L’attaque de Romans-sur-Isère doit nous rappeler que même en période de crise sanitaire, les questions de sécurité restent un enjeu majeur de politique publique pour les Français. Le livre blanc de la sécurité intérieure devait justement être rendu public avec pour objectif de « nous adapter, avoir un temps d’avance sur la délinquance et fonder la sécurité du XXIe siècle, pleinement en phase avec notre société, pleinement protectrice des Français » selon les termes du ministre de l’Intérieur1 face à de nouvelles menaces (terrorisme islamiste, violence banalisée, ordre public mis en cause, transformation de la délinquance, risque cyber, urgence climatique, qui impose la gestion de crises).

Tout cela requiert des investissements massifs, nationaux et locaux. Or le budget de la mission « sécurité » accorde une part beaucoup trop faible à l’investissement. On constate qu’année après année, les dépenses de personnel augmentent inexorablement, de près de 30% depuis 10 ans, quand les dépenses de fonctionnement et d’investissement ne croissent que de seulement 8%. S’agissant des investissements, ces derniers deviennent progressivement insuffisants pour assurer l’appui matériel des forces actives. Très prosaïquement on constate aujourd’hui qu’il manque par exemple 40 millions d’euros pour assurer le renouvellement des flottes de véhicules. On mesure le retard pris pour envisager de nouveaux outils plus modernes comme le développement de la vidéosurveillance ou l’usage de l’intelligence artificielle.

Il apparaît ainsi qu’en augmentant rapidement les effectifs des forces de sécurité, le gouvernement cannibalise les autres dépenses, déséquilibrant le budget dédié. D’où l’importance de rééquilibrer ces arbitrages dans le cadre du livre blanc et de la loi de sécurité intérieure qui devraient être publiés d’ici l’automne.

Cependant, des marges d’économies et de redéploiement sont possibles, à condition de ne pas laisser en suspend trois chantiers centraux de cet ensemble « sécurité/justice » dont les deux derniers se posent avec plus d’acuité en cette période de pandémie : la question de l’évolution de la préfecture de police de Paris (PPP), celle de l’asile et immigration et des reconduites effectives aux frontières, enfin la validité de la programmation pénitentiaire et l’effectivité de l’encellulement individuel.

  • La préfecture de police de Paris : 42.000 agents dont 27.000 policiers (20% des effectifs de la police nationale) ;
  • Une administration à l'attractivité en baisse et dont les effectifs sont trop éloignés du terrain ;
  • Un budget opaque et éclaté de près de 2,8 milliards d'euros financé par l'État et les collectivités locales parisiennes ;
  • Des performances en baisse dans la filière investigation ; des défis croissants pour la filière ordre public ;
  • Asile et immigration : des chiffres mal connus, un sous-dimensionnement budgétaire et des crédits éclatés entre de nombreuses missions ministérielles ;
  • Pénitentiaire : une sous-capacité carcérale chronique, un plan d'investissement est nécessaire pour parvenir à 88.000 places d'ici 15 ans.