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Budget 2024 : +11 milliards de rémunérations dans la fonction publique

Le projet de loi de finances 2024 apporte certains éléments permettant de juger de l’évolution des rémunérations des salariés de la Fonction publique et de l’Etat anticipés pour 2024 (et mis à jour pour 2023). A la clé, une augmentation – en comptabilité nationale – de +10,9 milliards d’euros entre 2023 et 2024, atteignant pour l’ensemble des administrations publiques 357,6 milliards d’euros. La hausse se décomposant ainsi : 4,7 milliards pour l'Etat, 0,9 milliard pour les opérateurs de l’Etat, 1,9 milliard pour les collectivités territoriales et 3,4 milliards pour les administrations sociales. 

Une augmentation liée à l’augmentation des effectifs du secteur public et des revalorisations salariales générales et sectorielles intervenues en 2023 et en 2024. Ainsi, rien que pour l’Etat, les revalorisations salariales catégorielles de l’Education nationale (pacte enseignants, pieds de grille etc.) représenteraient pour 2,46 milliards d’augmentations. Par ailleurs, la rémunération des personnels soignants liée à la politique d’attractivité et de recrutement de la FPH apporterait une contribution à cette hausse de près de 3,4 milliards d’euros. 

Une augmentation des rémunérations des salariés publics de +10,9 milliards d’euros en 2024

Si l’on considère l’évolution des rémunérations des salariés du secteur public (agrégat D.1 en comptabilité nationale), le RESF 2024 (rapport économique social et financier[1]), montre une augmentation attendue à 10,9 milliards d’euros à 357,6 milliards d’euros. Une augmentation qui intègre l’extension en année pleine de la revalorisation du point de fonction publique activée le 12 juin 2023[2], soit +3,8 milliards d’euros y compris CAS pensions pour l’ensemble des trois versants de la fonction publique, auxquels doit se rajouter l’attribution de 5 points de fonction publique pour tous les agents publics à compter du 1er janvier 2024 (soit +1,68 milliard d’euros). 

La décomposition en valeur fournie par le RESF par niveau d’administration permet de mettre en évidence que la croissance des rémunérations serait tiré par l’Etat (+4,7 milliards €) puis par les administrations de sécurité sociale (salaires hospitaliers) avec +3,4 milliards €, les collectivités locales voyant une croissance des rémunérations de leurs agents de 1,9 milliards d’euros. 

Mds €

2023

2024

Var 24-23
Etat

143,6

148,3

4,7

ODAC

22,5

23,4

0,9

APUL

95,97

97,9

1,9

ASSO

84,5

87,9

3,4

Administrations publiques

346,7

357,6

10,9

Source : RESF 2024, calculs Fondation iFRAP octobre 2023

Remarquons que toute proportion gardée, la croissance des rémunérations de salariés du secteur public ralentit : +10,9 milliards d’euros en 2024, contre +19 milliards en 2023 et +13,6 milliards en 2022. La « modération » de la hausse reposant principalement sur les ODAC (opérateurs de l’Etat grosso modo, soit +0,9 milliards en 2024 contre +1,7 milliards en 2023) et les collectivités territoriales (+1,9 milliards d’euros en 2024 contre +4,6 milliards en 2023). 

Une baisse relative des dépenses salariales en volume depuis 2020

Si maintenant on regarde les dépenses salariales en volume, le changement de focal est significatif : la rémunération des salariés représentait 13,1% du PIB en 2020 à cause de l’effondrement du PIB lié à la crise Covid, puis une baisse continue entre 2021 et 2023 passant de 12,6% à 12,3% du PIB. En 2024 l’évolution prévisionnelle verrait le poids des dépenses salariales rejoindre leur niveau d’avant crise, donc de 2019, soit 12,2% du PIB. 

Mais là encore cette prévision est grandement dépendante de la croissance du PIB anticipée. A déflateur inchangé, si la croissance n’atteignant pas +1,4% en 2024 mais plutôt 0,8% comme le prévoit le consensus des conjoncturistes, les dépenses de rémunération représenteraient 12,3% et non 12,2%, soit une stabilisation par rapport à 2023.

Les déterminants de la croissance de la masse salariale dans le budget de l’Etat

En comptabilité budgétaire cette fois, il est possible avec la publication très récente des « bleus » de pouvoir modéliser l’évolution de la masse salariale de l’Etat. Celle-ci diffère des valeurs obtenues en comptabilité nationale à raison des modes d’imputation différents[3].

Les charges de personnel de l’Etat représenteraient 153,6 milliards en 2024, après 145,9 milliards en 2023, soit une augmentation de +7,6 milliards d’euros. Notons que par construction cette augmentation s’entend entre le PLF 2023 et le PLF 2024 – et non la LFI 2023 – dans le cadre de la présentation du budget de l’Etat en section de fonctionnement et d’investissement comme les budgets territoriaux. 

Milliards d'eurosPLF 2023PLF 2023Var 24-23
Charges de personnel

145,9

153,5

7,6

Rémunérations d'activités

84,9

90

5,1

Cotisations et contributions sociales

60

62,3

2,3

Prestations sociales et allocations diverses

1,1

1,2

0,1

Source : annexes du PLF 2023 et 2024

Dans ce cadre les rémunérations d’activité augmenteraient de +5,1 milliards d’euros à 90 milliards d’euros, tandis que les cotisations et contributions sociales (principalement le CAS pensions) augmenteraient de 2,3 milliards d’euros à 62,3 milliards.

La décomposition de l’évolution des charges de personnel est présentée comme suit lorsque l’on effectue la synthèse des documents budgétaires disponibles :

 

Total (BG+BA)

Total (BG+BA)

Total (BG+BA)

 

LFI 2023

LFI 2024

var PLF24-LFI 23

Rémunération d'activité

83,4

88,2

4,8

Cotisations et contributions sociales

58,8

61,1

2,2

Contribution d'équilibre au CAS pensions:

45,5

46,9

1,4

Civils (y.c. ATI)

33,0

33,8

0,9

Militaires 

10,9

11,4

0,5

Ouvriers de l'Etat (FSPOEIE)

1,6

3,5

1,9

Autres (cultes et subventions exceptionnelle au CAS pensions)

0,0

0,0

0,0

Cotisation employeur au FSPOEIE

0,0

0,0

0,0

Autres cotisations

13,3

14,2

0,9

Prestations sociales et allocations diverses

1,1

1,2

0,1

Total titre 2

143,3

150,4

7,1

Total titre 2 hors CAS

97,8

103,6

5,8

FDC et ADP prévus en titre 2

0,6

0,5

-0,1

Source : synthèse des « bleus » budgétaires 2024, calculs Fondation iFRAP octobre 2023

La rémunération d’activité augmenterait de +4,8 milliards à 88,2 milliards, tandis que les cotisations au CAS pensions augmenterait de 1,4 milliards à 46,9 milliards d’euros, porté par l’extension en année pleine du point de fonction publique (soit +0,6 milliard d’euros). On remarquera également la très forte hausse de +1,9 milliard d’euros de la contribution des ouvriers d’Etat. Au total y compris CAS, les crédits augmenterait de 7,1 milliards d’euros à 150,4 milliards[4] et de +5,8 milliards hors CAS à 103,6 milliards. 

On peut également décomposer les charges de personnel hors CAS en fonction de ses grandes composantes :

Principaux facteurs d'évolution de la masse salariale hors CAS

BG

BA

TOTAL

Socle Exécution 2023 retraitée

95,8

1,0

96,9

Prévision Exécution 2023 hors CAS pensions

97,6

1,1

98,6

Impact des mesures de transfert de périmètre 2023-2024

0,0

0,0

0,0

Débasage de dépenses au profil atypique

-1,7

0,0

-1,7

GIPA

-0,1

0,0

-0,1

Indemnisation des jours de CET

-0,2

0,0

-0,2

Mesures de restructurations

-0,1

0,0

-0,1

Autres

-1,3

0,0

-1,3

Impact du schéma d'emplois

0,4

0,0

0,4

EAP schéma d'emploi 2023

0,3

0,0

0,3

Schéma d'emplois 2024

0,1

0,0

0,1

Mesures catégorielles

3,6

0,0

3,6

Mesures générales

0,9

0,0

0,9

Rebasage de la GIPA

0,2

0,0

0,2

Variation du point de la fonction publique

0,6

0,0

0,6

Mesures bas salaires

0,1

0,0

0,1

GVT Solde

0,5

0,0

0,5

GVT positif

1,3

0,0

1,4

GVT négatif

-0,8

0,0

-0,9

Rebasage de dépenses au profils atypiques hors GIPA

0,4

0,0

0,4

Indemnisation des jours de CET

0,2

0,0

0,2

Mesures de restructurations

0,1

0,0

0,1

Autres

0,1

0,0

0,1

Autres variations des dépenses de personnel

0,8

0,0

0,8

Prestations sociales et allocations diverses - catégorie 23

0,0

0,0

0,0

Autres

0,8

0,0

0,8

Total

102,5

1,1

103,6

Source : synthèse des « bleus » budgétaires 2024, calculs Fondation iFRAP octobre 2023

L’impact des schémas d’emplois représenterait une hausse de 0,4 milliard d’euros, mais avec un faible poids des recrutements de 2024 (+0,1 milliard) au contraire de l’extension en année pleine de celui de 2023 (recrutements – départs) pour 0,3 milliard. Les mesures catégorielles représenteraient le plus gros paquet, soit +3,6 milliards d’euros, les mesures générales ne « pesant » que pour 0,9 milliards d’euros (dont 0,6 milliard pour la revalorisation du point de fonction publique). On y trouve en particulier le poids des mesures catégorielles attribuées aux agents de l’Education nationale, soit 2,46 milliards d’euros (pacte enseignants, revalorisation des salaires etc).

Le GVT solde (résultant du différentiel entre les progressions de carrières dont on retranche les économies salariales liées aux départs à la retraite) concourrait à l’augmentation des charges de personnel de +0,5 milliard d’euros. Les autres variations de dépenses concourant à la hausse générale de +0,8 milliard d’euros. 


[1] Rapport économique, social et financier 2024, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2023/10/04/publication-du-rapport-economique-social-et-financier-plf-pour-2024

[2] https://www.ifrap.org/fonction-publique-et-administration/depuis-2011-les-prix-ont-augmente-de-21-le-salaire-des-fonctionnaires-de-31

[3] La comptabilité nationale est une comptabilité d’engagement alors que la comptabilité budgétaire est une comptabilité de caisse. 

[4] Entre la présentation « consolidée » et la présentation décomposée il existe un écart de 3 milliards d’euros, liés aux crédits des missions « Santé », « pouvoirs publics » mais aussi « crédits non répartis » qui ne se prêtent pas à une analyse par ventilation et qui en sont donc retranchés.