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2023 : les chiffres clés de la dette, des impôts et des dépenses

Le budget 2023 a été adopté dans un contexte économique et politique particulièrement troublé. Ce qu'on peut en retenir :

  • Les prélèvements obligatoires augmenteraient de +45,7 milliards € en 2023 par rapport à 2022,
  • Et la politique du chéquier ferait grossir les dépenses publiques de +49 milliards €,
  • Le déficit public se creuserait de +5,7 milliards € supplémentaires,
  • L’endettement public augmenterait de +124 milliards € atteignant les 3 072 milliards € (111,2 % du PIB).

Prélèvements obligatoires 2023, +45,7 milliards € par rapport à 2022

Après un taux de prélèvements obligatoires (PO) maximum en 2022 de 45,2 % du PIB hors crédits d’impôts (45,9 % du PIB brut des crédits), les prélèvements obligatoires baisseraient faiblement de seulement 0,2 point de PIB entre 2022 et 2023, soit une augmentation de 45,7 milliards environ en valeur pour un taux de 44,9 % du PIB en 2023 d’après le PLF.

Prélèvements obligatoires, +45,7 milliards € entre 2022 et 2023

 

2019

2020

2021

2022*

2023 LFI

Var. 2022-23

(écart PLFR2 2022-LFI 2023)

Total des recettes brutes des C.I. % PIB

52,3

52,5

52,6

53,3

52,5

-0,8

Total des recettes brutes des C.I. en milliards €

1 274,6

1 213,1

1 313,4

1 407,8

1 450,4

+42,6

Prélèvements obligatoires bruts des C.I. pt PIB

45,3

45,9

45,2

45,9

45,5

-0,4

Prélèvements obligatoires bruts des C.I. milliards €

1 104,2

1 060,5

1 130,4

1 213,5

1 257,2

+43,7

Prélèvements obligatoires hors C.I. pt PIB

43,8

44,4

44,3

45,2

44,9

-0,3

Prélèvements obligatoires hors C.I. milliards €

1 068,6

1 026

1 107,7

1 194,9

1 240,6

+45,7

Source : RESF 2023, PLFR (2) 2022 pour 2022. C.I. crédits d’impôts.
*Actualisation liée au second collectif budgétaire de décembre 2022 (PLFR 2)

Cette faible baisse s’expliquerait par la volonté de stabilité fiscale revendiquée par l’exécutif qui se traduirait en pratique par la poursuite de mesures discrétionnaires de -4,9 milliards € entre 2022 et 2023 dont la baisse partielle de CVAE (-4 milliards €), la suppression de la dernière tranche de la taxe d’habitation (-2,8 milliards) ou le bouclier tarifaire TICFE (-2,1 milliards), compensées par des hausses pour 6,2 milliards dont 5,6 milliards de suppressions du CICE.

Toutefois malgré cette baisse, l’augmentation des prélèvements obligatoires serait importante en valeur avec +45,7 milliards € nets de crédits d’impôts entre 2022 et 2023. Et près de 6,4 milliards € de hausse des recettes fiscales entre le PLF 2023 et la loi votée (LFI), suite aux mesures décidées lors de la discussion parlementaire.

Les dépenses publiques victimes de la « politique du chéquier », +49 milliards € entre 2022 et 2023

Le niveau de dépenses publiques du budget 2023 n’a que fort peu de chances de se vérifier en exécution. La contrainte que le Gouvernement voudrait imposer à toutes les administrations publiques bute sur sa politique du chéquier et sur l’absence de majorité à l’Assemblée nationale pour voter des mesures réalistes de maîtrise des dépenses locales et sociales. Les dépenses ne devraient baisser que de -0,3 point de PIB soit une augmentation quasi-symétrique de celles des prélèvements obligatoires de +49 milliards €.

Dépenses publiques +261 milliards € depuis 2019

 

2019

2020

2021

2022

2023

Var. 2023-2022

(écart PLFR2 2022-LFI 2023)*

Dépenses publiques hors C.I % PIB

53,8

60,6

58,4

57,7

56,9

-0,8

Dépenses publiques hors C.I en milliards €

1 311,1

1 399,8

1 461

1 523

1 572

49

Source : RESF 2023, PLFR (2) 2022 pour 2022. C.I. crédits d’impôts.
* Actualisation liée au second collectif budgétaire de décembre 2022 (PLFR 2)

En réalité, cette apparente « maîtrise » devrait buter sur le soutien aux ménages pour les aider à faire face au fort ralentissement anticipé de l’économie française, la crise énergétique et le choc d’inflation qui en découle (et peut-être un rebond de l’épidémie hivernale de Covid-19).

Ventilation et variation des dépenses publiques 2020-2023

Dépenses/Recettes publiques
en milliards €

2020

Var. 20-21

2021

Var. 21-22

2022 (a)

Var. 22-23

2023 (p)

Crédits d’impôts en dépenses

19

-3

16

0

16

0

16

Charge de la dette

30

5

35

11

46

-1

45

Mesures de crise pérennes (revalorisation)

   

10

10

5

15

Mesures de crises non-pérennes

60,3

26

86

-17

70

-10

60

Moindres dépenses de compensation des charges de SPE (service public de l’électricité)

0

-2

-2

-17

-18

-10

-28

Dépenses primaires (hors C.I. et mesures crise)

1 310

31

1 341

72

1 413

65

1 478

Total dépenses publiques

1 419

57

1 476

59

1 537

49

1 587

Dépenses primaires : dépenses publiques hors charge de la dette ; C.I. crédits d’impôts

Les mesures de crise non-pérennes retrouveraient « miraculeusement » leur niveau de 2020 soit 60 milliards €. Ce volume semble très minoré, de nouvelles annonces pourraient survenir en cours de gestion. Par ailleurs si les dépenses de chômage augmentent (ralentissement de l’activité économique), les dépenses de crise pourraient elles aussi augmenter sans doute de plus de 5 milliards €.

Enfin, s’agissant de la charge de la dette comme des dépenses primaires, là encore de nombreuses incertitudes existent, en lien avec une volatilité des taux d’intérêt liée aux annonces de la BCE, la budgétisation à 45 milliards € relève d’une projection du taux d’endettement à 10 ans à 2,6 % or il sera vraisemblablement compris entre 2,75 et 3 % en 2023 : la remontée plus rapide des taux de la BCE pourrait conduire à un renchérissement du service de la dette publique de l’ordre de 0,6 à 1 milliard € supplémentaires.

Idem s’agissant des dépenses hors charge de la dette (dépenses primaires) puisque même en dehors de toute reprise épidémique la sous-budgétisation des dépenses d’Assurance maladie (Ondam) pourrait accroître les déficits des administrations de Sécurité sociale de 10 à 15 milliards €. Rappelons que depuis 15 ans, et hors années de crise, l’écart de budgétisation a induit en moyenne une augmentation des dépenses publiques exécutées de près de 19,2 milliards € par an par rapport à la projection initiale.

Un angle mort, la « maîtrise » de la masse salariale publique

Un bon exemple des interrogations sur la volonté réelle de maîtrise de la dépense est l’absence de tout objectif en matière d’évolution de la masse salariale publique. Tout au plus est-il possible de consulter les chiffres prévisionnels attendus pour 2023 dans le cadre du projet de loi de finances.

La masse salariale publique n’est pas maîtrisée, +9,5 milliards entre 2022 et 2023

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Var. 23-22

Total

290,9

293,9

297,3

304,2

312,4

327,6

337,1

9,5

Total en % du PIB

12,7

12,4

12,2

13,2

12,5

12,4

12,2

-0,2

Source : Insee Comptes nationaux et RESF 2023.

La masse salariale publique serait contrainte par l’extension en année pleine de la revalorisation de 3,5 % du point de fonction publique auxquelles s’ajoutent les mesures additionnelles du Ségur de la Santé et la revalorisation des contractuels. D’autres éléments comme le vieillissement de la population en place et les nouvelles embauches dans les politiques publiques prioritaires (armée, justice, sécurité, enseignement, santé, dépendance, petite enfance, transports publics…) pourraient tirer la masse salariale vers le haut. L’évolution de la masse salariale est sans doute sous-estimée (supérieure à +3 %). L’absence d’indicateur programmatique jusqu’en 2027 suggère que le Gouvernement n’en fait qu’une variable d’ajustement, sans objectif clair en matière de maîtrise des effectifs. Qu’une baisse significative du PIB liée à l’entrée de l’économie française en récession en 2023 et l’évolution de la masse salariale en volume ne serait plus maîtrisée. L’absence de stratégie en matière de pilotage des effectifs et de la masse salariale publics, prive nos finances publiques d’un levier significatif de leur redressement.

La curieuse compensation des charges de service public de l'électricité

L'explosion du coût des énergies a conduit l'État à effectuer un prélèvement sur les tarifs subventionnés des producteurs à partir de 2021. Comptablement, l'État fait coup double puisqu'il passe ce prélèvement en recette tout en baissant en miroir les subventions en dépense. Ce tour de passe-passe améliore artificiellement le déficit public de 10 milliards € (0,3 point de PIB). Sur la compensation des charges de SPE, ceci est le résultat du prix de marché de l'électricité au-dessus des tarifs de rachat mais les producteurs peuvent dénoncer les contrats, donc cette situation n'est pas forcément pérenne. Et le prix de marché de l'électricité va-t-il continuer en 2023 à être si élevé, si on parvient à faire rebaisser le prix du gaz ?