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Finances publiques : la France face à ses dettes

La France en faillite, la vérité sur l'explosion de la dette publique

En ces temps de discussion budgétaire, il est des ouvrages qui peuvent servir de vade mecum utile pour les citoyens qui observeront les débats fiscaux à l'Assemblée Nationale et au Sénat. L'ouvrage de Rémi Godeau, La France en faillite, la vérité sur l'explosion de la dette publique, Calmann-Lévy, est de ceux-là, indémodable et surtout d'une brûlante actualité. Si les chantiers ouverts par le gouvernement ont été nombreux, les interrogations que pose l'auteur sont toujours actuelles…

Tout d'abord la Lolf qui a certes remplacé les 848 chapitres de l'ancienne loi de finances par les 34 missions divisées en 132 programmes. Une plus grande efficacité direz-vous ? Si désormais les crédits des missions sont votés au premier euro, l'évaluation poussée fait toujours défaut en dépit des 1.300 indicateurs de performance et des 600 objectifs. D'ailleurs, cette complexité de gestion nouvelle, prédispose à l'inertie méticuleuse les responsables administratifs, prompts à s'exonérer de leurs responsabilités, en s'emmurant dans la technique. D'ailleurs les indicateurs basés sur les résultats ne sont pas accompagnés d'une quelconque force de contrainte. On est loin de la responsabilité de gestion à l'anglaise où des licenciements sont prononcés pour non atteinte des objectifs.

Mais en outre, le Parlement, même s'il a en septembre annoncé qu'il allait changer son règlement intérieur pour tirer parti de la réforme constitutionnelle de l'été, ne retrouve pas encore un pouvoir d'influence suffisant pour contrôler au plus près les deniers publics. Et l'auteur de le démontrer par l'article 34 de la Lolf : « le budget fixe le plafond de la variation nette appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an. » Traduction : si le plafond de la dette négociable de l'État est dépassé, ce qui arrive régulièrement chaque année, une loi de finances rectificative sera votée dans l'urgence, alors que chez nos voisins américains, le président doit revenir devant le Congrès pendant qu'au même moment ses services fédéraux s'arrêtent. Au Royaume-Uni, la question ne se pose pas, puisque le processus complet des recettes et dépenses est découplé pour une gestion participative au jour le jour. Précisons en outre que la réforme budgétaire en Grande-Bretagne, Australie et Nouvelle-Zélande est intervenue après des années de réformes de l'État, alors qu'en France, réforme de l'État et Lolf sont concomitants. Sur le plan des finances, la France est une première fois à la croisée des chemins.

L'auteur fait d'ailleurs un parallèle intéressant avec la gestion locale. En France, les contraintes budgétaires appliquées aux collectivités territoriales ont permis de comprimer leurs dépenses bien que celles-ci croissent régulièrement. L'explication tient à l'application au niveau local de ce que connaissent nos voisins d'outre-Manche au niveau national : l'autorisation d'endettement uniquement au niveau des dépenses d'investissement, les dépenses de fonctionnement devant être équilibrées (ce qu'ils appellent la Golden Rule). L'application d'un tel principe au niveau national en France a été reporté aux calendes grecques, et remplacé par une « logique de programmation » dans la perspective d'une pluriannualité des budgets de l'État. Cependant, même au niveau local, la Golden Rule des collectivités territoriales n'empêche pas les dérives budgétaires. Là encore les développements de l'auteur sont éclairants : Comment expliquer que le gouvernement - qui a par ailleurs limité fortement les dotations qu'il accorde aux collectivités locales [1]- soit bien reçu par les élus locaux lors du dernier rassemblement de l'Association des maires de France ? Parce qu'il a accepté une hausse globale de l'endettement et des impôts locaux, et qu'il n'a pas touché à la taxe d'habitation. Il faut savoir en effet que la taxe d'habitation est plafonnée à 4,3% du revenu fiscal pour le contribuable modeste. Si le montant théorique de la taxe à payer dépasse ce plafond, c'est alors l'État qui paie la différence ! Les maires ont donc tout intérêt au rehaussement des valeurs locatives qui vont accroître la pression de la fiscalité locale. Ils disposent d'un véritable droit de tirage [2] sur l'État !

Rémi Godeau parvient donc à dresser un tableau sans concession d'une France au milieu du gué qui hésite à tailler dans ses déficits et faire enfin dégonfler sa dette. De nombreuses réformes sont intervenues depuis sa parution il y a un an… La France en faillite n'en reste pourtant pas moins toujours aussi actuelle.

[1] En incluant dans le plafond de la norme des dépenses locales le FCTVA (le fonds de compensation de la TVA), pour une progression globale de l'ordre de l'inflation soit 1% soit 1,1 milliard € pour une enveloppe de 55 milliards

[2] droit de tirage : droit de percevoir des subventions