Actualité

2022 : un déficit budgétaire creusé, des impôts qui explosent

Le dépôt par le Gouvernement du PLR (projet de loi de règlement) 2022 au Parlement a été l’occasion pour le Haut Conseil des finances publique (HCFP) de se prononcer sur l’exécution 2022 des comptes publics et spécifiquement ceux de l’Etat. Par ailleurs la Cour des comptes a rendu son rapport relatif au Budget de l’Etat en 2022 (résultats et gestion). Il en ressort que « la hausse des prélèvements obligatoires (…) a nettement excédé celle de l’activité » aboutissant à un taux de P.O. inédit de 45,3% du PIB, qui a lui seul explique une exécution du déficit plus basse qu’anticipé à -4,7% du PIB soit -124,9 milliards d’euros. Le HCFP relève également que les dépenses publiques n’ont pas ralenti depuis 2020 puisqu’aux dépenses d’urgence et de relance sont venue se substituer celles relatives à la lutte contre l’inflation. Alors que les recettes publiques représentaient en 2022 53,4% du PIB comme en 2018, les dépenses publiques sont elles 2,5 pts de PIB au-dessus (58,1% du PIB contre 55,6%), ce qui conduit naturellement à un déficit public significativement plus dégradé -4,7% contre -2,3% en 2018. Le Haut conseil relève par ailleurs « qu’une nette réduction du déficit structurel est nécessaire pour réduire l’exposition de la France à un risque d’insoutenabilité de sa dette »… ce qui invite le Gouvernement a prendre des mesures correctives importantes dès le PLF 2024, donc à « une action résolue sur la dépense publique. »

Un déficit structurel public beaucoup plus élevé qu’escompté à -4% du PIB

Le HCFP est malheureusement tenu par les textes de comparer cet ultime PLR 2022 à la dernière loi de programmation des finances publiques en vigueur (soit la LPFP 2018-2022). Elle est bien évidemment obsolète. La décomposition du déficit public n’a donc plus vraiment de sens notamment s’agissant du niveau de déficit structurel (hors conjoncture) existant en 2022. Heureusement en comparant avec la croissance potentielle actualisée figurant au sein des annexes budgétaire du PLF 2023 et du PLPFP 2023-2027 (non adopté), il est possible de reconstituer son véritable niveau :

 

2019

2020

2021

2022

Déficit public %

-3,1

-9,0

-6,5

-4,7

Déficit public en Mds €

-74,7

-208,2

-162,0

-124,9

Source : PLR 2022 et INSEE

Le solde public ressort à -124,9 milliards d’euros en 2022 (-4,7% du PIB), soit une contraction de -37,1 milliards d’euros et de -1,8 point de PIB par rapport à 2021. Cependant, le véritable solde structurel resterait fortement dégradé à -4% du PIB contre -3,4% comme affiché légalement par le HCFP. Un niveau légèrement meilleur de 0,2 point par rapport à l’estimation pour 2022 lors du PLF 2023.

 

2018

2019

2020

2021 calculs du Gvt

2021 avis HCFP

2022 calculs du Gvt

2022 avis HCFP

Déficit public %

-2,3

-3,1

-9,0

-6,5

-6,5

-4,7

-4,7

Déficit conjoncturel

0,0

0,4

-4,9

-1,9

-1,4

-1,2

-0,6

Mesures ponctuelles et temporaires

-0,1

-1,0

-2,8

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

Solde structurel

-2,2

-2,5

-1,3

-4,4

-5,0

-3,4

-4,0

Ajustement structurel

0,2

-0,3

1,2

-3,1

-3,7

1,0

1,0

Source : PLR 2022, HCFP avril 2022.

Ce déficit structurel ne serait en outre en repli de seulement 1 point de PIB par rapport à son niveau réel recalculé par le HCFP pour 2021, soit un déficit structurel de -5% du PIB. L’ajustement structurel serait en revanche identique, soit 1 point de PIB. Dans cette présentation, le déficit conjoncturel serait deux fois plus faible qu’affiché par le Gouvernement, soit -0,6 point de PIB contre -1,2 point officiellement en 2022. Avec un déficit structurel réel de 4% pour un déficit total de 4,7%, un ajustement substantiel des finances publiques est nécessaire dès 2023 en exécution et sans doute bien davantage en 2024. Pour rappel le déficit structurel attendu pour 2023 est de -4% du PIB[1]. Il n’y aurait donc aucune amélioration du déficit structurel entre 2022 et 2023 à date à moins d’une bonne surprise en exécution.

Un déficit de l’Etat très variable en fonction des comptabilités

Autre point d’intérêt le niveau exécuté du déficit de l’Etat pour 2022. Celui-ci serait en amélioration en comptabilité budgétaire de 19,3 milliards d’euros par rapport à 2021, mais en dégradation de -4,5 milliards d’euros en comptabilité nationale (la seule qui compte du point de vue Maastrichien) et également de -19,2 milliards d’euros par rapport à 2021 en comptabilité générale.

  

2019

2020

2021

2022

Var 2022-21

Comptabilités d'engagement

Solde de l'Etat % du PIB en comptabilité nationale

-3,5

-7,8

-5,7

-5,6

0,1

Solde de l'Etat en Mds € en comptabilité nationale

-85,7

-179,9

-142,4

-146,9

-4,5

Résultat patrimonial de l'Etat en comptabilité générale Mds €

-84,7

-165,7

-140,8

-160,0

-19,2

Comptabilité de caisse

Solde de l'Etat en Mds € en comptabilité budgétaire

-92,9

-178,1

-170,7

-151,4

19,3

Source : PLR 2022

Ces éléments ne sont pas neutres. En effet, cela témoigne du fait que l’amélioration affichée du solde budgétaire ne résulte pas d’efforts en gestion, mais seulement d’effort en paiement. La comptabilité budgétaire est une comptabilité de caisse, ce qui permet de reporter le paiement de certaines factures sur l’exercice suivant tout en reportant les crédits. En comptabilité générale (d’engagement), la situation est beaucoup moins favorable. La Cour des comptes montre ainsi qu’ «in fine, une part substantielle des crédits n’a pas été consommée (25 milliards d’euros) et des crédits sont à nouveau massivement reportés sur 2023 (18,7 milliards d’euros) » en comptabilité budgétaire, soit à peu de chose près les écarts que l’on constate entre les variations de solde en comptabilité budgétaire et générale entre 2021 et 2022, que l’on doit ajouter aux « restes à payer » soit +36,4 milliards d’euros par rapport à 2021.  Malheureusement, la direction du Budget ne détaille pas ces écarts entre comptabilité générale et budgétaire.

S’agissant maintenant de la clé de passage entre la comptabilité budgétaire et la comptabilité nationale s’agissant du solde de l’Etat en 2022, celle-ci fait intervenir plusieurs paramètres cumulatifs qui expliquent sa plus grande dégradation en comptabilité Maastrichienne :

  • Des mouvements améliorant le solde en comptabilité nationale, liée à des opérations budgétaires (qui creusent le déficit budgétaire) en opérations financières (neutres sur le solde en comptabilité nationales) : Augmentation de capital d’EDF, prises de participations et titres obligataires (7,2 milliards d’euros) ainsi que des actions d’Orano (0,6 Md€) compensés par des cessions (pour 2,1 milliards d’euros) ; des prêts accordés à des Etats étrangers, pour les aéroports, pour la filière Nickel en Nouvelle-Calédonie (etc.) ; enfin la dépense budgétaire relative à l’amortissement de la dette publique (via la Caisse de la dette publique) pour 1,9 milliards d’euros.
  • Des écarts en recettes et en dépenses liées à la méthode comptable : +3,7 milliards au titre des financements européens de France relance ; le traitement du CICE (+5,3 milliards), les livraisons d’armement à la livraison (+0,9 milliards), le décalage d’enregistrement des recettes fiscales (-0,4 milliard), le traitement du bouclier tarifaire etc.
  • Les autres opérations financières détériorent le solde de -10,6 milliards d’euros, dont la reprise de dette de SNCF réseau (-10 milliards), le relèvement du plafond de l’ARENH (-8,2 milliards) ; en sens inverse l’étalement des primes nettes des décotes passées (+5,3 milliards).
 

2019

2020

2021

2022

Var 2022-21

Solde de l'Etat en Mds € en comptabilité budgétaire

-92,9

-178,1

-170,7

-151,4

19,3

Opérations budgétaires traitées en opérations financières

-0,4

8,2

7,3

6,5

-0,8

Corrections de droits constatés

-3,4

5,8

17,1

8,6

-8,5

Opérations non budgétaires affectant le besoin de financement

10,6

-14,8

4,7

-10,6

-15,3

Solde de l'Etat en Mds € en comptabilité nationale

-85,7

-179,9

-142,4

-146,9

-4,5

Clé de passage CB ->CN

7,2

-1,8

28,3

4,5

-23,8

Source : PLR 2022

Une amélioration du solde budgétaire de l’Etat qui résulte d’une explosion des recettes

L’amélioration de 19,3 milliards d’euros entre 2021 et 2022 du solde budgétaire de l’Etat résulte avant tout d’une explosion des recettes du budget général (+29,8 milliards d’euros) qui viennent plus que compenser l’augmentation récurrente des dépenses du budget général (+18,9 milliards d’euros) :

 

2021

2022

var 22-21

Dépenses du budget général + PSR

496,5

512,9

16,5

Dépenses nettes du BG

426,7

445,7

18,9

PSR au profit de l'Union européenne

26,4

24,2

-2,1

PSR au profit des collectivités territoriales

43,4

43,0

-0,3

Recettes nettes du budget général

325,0

354,7

29,8

Recettes fiscales nettes du budget général

295,7

323,3

27,5

Recettes non fiscales du budget général

21,3

23,9

2,7

Fonds de concours et attributions de produits (ATP)

8,0

7,5

-0,5

Solde du budget général

-171,5

-158,2

13,3

Solde des budgets annexes

0,0

0,0

0,0

Solde des comptes spéciaux

0,8

6,7

5,9

Solde général

-170,7

-151,4

19,3

Source : PLR 2022

Cette explosion des recettes publiques perçues par l’Etat résulte d’abord de l’augmentation inédite des recettes fiscales (+27,5 milliards d’euros entre 2021 et 2022) et à un moindre titre des recettes non fiscales (+2,7 milliards) et hors BG des recettes des comptes spéciaux (+5,9 milliards d’euros).

 

2020

2021

Evolution spon-tanée

Mesures nouvelles de la LFI et antérieures

Mesures de périmètre et de transfert

Total (mesures)

2022

Recettes fiscales nettes (milliards d’euros)

256,0

295,7

35,7

-9,9

1,7

-8,2

323,3

Impôt net sur le revenu

74,0

78,7

11,2

-0,8

0,0

-0,8

89,0

Impôt net sur les sociétés

36,3

46,3

14,6

1,2

0,0

1,2

62,1

Taxe intérieure de consommation

sur les produits énergétiques nette

6,9

18,3

-0,2

0,0

-0,1

-0,1

18,0

Taxe sur la valeur ajoutée nette

113,8

95,5

8,7

-4,5

1,1

-3,4

100,8

Autres recettes fiscales nettes

25,0

56,9

1,5

-5,8

0,7

-5,1

53,4

Source : PLR 2022

En particulier, l’impôt sur le revenu avec le retard de la prise en compte de l’inflation sur les revenus 2022 (uniquement en 2023) a abouti à un rendement de +10 milliards d’euros, tandis que l’IS lui bénéficiait d’un rendement de 15,8 milliards d’euros. Un rendement historique qui pourrait ne pas se reproduire en 2023 (puisqu’il s’agissait d’imposer les profits recors engrangés à la suite du rebond de la croissance en 2021 et augmentés de la baisse des impôts de production[2]). Enfin une TVA qui malgré son affectation progressive à d’autres niveaux d’administration, dispose d’un rendement soutenu (+5,3 milliards d’euros pour l’Etat).

Mais des dépenses qui restent très dynamiques

Côté dépenses portées par le budget général, les augmentations entre 2021 et 2022 restent soutenues soit +18,9 milliards d’euros. Celles-ci se décomposent de la façon suivante :

 

2021

2022

var 22-21

Dépenses nettes du BG

426,7

445,7

18,9

Titre 1: Pouvoirs publics

1,0

1,0

0,0

Titre 2: Personnel

134,7

138,8

4,1

Titre 3: Fonctionnement

64,8

80,4

15,6

Titre 4: Charges de la dette

38,5

51,7

13,2

Titre 5: Investissement

16,1

17,0

0,9

Titre 6: Intervention

168,6

154,1

-14,5

Titre 7: Opérations financières

3,0

2,7

-0,3

Source : PLR 2022

On notera que les dépenses de personnel restent dynamiques avec +4,1 milliards d’euros notamment liées à la revalorisation du point de fonction publique dont +3,341 milliards hors CAS pensions (94,5 milliards de dépenses de rémunération). Cette augmentation résulte des mesures générales (pour 1,545 milliards, dont l’augmentation du point de fonction publique pour 1,356 milliards y compris budgets annexes), mais aussi de mesures catégorielles (+1,07 milliard dont 564 millions pour la seule Education nationale). Le GVT solde (mesurant l’effet noria des progressions de carrières dont on retranche le différentiel entre le coût des entrées et sorties) ressort à +378 millions d’euros, tandis que le schéma d’emploi (politique de recrutement) est négatif pour -127 millions d’euros[3].

Une baisse des plafonds d’emplois plus subie que choisie

La contribution du schéma d’emploi à la modération de la masse salariale (-127 millions d’euros) s’explique par une sous-exécution inédite des plafonds d’emplois « alors que la loi de finances initiale prévoyait une légère hausse des emplois de l’Etat, l’exercice 2022 a en réalité été marqué par une baisse des effectifs plus forte qu’en 2021 de -5.765 ETP contre -3.750 ETP en 2021 ». Or ces diminutions concernent d’abord le ministère de l’Education nationale qui prévoyait un accroissement des postes de +50 et qui in fine l’a exécuté à -4.424 ETP – à cause des démissions et des difficultés de recrutement[4] - et le ministère des armées de -1.018 ETP alors qu’on attendait une augmentation de 492 ETP. Soit :

Ministère (ETPT)

Plafond d'autorisation d'emploi 2022 (LFI+LFR)

Consommation d'emplois 2022

Vacance sous plafond 2022

 

Schéma d'emploi réalisé en 2022 (ETP)

Agriculture et alimentation

29 735

29 528

-207

 

38

Armées

271 372

266 777

-4 595

 

-1 018

Cohésion des territoires et relations

avec les collectivités territoriales

291

0

-291

 

0

Culture

9 434

9 241

-193

 

-15

Economie, finances et relance

127 049

124 741

-2 308

 

-1 624

Education nationale, jeunesse et sports

1 024 862

1 010 721

-14 141

 

-4 424

Enseignement supérieur, jeunesse et sports

5 311

5 212

-99

 

17

Europe et affaires étrangères

13 616

13 598

-18

 

-91

Intérieur

293 771

290 688

-3 083

 

822

Justice

91 358

90 223

-1 135

 

1 334

Outre-mer

5 744

5 186

-558

 

-908

Services du Premier ministre

9 801

9 524

-277

 

309

Solidarités et santé

5 005

5 029

24

 

151

Transformation et fonction publiques

433

395

-38

 

28

Transition écologique

35 649

35 332

-317

 

-307

Travail, emploi et insertion

7 961

7 731

-230

 

-78

Total budget général

1 931 392

1 903 926

-27 466

 

-5 765

Pilotage et ressources humaines

534

481

-53

 

-7

Soutien aux prestations de l'aviation civile

10 451

10 289

-162

 

-72

Total budgets annexes

10 985

10 770

-215

 

-79

Total général

1 942 377

1 914 696

-27 681

 

-5 844

Source : PLR 2022 retraitement Fondation ifrap avril 2023

Les dépenses de fonctionnement ont augmenté dans les mêmes proportions (+15,6 milliards d’euros) que les dépenses d’intervention ont diminué (-14,5 milliards d’euros). Les secondes en lien avec la baisse des mesures d’urgence et de relance, malgré les mesures anti-inflations décidées, les premières liées à diverses opérations de soutien à l’économie française mais surtout à des organismes publics ou des entreprises publiques en difficulté :

Missions du BG (Milliards d’euros)

2021

2022

var 22-21

Evol %

Economie

1,5

12,0

10,5

693,4%

Travail et emploi

3,7

5,7

2,0

54,7%

Engagements financiers de l'Etat

0,1

2,0

1,9

2502,4%

Défense

15,4

17,2

1,8

11,4%

Investir pour la France en 2030

1,1

1,8

0,7

66,4%

Recherche et enseignement supérieur

21,8

22,2

0,4

2,0%

Sécurités

2,3

2,7

0,4

19,0%

Plan de relance

1,3

0,5

-0,8

-59,8%

Plan d'urgence face à a crise sanitaire

1,0

0,2

-0,8

-81,3%

Aide publique au développement

1,5

0,2

-1,3

-84,7%

Autres

15,2

15,8

0,6

4,4%

Total

64,8

80,4

15,6

24,1%

Source : PLR 2022

On relève en particulier, la hausse du versement au CAS participations financières de l’Etat pour la renationalisation d’EDF (soit 10 milliards d’euros), mais aussi le versement d’une subvention exceptionnelle à France Compétence pour compenser son sous-financement structurel de 4 milliards d’euros, ce qui accroît les dépenses de fonctionnement de la mission travail de 2 milliards d’euros. L’amortissement de la dette de l’Etat via l’abondement de la Caisse de la dette publique (CDP) augmente les engagements financiers de l’Etat de 1,9 milliard d’euros. Les dépenses de fonctionnement du Ministère de la Défense s’explique par « le maintien en conditions opérationnelles des matériels » suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. Enfin les crédits en hausse des missions Recherche et enseignement supérieur et Sécurités, résulte des lois de programmation en cours (LPR et LOPMI).

Explosion de la charge de la dette de l’Etat

S’agissant du service de sa dette, l’Etat a augmenté ses crédits de près de +13,2 milliards d’euros en 2022 à 51,7 milliards d’euros. Cette augmentation résulte d’un effet volume de la dette soit +1,3 milliard d’euros, un effet inflation de +11,9 milliards[5] et un effet des taux d’intérêt qui est encore nul pour 2022 (mais devrait monter en puissance à compter de 2023). Par ailleurs le coût de la dette devrait rapidement remonter dans la mesure où 75% des titres émis en 2022 soit près de 214 milliards d’euros brut des rachats (voir infra), « arriveront à maturité d’ici 10 ans (2032) ». Relevons par ailleurs que l’AFT a émis en 2022 pour 25,4 milliards de titres indexés contre 23,6 milliards en 2021.

La Cour relève par ailleurs que « la très forte croissance du volume de la dette de l’Etat depuis 2008 renforce de façon marquée la sensibilité de cette dernière aux mouvements de taux ». A cet égard désormais un choc supplémentaire de 1% sur l’ensemble de la courbe de taux aboutirait à un surcoût annuel de +15 milliards sur la charge de la dette Maastrichienne à horizon 5 ans et de +31,4 milliards à horizon 10 ans.

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

 

Besoin de financement

Amortissement brut de la dette à moyen long termes

143,2

147

175,8

165,6

143,4

172

Amortissement anticipé de la dette

28

30,4

45,6

29,5

25,1

26,2

Amortissement de la dette à moyen et long termes

115,2

116,6

130,2

136,1

118,3

145,8

dont remboursement du nominal à valeur faciale

112,8

115,9

128,9

130,5

117,5

140,8

dont remboursement d'indexation versé à

échéance sur titres indexés

2,4

0,7

1,3

5,6

0,8

5

Amortissement de la dette reprise par SNCF Réseau

0

0

0

1,7

1,3

3

Amortissement des autres dettes reprises

0

0

0

0,5

0

0

Déficit budgétaire

67,7

76,1

92,7

178,1

170,7

151,5

Autres besoins de trésorerie

0,3

-0,7

-2,4

-6,9

-5,1

-20,2

Total besoin de financement brut

211,2

222,4

266,1

339,0

310,3

306,3

Total besoin de financement net des rachats anticipés

183,2

192,0

220,5

309,5

285,2

280,0

 

Ressources de financement

Emissions brutes à moyen long termes

213

225,4

245,6

289,5

285,1

286,2

Emissions de dette à MLT nettes des rachats

185

195

200

260

260

260

Ressources affectées à la

Caisse de la dette publique et consacrée au désendettement

0

0

0

0

0

1,9

Variation nette de l'encours des titres d'Etat à court terme

-7,5

-13,6

-6

54,7

-6,2

-6,9

Variation des dépôts des correspondants

4,7

9,9

11,5

27,8

18,7

1,2

Variation des disponibilités du

Trésor à la Banque de France et

des placements de trésorerie de l'Etat

-9,2

-11,1

-5,7

-63,4

-4,4

35,2

Autres ressources de trésorerie

10

11,8

20,6

30,4

17,2

-11,4

Total ressources de financement brutes

211,2

222,4

266,1

339,0

310,4

306,3

Total ressources de financement nettes des rachats

183,2

192,0

220,5

309,5

285,2

280,0

Source : PLR 2022 retraitement Fondation ifrap avril 2023, selon la méthodologie de la Cour des comptes 2020[6]

Il est à noter que les amortissements anticipés de dette publique sont restés encore une fois contenus en 2022 (26,2 milliards d’euros), notamment à cause du déficit budgétaire à financer qui est toujours très élevé. Pour y parvenir l’AFT a dû mobiliser pour 286,2 milliards d’euros d’émission de dette à moyen long terme (MLT), soit significativement plus que les 260 milliards nets des rachats affichés. Précisons que les autres besoins de trésorerie sont constitués par les provisions pour indexation qui ne sont pas encore décaissées (-20,2 milliards d’euros), tandis que les autres ressources de trésorerie (-11,4 milliards) sont constitués du solde des primes et décotes qui désormais voient les décotes prédominer (décotes nettes des primes), liées à la remontée des taux.

Conclusion

La situation de nos finances publiques est préoccupante, l’exécution 2022 à -151,4 milliards d’euros en comptabilité budgétaire soit en retrait par rapport aux lois de finances rectificatives ne constitue pas nécessairement une bonne nouvelle en termes de gestion des finances publiques. En effet des points d’attentions ont bien été mis en évidence par la Cour et le Haut Conseil :

  • Une masse salariale peu maîtrisée qui dérape encore largement malgré un schéma d’emploi sous-exécuté ;
  • Une charge de la dette publique préoccupante notamment parce qu’en 2022 celle-ci n’intègre pas encore l’effet de relèvement progressif des taux d’intérêt ;
  • Des dépenses de fonctionnement « gonflées » par des mesures prioritaires de renflouement de divers opérateurs publics ou privés et la montée en puissance des lois de programmation sectorielles ;
  • Des dépenses d’intervention toujours très hautes à cause des mesures anti-inflation qui viennent prendre le relai des mesures d’urgence et de relance liées à la crise sanitaire ;
  • La mise en place de réserve de précaution sauvages dans la mesure où se constitue par report de crédits « des enveloppes budgétaires globales mobilisables à tout moment », dont la nature s’aggrave même puisque « ces enveloppes ne sont désormais plus identifiées au sein de missions budgétaires spécifiques (…) mais sont diffuses au sein de l’ensemble du budget général, voir de certains comptes spéciaux ».

En toute rigueur il importe donc de :

  • Reconstituer des marges de manœuvres budgétaires identifiables via la reconstitution de réserves de précautions (ministérielles et interministérielles) ; Cette approche pourrait permettre de rendre plus crédible la norme de dépenses pilotables de l’Etat et la future norme intitulée « périmètre des dépenses de l’Etat » qui n’a pas encore été instituée faute d’adoption du PLPFP 2023-2027.
  • S’assurer d’une trajectoire des finances publiques opposable, ce qui suppose de voter à bref délai une fois présentée le Programme de stabilité (Pstab 2023-2027) une nouvelle loi de programmation, au plus tard en septembre 2023 ;
  • Réduire en priorité le déficit budgétaire de l’Etat de façon à disposer de marges de manœuvre permettant de d’augmenter les amortissements anticipés de dette au moins au niveau atteint en 2019 (soit 45,6 milliards d’euros) afin de faire face au renouvellement très rapide de la dette dans les années à venir (50% de la dette à moyen long termes de l’Etat doit avoir été remboursée avant 2028, 74% d’ici 2032 et près de 87% d’ici 2037). « En volume et en incluant les titres court termes, le montant à rembourser d’ici dix ans est de plus de 1.700 milliards d’euros. »
  • Être attentif au suivi de l’indexation des titres de dette, recommandation que nous formulons depuis bientôt 4 ans et à laquelle la Cour des comptes semble sensible désormais.

[1] https://www.hcfp.fr/sites/default/files/2022-09/Avis%20PLF-PLFSS%202023%20-21-09-2022%20-sign%C3%A9_0.pdf

[2] Occasionnant des effets de retour d’IS significatifs.

[3] Les autres mesures de rebasage/débasage représentent un solde de +476 millions d’euros.

[4] https://acteurspublics.fr/articles/en-2022-letat-a-fait-face-a-une-chute-inattendue-du-nombre-de-fonctionnaires? 

[5] Il s’agit du différentiel d’inflation, car la charge d’indexation s’élève à 15,5 milliards d’euros en comptabilité budgétaire pour 2022. Voir la NEB associée, Compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l’Etat ».

[6] Voir société civile, n°221, p5 https://www.ifrap.org/sites/default/files/publications/fichiers/etude_ifrap_dette_publique_2021_1.pdf#page=5 et AFT, publications au 1er janvier n+1, du bulletin, pour 2022, n°392 https://www.aft.gouv.fr/files/medias-aft/7_Publications/7.2_BM/392_Bulletin%20mensuel%20janvier%202023.pdf