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Impôts de production : +8,5 milliards de hausses entre 2021 et 2022

... qui annulent, notamment, tous les efforts de baisse pour les sociétés non financières

Comme nous l’annoncions dans notre note de septembre 2023, les impôts de production pour l’ensemble des entreprises (financières ou non) ont augmenté de 10,3 milliards d’euros entre 2021 et 2022 et de +8,5 milliards d’euros pour les seules entreprises non financières (individuelles ou non). Et les sociétés non financières supportent l'essentiel du choc, +8,3 milliards d'euros quand les entreprises individuelles ne subissent une hausse que de 0,2 milliard. La publication du RESF 2024, nous permet d’en donner le détail et d’observer l’évolution des différentes taxes de production dont on rappelle que le gouvernement a reconduit la suppression pour 10 milliards d’euros. Une suppression dont les gains financiers pour les entreprises dans leur globalité semblent aujourd’hui totalement effacés, seulement 1 an après leur adoption, étant donné la dynamique de la fiscalité de production qui les frappe.

En 2022, les impôts sur la main d’œuvre augmenteraient de +3 milliards d’euros

En 2022, les impôts sur la main d’œuvre augmenteraient de 9,8% par rapport à 2021 (+3 milliards d’euros) et seraient supportés exclusivement par les SNF (sociétés non financières), les entreprises individuelles non financière ne voyant par leur pression fiscale de production augmenter sur ce segment (D291).

Précisons tout d’abord qu’aucune mesure de baisse de taxes de production initiée par le Gouvernement ne porte sur la main d’œuvre, celles-ci venant abonder des fonds sociaux, relatifs au travail ou des opérateurs de mobilité. La productivité de ces taxes n’est donc pas entravée. Les taxes qui évoluent le plus vite sont la contribution au développement de l’apprentissage (+1,4 milliards d’euros à 10 milliards d’euros en 2022), suivi par les versements transports initiés par les AOM (autorités organisatrices de mobilité), avec +0,8 milliard (9 milliards d’euros en 2022) et le forfait social (+0,8 milliard à 5,5 milliards d’euros). Enfin, la taxe sur les salaires (+0,4 milliard à 3,3 milliards d’euros) en lien avec la croissance dynamique de la masse salariale en sortie de crise sanitaire, tirée également par l’inflation 2022.

 

2020

2021

2022

Var

 2022-21

Impôts sur les salaires et la main d'œuvre (D291)

28,7

30,6

33,6

3

dont payés par les SNF

28,3

30,1

33,1

3

dont payés par les EINF

0,5

0,5

0,5

0

Taxe sur les salaires

2,7

2,9

3,3

0,4

Versements transports

7,7

8,2

9,0

0,8

Forfait social

4,9

4,7

5,5

0,8

Taxe au profit du fonds national d'aide au logement (FNAL)

2,5

3,0

2,2

-0,8

Cotisations à la CNSA (caisse nationale solidarité autonomie)

1,4

1,5

1,6

0,1

Cotisations patronales au profit de l'AGS

0,7

0,8

0,9

0,1

Contribution au développement de l'apprentissage

7,9

8,6

10

1,4

Autres

0,9

0,9

1,2

0,3

Impôts divers sur la production (D292)

46,2

35,3

40,7

5,4

dont payés par les SNF

44,9

34,2

39,5

5,3

dont payés par les EINF

1,2

1,1

1,2

0,1

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

12,6

5,7

6,9

1,2

Cotisation foncière des entreprises

6,0

4,3

4,8

0,5

Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER)

1,4

1,4

1,5

0,1

Taxe foncière

13,4

11,9

12,5

0,6

Taxe sur les surfaces commerciales

1,0

1,0

1,1

0,1

Contribution sur les rentes infra-marginales (électricité)  

1,2

1,2

Autres

11,7

11,0

12,7

1,7

Total (D29)

74,9

65,9

74,3

8,4

dont payé par les SNF

73,2

64,3

72,6

8,3

dont payé par les EINF

1,7

1,6

1,8

0,2

Source : RESF 2024, p. 85.

Les impôts divers sur la production augmentent de +5,4 milliards (+15,3%)

S’agissant des impôts divers sur la production, ces derniers augmentent de +5,4 milliards d’euros en 2022 par rapport à 2021, alors même qu’une baisse de 10,9 milliards d’euros avait été constatée entre 2020 et 2021, notamment à cause de la baisse impulsée par le Gouvernement de 10 milliards d’euros mais également à cause des moindres rentrées de CVAE (dont le rendement prend en compte la VA n-1, soit en 2021 la VA constituée en 2020 année de la crise sanitaire). 

Milliards d'euros 

Rendement en 2021
Baisse de la CVAE

-7,27

Baisse de la CFE

-1,75

Baisse de la TFPB

-1,63

Total

-10,65

Source : Documents budgétaires et données territoriales[1].

En 2021 la CVAE devait baisser de 7,27 milliards d’euros, elle baissera en exécution finalement de -7,5 milliards d’euros dont -6,9 milliards d’euros s’agissant des ENF (entreprises non financières). Le chiffrage estimatif est donc pertinent, bien qu’il y ait de la déperdition en ligne, au profit des SF (sociétés financières).  En 2022 cependant, ce gain serait partiellement effacé par une augmentation de 1,2 milliards d’euros de CVAE. On voit donc bien que seule la suppression définitive d’une taxe permet d’éviter la reconstitution progressive de son rendement. C’est d’ailleurs ce que le Gouvernement a compris en décidant la suppression définitive de la CVAE en deux ans en 2023 puis en étalant sa suppression jusqu’en 2027. Son rendement est cependant tel qu’une telle suppression devrait intervenir par baisse chaque année jusqu’en 2029, avec des baisses annuelles additionnelles suivant la séquence suivante[2].

Trajectoire initiale PLF 2024

Trajectoire de suppression de la CVAE

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Etats

-3,6

-4,5

-6,3

-9,1

-13

-16,9

-20,9

Variation annuelle

-3,6

-0,9

-1,8

-2,8

-3,9

-3,9

-4

Source : Evaluation des articles du projet de loi de finances, 2023 puis 2024[3]

S’agissant de la baisse de la CFE, celle-ci a représenté en 2021 pour les ENF -1,7 milliard d’euros, soit précisément son montant estimé par la DGFiP (contre seulement -1,4 milliard pour l’ensemble des entreprises). Ce gain serait partiellement compensé à compter de 2022 avec une augmentation de +0,5 milliard d’euros.

Enfin s’agissant de la taxe foncière sur les propriétés bâties payée par les entreprises non financières, la baisse entre 2020 et 2021 est en ligne avec le chiffrage de Bercy, tandis que pour les ENF le rendement repartirait à la hausse de +0,6 milliards d’euros en 2022.

Retenons par ailleurs qu’une nouvelle taxation sur la production des entreprises apparait avec la contribution sur les rentes infra-marginales d’électricité afin de financer les mesures de soutien énergétique (+1,2 milliard d’euros), tandis que la classification « autres taxes » ne permet pas de mettre en évidence l’augmentation du rendement de la C3S qu’elle contient pourtant.

Or entre 2021 et 2022 la C3S augmenterait de +0,6 milliards à 4,3 milliards d’euros sur l’ensemble des contribuables (sociétés non financières, financières et APU). On rappellera qu’il s’agit de la taxe de production la plus nocive pour les entreprises à cause de ses effets en cascades sur l’ensemble des seuils intermédiaires de gestion. 

Conclusion

La présentation « décomposée » des impôts de production frappant les SNF et EINF permet de mettre en évidence leur fort dynamisme qui vient peu à peu éroder les gains jusque-là engrangés par leur baisse intervenue en 2021. L’étalement de la suppression de la CVAE jusqu’en 2027 (et en réalité jusqu’en 2029), risque d’atténuer fortement les gains de productivité ainsi créé au bénéfice des entreprises concernées, les autres taxes les frappant augmentant très vites par ailleurs : on pense au versement transport, à la C3S, à la CFE, à la taxe foncière, la contribution au développement de l’apprentissage etc... Les pouvoirs publics devraient donc arrêter un calendrier permettant la suppression complète de d’autres impôts de production en sus de la CVAE à moyen terme : C3S, CFE par exemple. 


[1] https://www.prefectures-regions.gouv.fr/ile-de-france/irecontenu/telechargement/78033/504462/file/665%20-%20DP%20-%20Baisse%20des%20impo%CC%82ts%20de%20production%20les%20chiffres%20cle%CC%81s%20par%20territoire.pdf 

[2] La CVAE totale représentant en 2019 un produit de 15,2 milliards d’euros, la dynamique des bases serait telle qu’en 2029 la suppression totale représenterait -20,9 milliards pour les finances publiques à comparer à 2022.

[3] Respectivement p.67 (2023) et p.196. (2024)