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Le plan de sobriété accélérerait la récession en 2023

Nous voilà affublés d’un plan de sobriété à la veille de l’hiver. Ce plan dicte une baisse de 10 % d’utilisation d’énergie immédiate pour les entreprises et les ménages pour éviter les ruptures d’approvisionnement. ​Moins 10 % ? Cela n’a l’air de rien mais c’est énorme en période hivernale. RTE, le gestionnaire du réseau électrique, communique même sur la nécessité de faire - 15 % sur certaines périodes très froides et sans vent : « Si grâce au plan sobriété, complété par le dispositif Ecowatt, la consommation française baisse de 15 % aux heures les plus tendues, nous devrions passer ces pointes. »​

Cette tribune a été publiée dans le JDD du 25 septembre 2022. A voir, en cliquant ici.

Pour arriver à ce résultat, les entreprises gourmandes en électricité, celles qu’on appelle les « électro-intensives », devront s’arrêter. Certaines l’ont déjà prévu (Duralex, du 1er novembre 2022 au 31 mars 2023). Trois cents entreprises ont demandé l’aide du gouvernement pour payer leurs factures d’énergie et ce n’est que le début. Beaucoup ont leurs contrats d’électricité qui arrivent à échéance à la fin de l’année, ce qui fait dire au président de la République aux entreprises dont les contrats d’électricité arrivent au terme, de ne pas signer.

Quel bazar ! On comprend que nombre d’entreprises ne peuvent plus et ne pourront plus payer leurs notes d’électricité ou de gaz. On comprend aussi que la sobriété sera voulue par certaines entreprises, mais aussi forcée, à la fois par la montée des prix et par l’obligation de fermer, ou par des délestages en cas de pics de consommation au cœur de l’hiver.​

Et la croissance dans tout cela ? Le gouvernement présente lundi son projet de budget pour 2023. Il y fait figurer une croissance de 1 %. La Banque de France doute que nous arrivions à ce niveau de croissance. Mais avec le plan de sobriété, elle risque bel et bien de ne pas être au rendez-vous. La Fondation iFRAP a fait la simulation de ce que donnerait l’application de ce plan pour notre économie avec 3,7 % de baisse de la consommation d’énergie d’ici à fin 2022 par rapport à 2019, puis 7,2 % de baisse en 2023.

Que va-t-on faire subir à notre PIB en appliquant ce plan de sobriété ? Il se traduirait par une baisse de la consommation d’énergie finale de 74 TWh (térawattheure) en 2022 (- 3,7 % par rapport au niveau de 2021), puis une baisse de 164 TWh en 2023 (c’est-à-dire - 7,2 % par rapport au niveau de 2022), et enfin une baisse de 159 TWh en 2024 (soit une stagnation par rapport au niveau de 2023). Et la consommation d’énergie finale serait de 1 426 TWh en 2024 (soit 10 % inférieure à celle de 2019).​

Les résultats de la simulation sont très préoccupants : ​sur deux ans, la croissance du PIB serait moindre à cause du plan de sobriété de 1,4 point, dont 0,9 sur la seule année 2023. On serait donc sur une croissance nulle, voire une récession en 2023, avec un PIB plus faible de 35 milliards dès 2023 par rapport aux prévisions gouvernementales. Sur trois ans, cela ferait 83 milliards de richesse nationale perdus.

L’effet réel du plan de sobriété n’est donc pas totalement intégré dans les révisions à la baisse de la croissance par le gouvernement, ce qui explique que le taux de croissance gouvernemental retenu pour 2023 soit à un niveau plus élevé que celui du consensus des économistes ou des prévisions de la Banque de France. Entre la hausse des taux d’intérêt, le pouvoir d’achat en baisse et le ralentissement mondial, le plan de sobriété énergétique contribuerait à amplifier l’intensité de la récession.​

En sauvant la croissance et le pouvoir d’achat des ménages avec le bouclier tarifaire en 2022, le gouvernement n’a fait que reporter le problème à 2023 en espérant qu’il se résolve de lui-même. C’est peine perdue. Il aurait fallu se poser plus tôt la question du calendrier de maintenance de nos réacteurs nucléaires et de la réalité des risques sur la sûreté nucléaire de la corrosion sous contrainte. Toute notre économie se retrouve prisonnière d’un calendrier que nul ne semble maîtriser.​​

Sans accélérer les réouvertures de réacteurs à l’arrêt, sans rouvrir plus de centrales y compris thermiques… nous allons maintenant vers une récession en partie énergétique, laquelle risque de déboucher sur de nombreuses fermetures d’entreprises. Dans le pays aux 56 réacteurs nucléaires, ce « plan de sobriété » pourrait bien se révéler une véritable catastrophe économique.