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France / Allemagne : une répartition des charges sociales aux antipodes

Une comparaison du coin social (rapport de la rémunération super brute au salaire net perçu par le salarié) en la France et l'Allemagne montre que si la France avait eu la même distribution des salaires que l’Allemagne, alors il y aurait eu 140 000 salariés à temps complet de moins dans la tranche de salaires 1-1,6 Smic, 380 000 salariés de moins dans la tranche de salaires 1,6-2,5 Smic mais 520 000 salariés en plus dans les tranches de salaires supérieures à 2,5 Smic.

Cela car la surreprésentation des salaires autour du Smic est en partie la conséquence du ciblage des allègements de cotisations à la charge des employeurs qui privilégient les faibles niveaux de rémunérations (en dessous de 1,6 Smic et dans une moindre mesure en dessous de 2,5 Smic). Ce surcoût qui pèse sur le système productif français désavantage les entreprises françaises qui souhaiteraient se positionner sur des activités à haute valeur ajoutée, en particulier dans l'industrie.

Explications :

En 2021, la masse salariale des 18,6 millions de salariés français du secteur privé atteignait 612 milliards d'euros (masse salariale Acoss). Les cotisations sociales employeurs des entreprises employant ces salariés s’établissaient à 202 milliards d'euros. Les salariés du secteur privé acquittaient pour leur part 68 milliards d'euros de cotisations sociales salariés et 58 milliards de CSG sur leurs revenus salariaux.

Les allègements de cotisations sociales mis en œuvre lors du premier quinquennat Macron (baisse des cotisations sociales salariés avec comme contrepartie la hausse de CSG en 2018, transformation du CICE en allègements pérennes de cotisations sociales à la charge des employeurs à partir de 2019) n’ont que marginalement abaissé la part importante du financement de la protection sociale reposant sur le travail.

Le système des allègements de cotisations actuel et l’absence de plafonnement des cotisations sociales aboutissent à une situation caractérisée par un coin social (rapport de la rémunération du salarié y compris des cotisations sociales à la charge de son employeur – super brut – au salaire net perçu par le salarié) croissant avec le niveau de rémunération.

Cette situation a des conséquences négatives sur l’attractivité de la France. La compétitivité des entreprises employant des salariés qualifiés et le développement de l’emploi qualifié, source de gains de productivité. La situation nuit donc à la croissance et à la compétitivité française.

Nous examinons dans cette note le coin social entre la France et l'Allemagne, deux pays au mode de financement de la protection sociale assez proche. Nous n'avons pas pris en compte le coin socio-fiscal, c’est-à-dire que nous ne tenons pas compte des prélèvements sur les revenus (CSG et IR), ni pour la France, ni pour l’Allemagne. Les taux de cotisations salariales sont donc hors CSG et CRDS.

En effet, le poids des impôts sur les ménages est équivalent en France et en Allemagne, autour de 9 % du PIB.

La grande différence existante entre le système de financement de la protection sociale en France et en Allemagne est la part importante du financement qui repose sur les salariés en Allemagne, tandis que les employeurs français financent à travers les cotisations sociales employeurs une part très importante de la protection sociale.

Comme le montrent les graphiques suivants, qui mettent en relation les ratios entre le coût total de main-d’œuvre et la masse salariale brute d’un secteur en ordonnées et le salaire horaire brut du secteur en abscisses (avec une classification à 64 secteurs, la taille des bulles étant proportionnelle à la rémunération des salariés du secteur), le poids des cotisations sociales à la charge des employeurs (et les impôts de production assis sur la masse salariale) croît sensiblement plus vite en France qu’en Allemagne.