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Le Crédit impôt compétitivité emploi (CICE) est-il pérenne ?

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C'est la question que tout le monde s'est posée lorsque le CICE a été dévoilé. Chacun y est allé de sa réponse, mais il en est une qui devrait crever les yeux, et qui n'est pas la plus rassurante : une réduction des charges sociales, c'est très compliqué à mettre en œuvre, et une fois que c'est fait, c'est évidemment très difficile de revenir en arrière. Au contraire, un crédit d'impôt, c'est une ligne dans un collectif budgétaire, et c'est très facile à modifier, moduler…ou supprimer. Alors, le CICE sera-t-il pérenne au-delà des deux premières années ?

Il se murmure ici ou là que le CICE n'est pas nécessairement conçu pour durer, compte tenu de la somme considérable qu'il représente. Effectivement, ponctionner chaque année de 20 milliards les ressources de l'Etat, alors que cela annule d'un coup l'ensemble des augmentations des impôts et taxes portant sur les entreprises que le gouvernement avait péniblement réussi à mettre au point une par une l'année dernière, cela fait peur et donne l'impression d'avoir fait un énorme cadeau à ces entreprises, voire pour certains d'un gâchis. Et pourtant ce n'est qu'environ un cinquième de ce qu'il faudrait faire pour aligner les prélèvements sur les entreprises françaises sur ceux des entreprises de nos voisins allemands !

Quoi qu'il en soit, beaucoup se disent que consentir ce crédit risque fort de ne pas être tenable compte tenu du délabrement de nos finances publiques. On a déjà commencé par reculer d'une année l'entrée en vigueur de la mesure, on peut aussi réserver l'avenir ?

Baisse des charges sociales : une mesure compliquée pour le gouvernement et symbolique.

La mesure- simple pour les entreprises -qui aurait consisté à baisser les charges sociales d'autant, aurait été pour le gouvernement compliquée à mettre au point, et aurait envoyé un signal symbolique très fort et de fait contradictoire avec l'inexorable montée des charges sociales que l'on constate par ailleurs (complémentaire santé, contrats courts, demain les cotisations retraites etc…). En effet, baisser les charges sociales modifie l'équilibre de la Sécurité Sociale, ce qui aurait nécessité soit de baisser les prestations, soit de trouver des ressources compensatoires. Par ailleurs, la réforme nécessite aussi l'intervention des partenaires sociaux. Tout cela est d'une grande complication.

Le crédit d'impôt : simple à gérer, modifier…ou supprimer pour le gouvernement.

Le crédit d'impôt, contrairement à la baisse des charges sociales, est une mesure très souple. Tout d'abord, elle concerne uniquement le budget de l'Etat, et ne nécessite aucune concertation avec les partenaires sociaux. Elle peut être modifiée chaque année sans difficulté, comme le prouvent les adaptations que subissent régulièrement les différents crédits d'impôt. Elle présente aussi l'avantage de ne pas avoir d'aspect symbolique, et d'apparaître plutôt comme une niche fiscale, donc facile à supprimer si le besoin s'en fait sentir. En attendant, il est plus facile de jouer sur le déficit budgétaire de l'Etat que de retrouver l'équilibre de la Sécurité Sociale.

Alors ? Méfiance ! Ce gouvernement nous a déjà bien habitués à une grande habileté dans le discours, peu suivi au niveau des actes. Bien entendu, le crédit d'impôt n'est pas une niche, et la réforme du financement de la protection sociale devrait en revanche constituer une nécessité. Cet habile gouvernement préfère botter en touche sur la réforme. En même temps, ne nous envoie-t-il pas malgré lui un signal : d'accord pour une mesure conjoncturelle en faveur des entreprises actuellement durement touchées, mais ne comptez pas sur une réforme structurelle, donc pérenne ? Le gouvernement nous a promis la stabilité fiscale : est-elle assumée, ou n'est-ce qu'un effet d'annonce ?