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Dette : attention, les taux remontent !

Revoilà le spectre d'une nouvelle crise mondiale et, avec elle, son cortège de tensions : sur les prix, sur les matières premières, sur les marchés, sur les taux… Si cette crise va immanquablement avoir des conséquences pour la France, nos entreprises et nos ménages, elle peut aussi fortement alourdir le coût de la dette publique de notre pays. Jusque-là, ce sujet était totalement tabou.

Cette tribune a été publiée dans les pages des Echos, le lundi 28 février.

C'était même, selon certains experts, un sujet nul et non avenu. Poser cette question des taux n'avait pas de sens car, selon eux, la BCE trouverait toujours une solution pour empêcher la montée de taux sur la dette française. Clairement, il faut reconnaître que c'est déjà ce qu'a fait la BCE en mars 2020 en rachetant massivement de la dette française quand nos taux ont commencé à diverger des taux allemands.

La BCE ne pourra laisser l'inflation galoper longtemps

Sauf que… Sauf que, maintenant, on est face à une inflation qui s'installe. Nous avons les chiffres pour février à 3,6 % d'inflation et cela ne va pas s'arrêter de monter avec la crise en Ukraine. Et, même si les marchés espèrent que la BCE réagira le plus tard possible, il y a un principe de réalité : elle ne pourra pas laisser galoper l'inflation pendant des mois sans remonter ses taux directeurs.

Déjà, les taux d'emprunts de l'Etat ont commencé à augmenter sans même que la banque centrale ne change de politique monétaire. La BCE n'a pas encore arrêté ses rachats de dette française ni relevé ses taux directeurs et pourtant, les taux d'intérêt souverains qui étaient négatifs à dix ans pour la France l'an passé sont maintenant autour de 0,7 % et les taux à trente ans ont augmenté aussi sur un an passant de 0,7 % à environ 1,2 %.

A court terme, certes, le programme PEPP arrêtera ses rachats massifs à compter de mars 2022 mais il est déjà prévu que les sommes remboursées à la BCE seront immédiatement réinvesties pour souscrire de nouveaux emprunts. Mais cette « facilité » ne durera pas.

120 milliards de coût supplémentaire

Problème : si le taux d'emprunt à dix ans de la France monte d'un point ? C'est un coût supplémentaire, toutes administrations publiques confondues, de 22 milliards d'euros de plus par an au bout de cinq ans (et pas seulement 15 milliards car cette somme correspond uniquement à l'Etat sans compter la Sécurité sociale et les collectivités).

Et si le taux OAT à dix ans de la France venait à augmenter de 4 points ? Alors la hausse serait de 88 milliards au bout de cinq ans, une hausse à ajouter aux trente et quelques milliards actuels (en comptabilité nationale), soit presque 120 milliards par an. Soit l'équivalent de la dépense publique d'éducation de la France…

Le choc s'amplifierait ensuite d'année en année, le taux des dettes à long terme émises dans le passé se modifiant au fur et à mesure de leur renouvellement.

Il faut cesser de faire l'autruche

Cela rendrait la charge de la dette totalement impossible à financer. Pourquoi 4 % ? Simplement parce qu'il s'agissait du taux considéré comme taux d'équilibre de long terme à dix ans avant la crise financière de 2008 (sans politique de soutien de la BCE). Compte tenu des effets de la politique ultra-accommodante de la BCE qui perdurent, il semble que le taux à dix ans pourrait atteindre 3 % et 3,5 %. De quoi faire déjà de la charge de la dette une vraie falaise.

Il serait donc plus que temps que nos citoyens soient au courant des risques qui pèsent sur nous. Et ce, d'autant plus que nous aurons besoin, toutes administrations publiques confondues, de plus de 300 milliards de financements publics en 2022 et en 2023. Dire la vérité et affronter le sujet pourrait se révéler plus efficace que de faire l'autruche.