustrialisée depuis la fin des années 1970, et son secteur industriel manufacturier ne représente plus que pour 16,6 % du PIB en 2021 comparé à 26,6 % en Allemagne.

Comparaison de la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB de 2000 à 2021 entre la France et l’Allemagne

Source : Banque Mondiale

Là où l'écart se creuse entre secteurs industriels français et allemand c'est en termes de recherche et développement. En 2019, le gouvernement français a consacré 53,4 milliards d’euros en R&D soit 2,19% du PIB alors qu’en outre-Rhin ces dépenses ont atteint le niveau de 109,3 milliards d’euros correspondant à 3,2% du PIB. L’industrie manufacturière demande un investissement important en R&D pour avoir des facteurs de production à la pointe, notamment au niveau technologique. Depuis quelques années l’objectif du gouvernement allemand est d’aider l’économie et la science à concevoir et réaliser l’industrie 4.0. Cette transition est caractérisée par une forte personnalisation des produits dans une production robotisée et numérisée. 

Il est intéressant de voir l'écart s'agissant du taux de robotisation. En 2021, la robotisation de l'industrie française a chuté. Le nombre de robots pour 10.000 employés dans les usines tricolores a diminué de 16%, pour atteindre 163 unités en 2021 contre 194 unités en 2020. La France atteint la 20ème place du classement de International Federation of Robotics. Pendant ce temps en Allemagne, le nombre de robots a augmenté de 7% pour passer de 371 unités à 397 en 2021. L'Allemagne conserve sa 4e place au classement mondial. Il est clair que tant que la France n’investit pas assez dans ses facteurs de production, le territoire continuera à perdre en compétitivité face aux autres pays dans l’industrie.

Classement de la robotisation industrielle mondiale en 2021, nombre de robots pour 10 000 employés dans l'industrie

Source : International Federation of Robotics

La place de l’industrie dans l’économie

La production industrielle par habitant est un indicateur qui permet de comparer les niveaux de fabrication générés par différents pays puisqu’il calcule le rapport entre la quantité produite par les industries d’un pays et la population sur une période définie.

Évolution de Valeur ajoutée manufacturière par habitant de 2000 à 2018 en Allemagne et en France

Source : Banque Mondiale

Selon ce graphique la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière par habitant de l’Allemagne est près du double de celle de la France et le secteur de l’industrie manufacturière emploie 7,5 millions de personnes en Allemagne contre seulement 3,2 millions d'emplois en France en 2022 selon l'Insee. Dans l'industrie chimique et pharmaceutique allemande le nombre de personnes employées s'élevait à environ 473 000 en 2021 alors qu’il emploie en France environ 219 000 salariés. Le secteur automobile allemand emploie plus de 800 000 personnes contre 210 970 employés en France. Le secteur de la construction mécanique embauche le plus de salariés en Allemagne comme en France. La construction mécanique allemande emploie plus d’un million de personnes par rapport à 602 523 salariés en France.

L'industrie allemande fragilisée depuis le printemps 2023 ?

L’industrie a subi une importante chute notamment due à une forte diminution des commandes. En effet le mois de mars constitue un creux pour l’industrie allemande. La production de l'industrie en termes réels a baissé de 3,4 % par rapport au mois précédent (données corrigées des prix, des variations saisonnières et des effets de calendrier). Cette baisse est causée par la diminution de la production de véhicules de 6,5% sur un mois. En ajoutant à cela, les industries à fort besoin énergétique ont vu leur activité diminuer de 3,3%.

Néanmoins, malgré la baisse de commandes enregistrée, la production industrielle a légèrement augmenté de 0,3% en avril. Cette reprise a été influencée par à une hausse de 2% de la production dans la construction après avoir subi une baisse de 2,9 % en mars. Ensuite la fabrication pharmaceutique a joué un rôle positif également atteignant une hausse de 6,4%. Néanmoins le secteur de l’automobile reste encore touché, il comptabilise une baisse de 0,8%.

L’évolution des entrées de commandes est due à une demande intérieure qui a baissé de 1,9% au 1er trimestre 2023 par rapport au 4ème trimestre 2022 et de 8,6% par rapport à l’année précédente. Une évolution principalement causée par une diminution des commandes en provenance de l’étranger, en baisse de 10,5% au 1er semestre par rapport à l’année précédente. En comparaison annuelle, la demande étrangère a davantage diminué (-12,3 %) que la demande nationale (-9,4 %).

Pourquoi les commandes dans le secteur automobile ont fortement reculé ?

Les principaux fournisseurs de puces électroniques ont diminué leur livraison, ce qui a eu des conséquences sur la production des véhicules allemands. De même, le contexte de guerre en Ukraine a entrainé une baisse de la demande en provenance de l’étranger, en raison du moral des consommateurs et investisseurs. Dernière raison, les arrêts de production en Ukraine alors que le pays était un des fournisseurs des faisceaux de câbles pour l’automobile.

Ensuite le secteur de la construction a été atteint par la hausse des taux d’intérêt dans le marché financier et des coûts des matières premières nécessaires pour la construction. Cette situation économique qui touche la plupart des pays développés ne remet pas en question le progrès technique que l’Allemagne entretient depuis des années. Elle interroge sur l’évolution du commerce international et des prises de décisions des entreprises et des politiques pour le développement économique du pays.