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DOM : Martinique, la voie de l'autonomie est ouverte

Lors de son discours le 26 juin 2009 à l'aéroport de Fort-de-France, le Président de la République Nicolas Sarkozy a évoqué l'évolution institutionnelle de la Martinique vers davantage d'autonomie : « J'ai l'intention de consulter les Martiniquais sur l'évolution institutionnelle de leur territoire, comme la Constitution m'y autorise. », sans pour autant céder aux sirènes hexagonales prônant l'indépendance : « Tant que je serai président de la République, la question de l'indépendance de la Martinique ne sera pas posée. ».

Cette dynamique se place dans le droit fil des recommandations de l'iFRAP concernant les départements d'outre-mer. Si le référendum qui devrait intervenir soit à la fin 2009, soit après les élections régionales de 2010, confirme l'évolution statutaire de l'île, celle-ci quitterait le giron de l'article 73 de la constitution soumis au principe de « l'assimilation législative » avec la métropole (comme tous les DOM), pour devenir une COM (collectivité d'outre-mer) de plein exercice, gérée par les articles 74 ou 75 de la constitution (relatifs respectivement aux TOM (territoires d'outre-mer) et aux POM (pays d'outre-mer)) et bénéficiant de degrés d'autonomie différenciés y compris sur le plan fiscal. Une évolution qui déboucherait alors sur la possibilité (cas notamment de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie Française ou de Walis et Futuna) de jouir d'une véritable autonomie fiscale.

La dynamique enclenchée dans le cadre des Etats généraux de l'outre-mer est donc tout à fait vertueuse sur le plan des dépenses publiques. En effet, un système d'autonomie fiscale est un premier pas dans la direction d'une responsabilisation accrue des élus sur le plan des dépenses publiques et d'une baisse tendancielle des transferts financiers du budget général de l'Etat. Cependant la Guadeloupe, avec sa situation insulaire particulièrement agitée, ne bénéficiera pas d'une mesure analogue dans un proche avenir. Quant à la Réunion et la Guyane, le sujet n'a même pas été évoqué.
Une dynamique qu'il faudra néanmoins suivre de concert avec l'évolution institutionnelle de Saint-Barthélemy et Saint-Martin autrefois rattachés administrativement à la Guadeloupe et désormais TOM à part entière depuis le 1er janvier 2009. Une évolution budgétaire vertueuse en partie compensée par Mayotte qui deviendra un DOM (à l'issue du référendum du 29 mars dernier) de plein exercice à partir de 2011. Mais afin de bien comprendre les marges de manœuvre qui pourraient être dégagées à la suite d'une autonomie fiscale et donc budgétaire accrue de l'outre-mer il faut se pencher sur les transferts de l'Etat en direction de ces territoires. Le clivage DOM/COM dans la répartition des transferts est sur ce point éclairant :

Dire que la métropole met « sous perfusion » l'outre-mer est particulièrement juste si l'on regarde de près les circuits de financement. Ceux-ci sont instructifs :

Tableau synthétique des financements de l'outre-mer (en milliers d'€)
Exercices20082009Variation 2008-2009
Crédits budgétairesAutorisation d'engagementcrédits de paiementAutorisation d'engagementCrédits de paiementVariation 2008-2009 en AEVariation 2008-2009 en CP
Crédits consacrés à la politique transversale Outre-mer 8 512 772 8 509 635 8 826 854 8 764 248 3,70% 3%
Crédits consacrés aux dépenses régaliennes en Outre-mer 4 480 974 4 478 449 4 453 169 4 502 818 -0,62% 0,54%
Total des crédits dépensés 12 993 746 12 988 084 13 279 423 13 267 066 2,20% 2,15%
Dépenses fiscales 2 674 000 3 315 000 23,97%
Total budgétaire 15 667 746 15 662 084 16 594 423 16 582 066 5,90% 5,87%
Aides supplémentaires en réponse à la crise 847 900
Grand total 2009 17 429 966

En 2009, le budget consacré à l'outre-mer, apprécié de manière transversale représente pas moins de 17,43 milliards d'€. Il comprend non seulement le budget de la mission outre-mer, soit 1,88 milliard, auquel s'ajoute l'ensemble des programmes du budget de l'Etat consacrés aux DOM/TOM ce qui représente une dépense supplémentaire de 6,88 milliards d'€. S'y superposent également les crédits relatifs aux dépenses régaliennes en direction de ces territoires soit 4,502 milliards, ainsi que les niches fiscales ultramarines soit 3,315 milliards ainsi que les aides supplémentaires en réponse à la crise pour un montant exceptionnel de 847,9 millions d'€.

Le volume de ces transferts est donc très important, d'autant que leur progression (les récents évènements d'avril dans les DOM rallongeant l'enveloppe de 48,4 millions d'€) est particulièrement rapide : par rapport à 2008, les crédits budgétaires progressent entre 3 et 3,4% (si l'on considère le budget 2008 de règlement), tandis que les crédits de la mission outre-mer progressent de 16%. Le volume des dépenses fiscales explose. Entre 2008 et 2009, les niches pourtant limitées en montant et en volume par contribuable de façon globale et individuelle, passent de 2,67 milliards à 3,315 milliards soit une augmentation de près de 24% [1]. Ceci porte le budget de l'outre-mer hors plan de relance à croître en volume de 5,87%. Un record absolu.

- Parmi les postes qui croissent le plus vite, on peut citer : les crédits à l'aménagement du territoire (+34,1%), les crédits de soutien aux entreprises, +21% par rapport à 2008, l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle (+8,7%), les crédits affectés aux logements (+4,5%), aux collectivités territoriales (223 millions d'€ soit une croissance de 3,2%). L'Etat dépense donc sans compter pour son outre-mer, et tout particulièrement dans les entreprises et dans le secteur « social ». La pertinence de ces choix peut porter interrogation. En effet, les économies d'outre-mer sont caractérisées par un arsenal fiscal dérogatoire pour tenter de compenser leurs caractéristiques géographiques et locales (insularité, fort éloignement de la métropole), tandis que le secteur non-marchand (administrations) se distingue par son hypertrophie () et génère d'importantes dépenses d'assistanat.

- Si maintenant nous observons les dotations de l'Etat par collectivités, nous constatons un chassé croisé des transferts en direction des DOM et des COM. Les COM qui jouissent d'un statut d'autonomie plus important et du produit de leur propre fiscalité locale, voient leurs dotations baisser globalement de -3,96%, tandis que les DOM progressent eux globalement de 3,58%. En leur sein, c'est la Martinique et la Guadeloupe qui se taillent la part du lion, + 4,37 et 5,83%. Deux enseignements peuvent en être tirés :
- D'une part, l'autonomie fiscale profite immédiatement aux collectivités qui y sont soumises en développant leur responsabilisation en matière de dépenses publiques. Même si des progrès sont toujours à réaliser, les effets produits se vérifient au niveau des transferts en provenance du budget de l'Etat.
- D'autre part, plus le climat social de la collectivité concernée est délétère, plus elle parvient à arracher de subsides de l'Etat.

ventilation des crédits totaux Outre-mer hors dépenses fiscalesGuadeloupeMartiniqueGuyaneRéunionCOMplusMarge des crédits non répartiscoût de gestion des services métropolitains
Répartition par DOM/COM de l'ensemble des crédits dépensés hors dépenses fiscales 2008 2 360 586 1 743 880 1 103 373 3 921 425 3 493 338 DOM 269 368 96 114
COM 33 065 29 298
Total partiel 302 433 125 412
Répartition par DOM/COM de l'ensemble des crédits dépensés hors dépenses fiscales 2009 2 463 770 1 845 561 1 094 872 4 052 203 3 355 287 DOM 359 599 95 815
COM 30 027 31 358
Total partiel 389 626 127 173
Variation des crédits 2008-2009 +4,37% +5,83% -0,77% +3,33% -3,95 variation du total partiel +28,80% +1,40%

D'ailleurs de son côté, l'Etat n'est pas en reste. Les marges de crédits non répartis donc les « réserves » du ministère sont en hausse de 28,80% avec 389,6 millions d'€. Les coûts d'administration centrale eux sont relativement stables puisqu'ils ne progressent que de 1,40%.

Tout porte donc à croire que le passage de DOM à COM est loin d'être anodin sur le plan des finances publiques. Une plus grande responsabilisation des élus, désormais pleinement comptables de leur fiscalité et de l'attractivité de leur territoire est un facteur positif pour permettre de donner à ces territoires la croissance équilibrée à laquelle ils aspirent. Les corollaires à cette évolution résideront dans une dynamisation du secteur privé et une réduction importante des effectifs de leur secteur public. Une bonne nouvelle qui devrait dans un premier temps permettre une stabilisation des transferts publics de l'Etat envers l'outre-mer, avant leur réduction. Souhaitons que le référendum Martiniquais à venir confirme définitivement cette tendance, à l'image du statut actuel des Overseas Territories britanniques.

[1] Une croissance de 17,4% « seulement », si l'on retient les nouvelles évaluations des niches 2008 au sein du PLF 2009 mais le calcul du volume de celles-ci a été sensiblement modifié entre les deux PLF afin de faire baisser l'affichage des dépenses (effet de périmètre).