Le président de la République s'était engagé pendant la campagne présidentielle à faire que la France retrouve le plein emploi d'ici 5 ans. Cet objectif ambitieux doit passer par un ensemble de réformes qui comprennent l'adaptation de l'assurance chômage, la réorganisation des services autour d'un guichet unique dénommé « France Travail » ainsi qu'une réforme du RSA.

Ces évolutions sont nécessaires. La situation sur le front du chômage s'est certes améliorée depuis 2020 avec un taux de chômage qui atteignait 7,1 % au 2e trimestre 2022 selon Eurostat. Mais il est nettement plus élevé qu'en Allemagne (3 %), au Danemark (4 %) ou au Pays-Bas (3,3 %).

De plus, cet indicateur passe sous silence la question du halo du chômage, c'est-à-dire les individus inactifs qui ne sont pas comptés comme chômeurs mais qui souhaitent travailler : le halo du chômage se situe à 4 % en France contre 2,6 % en Allemagne ou au Danemark.

Cette situation n’est pas tenable dans le contexte actuel de pénurie de main d’œuvre que nous connaissons : 3 millions d’offres d’emploi sont à pourvoir selon Pôle emploi. Les ministres de l’Économie et du Travail souhaitent en tirer les conséquences et durcir les règles d'indemnisation et renforcer le contrôle des chômeurs.

Pour y parvenir, le gouvernement peut s'inspirer de ce qui a été mis en place en Allemagne comme dans d’autres pays d'Europe : une politique d'accompagnement pour un retour à l'emploi inspirée d'une logique de « droits et devoirs ». C’est dans cet esprit qu’il faut revoir les conditions de l’assurance chômage et du RSA, afin de remettre la France au travail, alors qu'une majorité de Français estime que notre modèle social a trop d'effets pervers.

  • Sur les différents paramètres d’indemnisation de l’assurance chômage (éligibilité, durée d’indemnisation, plafond d’indemnisation) la France est plus généreuse que les autres pays comparés. Il faut poursuivre la réforme de l'assurance chômage :
  1. Diminuer la durée d'indemnisation pour converger progressivement sur la durée d'indemnisation en Allemagne, 12 mois pour les moins de 50 ans ;
  2. Calculer le taux d’indemnisation sur le salaire net et non sur le salaire brut ;
  3. En matière de sanctions, durcir les conditions en cas de refus d’offres d’emploi et ce dès le 1er refus.
  • Le RSA est un système à bout de souffle. Pour assurer le retour à l'emploi :
  1. Renforcer le suivi statistiques des bénéficiaires du RSA par les départements ;
  2. Systématiser les contrats d'accompagnement ;
  3. Mettre en oeuvre des sanctions dès le 1er manquement.

I. Le constat d'un chômage persistant

La comparaison européenne du taux de chômage tourne nettement au désavantage de la France. Le taux de chômage français est près de deux fois supérieur à celui des Pays-Bas, du Royaume-Uni, du Danemark et de l’Allemagne. Idem pour le taux d’emploi, où l’on constate cette même hégémonie nordique.

Près de 2 millions de personnes dans le halo du chômage

Lorsque les gouvernements successifs présentent les chiffres du chômage, ils évoquent rarement le « halo du chômage ». L’Insee départage ce halo en trois composantes : les personnes souhaitant travailler qui recherchent activement un emploi mais ne sont pas disponibles sous deux semaines, celles qui sont disponibles mais ne recherchent pas activement un emploi et enfin celles qui ne sont ni disponibles ni en recherche active. Le profil des personnes au sein du halo du chômage est proche de celles au chômage, surtout des jeunes et sous-diplômés. Il s’agit de catégories sociales susceptibles de se retrouver dans une situation difficilement conciliable avec un emploi (études, maternité, personne à charge, invalidité…). Une mère de famille qui souhaite travailler mais renonce à rechercher un emploi faute d’alternative pour faire garder son enfant sera comptabilisée dans le halo du chômage.

Le halo du chômage a augmenté de 600 000 personnes entre 2008 et 2020, pour atteindre plus de 2 millions de personnes lors de la crise sanitaire. Selon l’Insee, le halo du chômage concerne dorénavant 1,883 million de personnes et représente 4,5 % des 15-64 ans. Ajouter le halo du chômage au chômage fait grimper à 12,8 % la part de la population active élargie souhaitant travailler mais sans emploi (au sens de l'Insee). Dernier élément à prendre en compte dans cette photographie du marché du travail, le sous-emploi. Celui-ci comprend les personnes actives occupées au sens du BIT qui remplissent l'une des conditions suivantes : elles travaillent à temps partiel, souhaitent travailler davantage et sont disponibles pour le faire, qu'elles recherchent activement un emploi ou non. Ou elles travaillent à temps complet, mais ont travaillé moins que d'habitude pendant une semaine de référence en raison de chômage partiel (chômage technique ou mauvais temps). Avec 1,3 million de personnes dans cette catégorie, la voie vers le plein emploi est encore loin.

Des aides de retour à l’emploi élevées

Les dépenses d'assurance chômage en 2019 ont représenté 41,1 milliards € au profit de 2,6 millions de personnes1, somme alors équivalente à 1,7 % du PIB français, alors que la moyenne OCDE est à 0,6 %. D'autres aides pour les personnes éloignées de l’emploi, peuvent prendre le relais ou s’ajouter à l’assurance chômage. Les principales prestations de solidarité sont le RSA (11,7 milliards2) et la prime d’activité (9,8 milliards3), représentant 21,5 milliards € de dépenses en 2019, soit 0,9 % du PIB. Pris au sens large, la France est un des pays qui dépense le plus pour les aides au retour à l'emploi.

Poids budgétaire des aides de retour à l’emploi en points de PIB en 2019

II. Assurance chômage : quelle responsabilisation pour quelle efficacité ?

Assurance chômage : comparaison des paramètres d’indemnisation (au 20 juillet 2022)

 

Conditions d’éligibilité

Durée d’indemnisation

Montant de l’indemnisation

Plafond de l’indemnisation

France

6 mois de cotisation sur les 24 derniers mois

6 à 24 mois pour les moins de 53 ans***

57 % du salaire journalier de référence plafonné à 13 712 €

7 708 €

Allemagne

12 mois de cotisation sur les 30 derniers mois

Entre 6 et 12 mois pour les moins de 50 ans**

Entre 60 et 67 % du salaire de référence plafonné à 6 700 € (7 100 € anciens Länder)

3 019,50 € dans les anciens Länder ;

2 918,40 € dans les nouveaux Länder

Pays-Bas

26 semaines de cotisation au cours des 38 semaines précédentes

Entre 3 et 24 mois selon la durée de cotisation

75 % du revenu de référence les deux premiers mois, puis 70 %

3 735 €

Danemark

1 an d’affiliation à une caisse d’assurance chômage et justification d’un revenu d’au moins 33 203 €* sur les trois dernières années

Jusqu’à 2 ans sur une période de 3 ans

90 % du salaire de référence

2 600 €*

Royaume-Uni

7 150 € de cotisations minimales au cours des deux dernières années fiscales complètes

182 jours

89 € par semaine*

Montant forfaitaire égal pour tous

*Taux de conversion au 8 septembre 2022 ; ** : 15 mois pour les demandeurs d’emploi âgés de 50 ans et plus, 18 mois pour les demandeurs d’emploi âgés de 55 ans et plus, 24 mois pour les demandeurs d’emploi âgés de 58 ans et plus ; *** : 30 mois pour les demandeurs d’emploi âgés de 53 et 54 ans, 36 mois pour les demandeurs d’emploi de 55 ans et plus.

Plusieurs différences émergent lorsque l’on compare les paramètres des modèles d’assurance chômage en Europe :

  • Depuis l’allongement de la durée minimum d’affiliation de 4 à 6 mois en 2019, le ratio d’éligibilité français (rapport entre durée minimum d’affiliation et période de calcul) a augmenté à 0,25, mais reste toutefois inférieur à celui de ses voisins : 0,4 en Allemagne et 0,72 aux Pays-Bas par exemple. La France se situe dans la fourchette basse concernant l’exigence des conditions d’éligibilité.
  • Pour la durée d’indemnisation, la France est avec 24 mois, dans le haut du panier, à un niveau certes équivalent des durées danoises et néerlandaises, mais au moins deux fois supérieur à la Finlande, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
  • Avec une indemnisation brute entre 57 % et 75 % du salaire de référence, la France se situe plutôt en haut de classement parmi les autres pays d'Europe. À noter : les Pays-Bas, la Suède et l’Espagne disposent d’allocations dégressives.
  • Si le plafond d’indemnisation (7 708 €) est plus élevé en France, cette tranche concerne très peu de bénéficiaires et est « rentable » pour l’Unédic.
  • Enfin, alors que les sanctions encourues par les bénéficiaires en cas de manquements sont théoriquement similaires, la France se place loin derrière ses voisins européens en matière d’obligation de recherche active d’emploi et surtout dans la mise en place effective des sanctions.

Les propositions de la Fondation iFRAP 

  • Calculer le taux d’indemnisation sur le salaire net et non plus le salaire brut permettrait d’économiser 4 milliards € par an selon les calculs de l’iFRAP. Pour garantir une mesure juste, il s’agira de conserver un taux de remplacement haut à 75 % pour les plus faibles rémunérations et de 50 % pour les plus élevées.
  • Réduire progressivement l’indemnisation à 12 mois pour les moins de 50 ans, et pour les chômeurs seniors, revenir à 24 mois.

Taux de remplacement : la France dans la moyenne

Comparaison du taux de remplacement en Europe (2021)

Données : OCDE ; en % du revenu pour des revenus antérieurs représentant les 2/3 du salaire moyen après 12 mois de chômage, 2021 ou dernières données disponibles

D'après l'OCDE, un an après l’entrée au chômage, pour le cas d’une personne célibataire sans enfant dont le revenu précédant la période de chômage s’élevait à 67 % du salaire moyen, le taux de remplacement en France est de 65%. Un nouveau mode de calcul de l'indemnité chômage est applicable depuis octobre 2021. Est pris en compte le salaire mensuel moyen dans le taux de remplacement alors qu'auparavant, seuls les jours travaillés étaient retenus. Cette formule est donc moins favorable et doit permettre de lutter contre la "permittence".

Pour une gestion contracyclique de l’assurance chômage

Mais pour aller plus loin, il est nécessaire d'adopter une gestion contracyclique des dépenses. À ce sujet, l’économiste Pierre Cahuc estime nécessaire « d’améliorer l’indemnisation lors des phases basses du cycle économique et de réduire le niveau d’indemnisation quand ça repart car il est plus facile de trouver un emploi »4. Il faut reprendre en main les comptes de l’Unédic, en regardant ce qui se fait notamment au Canada et aux États-Unis. Ces deux pays proposent des taux de remplacement nets relativement faibles en temps normal, et qui grâce à cette rigueur peuvent immédiatement s’adapter en cas de récession et rehausser les aides. Lors d’un entretien au Parisien le 26 juillet 2022, le ministre du Travail, du Plein-emploi et de l’Insertion, Olivier Dussopt, a révélé les contours de la future réforme de l’Assurance chômage, qui s’inspirera du modèle canadien. Il ne s’agirait pas de faire évoluer le montant des indemnités chômage en fonction de la situation sur le marché du travail, mais la durée maximale d’indemnisation (de 24 mois actuellement) ou les conditions d’éligibilité à une indemnité (actuellement, il faut avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois pour ouvrir un droit au chômage). La Fondation propose qu'à cette occasion la durée d'indemnisation converge sur le modèle allemand à savoir 12 mois pour les moins de 50 ans.

L’injustice de la dégressivité de l’indemnisation des cadres

Mesure suspendue pendant plus d’un an en raison de l’instabilité sanitaire et économique, la dégressivité de l’allocation-chômage de 30 % à partir du 9e mois pour les bénéficiaires de moins de 57 ans ayant un revenu antérieur supérieur à 4 500 € bruts par mois a été rétablie le 1er juillet 2021. Or, cette catégorie sociale est celle qui participe le plus au financement de l’Unédic : les cadres constituent 42 % des cotisations à l’assurance chômage et en profitent à hauteur de 15 % du total des allocations. Cette mesure représente une « rupture d’égalité » car ciblant une part isolée d’allocataires. Or, les autres pays européens ayant plafonné les droits au chômage ont non seulement diminué les cotisations associées et appliquent la dégressivité à tous les demandeurs d’emploi, et pas uniquement aux cadres5. Si la France veut s'inspirer de ce mouvement, il vaudrait mieux baisser les cotisations (part employeur) ou le plafond (actuellement 4 PASS).

Quelles sanctions ?

Assurance chômage : comparaison des sanctions selon les manquements (au 20 juillet 2022)

 

France

Allemagne*

Royaume-Uni

Finlande

1er refus d’offre d’emploi convenable ou de formation professionnelle

Pas de sanction

Suspension de l’allocation pour 3 semaines

Suspension de l’allocation pour 3 mois

Suspension de l’allocation pour 2 mois

2e refus d’offre d’emploi ou de formation

Suspension de l’allocation pour 1 mois

Suspension de l’allocation pour 6 semaines

Suspension de l’allocation pour 6 mois

Suspension de l’allocation pour 2 mois

3e refus d’offre d’emploi ou de formation

Suspension de l’allocation pour 2 mois

Suspension de l’allocation pour 3 mois

Fermeture des droits

Suspension de l’allocation pour 2 mois

> 3 refus d’offre d’emploi convenable ou de formation

Suspension de l’allocation pour 4 mois

Fermeture des droits

Fermeture des droits

Suspension de l’allocation pour 2 mois

Absence à une convocation de l’agence pour l’emploi n°1

Suspension de l’allocation pour 1 mois

Suspension de l’allocation pour 1 semaine

Suspension de l’allocation pour 1 semaine

Suspension de l’allocation pour 3 semaines

Absence à une convocation n°2

Suspension de l’allocation pour 2 mois

Suspension de l’allocation pour 1 semaine

Suspension de l’allocation pour 2 semaines

Suspension de l’allocation pour 3 semaines

Recherche d’emploi insuffisante

Suspension de l’allocation pour 1 mois**

Suspension de l’allocation pour 2 semaines

Suspension de l’allocation pour 1 mois

Suspension de l’allocation pour 2 mois


* En Allemagne, chaque jour de suspension d’indemnités réduit d’autant la durée totale de couverture ; ** : En cas d'absence de déclaration ou déclaration mensongère, la radiation est définitive. Toutefois, si la fausse déclaration est liée à une activité non déclarée d'une durée très brève, la suppression peut être de 2 à 6 mois.

Pas de sanction pour un premier refus d’offre d’emploi : l’exception française

Premier constat : la France est le seul pays à ne pas sanctionner les chômeurs qui refusent une première offre d’emploi remplissant pourtant les critères d’acceptabilité définis avec l’agence pour l’emploi. Les critères définissant l’obligation d’accepter une « offre raisonnable d’emploi » (ORE), existent mais ne sont pas assez efficaces. La réforme de l’assurance chômage en 2019 allait dans le bon sens mais reste insuffisante. En Allemagne, les chômeurs de courte durée s'engagent sur un contrat d’insertion fixant les obligations à respecter et les sanctions en cas de manquements : ils doivent attester d'une recherche active d'emploi et ont l'obligation d'accepter toute offre d'embauche. La définition d’offre d’emploi « raisonnable » est plus large qu’en France. Un demandeur d’emploi est soumis à l’obligation d’accepter toute offre d’embauche, à quelques rares exceptions près, même s’il s’agit d’un temps partiel. Une offre doit être acceptée si le temps de trajet est inférieur à 2h30. Le seuil salarial de refus légitime est dégressif : une décote de 20 % est imposée à l’ouverture des droits, qui passe à 30 % au quatrième mois avant que le montant de l’allocation chômage lui-même devienne le seuil salarial. Même logique en Norvège, où un chômeur doit être prêt à accepter tout emploi sur l’ensemble du territoire. Depuis le décret de janvier 2019 qui révise les conditions de l'offre raisonnable d'emploi en France, les modalités se sont durcies. Mais avec la crise sanitaire, il est difficile d'estimer l'impact de ce changement réglementaire.

Les propositions de la Fondation iFRAP 

  • Tout premier refus d’une offre convenable d’emploi doit être sanctionné,
  • Inclure les emplois à temps partiel dans les critères de l’ORE,
  • Instaurer une vraie dégressivité du seuil salarial de refus d’une offre d’emploi en s’inspirant du modèle allemand.

Un système de « radiation » inefficace

Autres particularités allemandes dont la France devrait s’inspirer : les refus d'emplois jugés convenables ou de formation professionnelle sont sanctionnés et ce dès le premier manquement. Les sanctions sont plus sévères (voir tableau) et, au-delà de trois manquements, la fermeture définitive des droits est envisagée. À titre de comparaison, en France, les sanctions sont progressives et entraînent 1, 2 puis 4 mois de suspension d’indemnités à chaque refus supplémentaire, chaque jour de suspension d’indemnités réduit d’autant la durée totale de couverture. Il s’agit de tendre vers un véritable système de sanction dissuasif de l’allocation chômage, et non pas de suspension temporaire dite « radiation » peu appliquée par les agents Pôle emploi, jugée peu utile considérant qu’ils devront de toute façon réinscrire ces chômeurs à Pôle emploi peu de temps après pour qu'ils bénéficient des mêmes droits. Autre exemple, le système britannique d'assurance chômage où le versement de l'allocation est conditionné à une recherche active et à un contrôle très strict de la réalité de ces démarches : les manquements occasionnent des sanctions de 7 à 28 jours pour les motifs les moins graves mais peuvent aller jusqu'à 182 jours soit la totalité de la durée d'indemnisation.

La proposition de la Fondation iFRAP

  • Que chaque jour de suspension de l’allocation réduise d’autant la durée totale d’indemnisation.

Une hausse nécessaire des contrôles à poursuivre

Au-delà de la sévérité des sanctions, c’est surtout leur certitude qui importe. En la matière, l’Allemagne est bien plus efficace que la France. En 2017, alors que Pôle emploi ne formulait qu’une sanction pour 125 inscrits en moyenne par mois, ce nombre était de 1 sanction pour 12 inscrits au sein des Arbeitsagenturen allemandes6 ! En 2017, Pôle emploi annonce, après une série de contrôles, avoir radié 14 % de demandeurs d’emploi pour recherche d’emploi insuffisante. Ce nombre (sachant que 40 % de ces 14 % étaient indemnisés par l’Unédic) n’est pas négligeable et démontre l’utilité des contrôles. Entre 2019 et 2021, ce taux reste stable autour de 15 %, sachant que près de 20 % des chômeurs ont dû être « remobilisés ».

Emmanuel Macron a relancé le sujet de la conditionnalité des allocations chômage le 9 novembre 2021 : « Les demandeurs d’emploi qui ne démontreront pas une recherche active verront leur allocation suspendue. » 500 000 contrôles ont été diligentés en 2022. Olivier Dussopt vient d'annoncer la création de viviers de demandeurs d'emploi rapidement mobilisables  pour pourvoir les secteurs en tension et un renforcement des contrôles. Problème : cette hausse des contrôles doit se traduire par une augmentation des effectifs de Pôle emploi dédiés à cette activité.

La proposition de la Fondation iFRAP

  • Réorienter au moins 1 000 agents aux contrôles d’assiduité des recherches d’emploi des chômeurs et communiquer sur les résultats de ces contrôles.

 

La « flexicurité » danoise, un exemple de réussite

Si le Danemark est parvenu à réduire son taux de chômage de 11 à 4,3 % depuis 1994, c’est grâce à son modèle de « flexicurité » reposant sur trois caractéristiques principales, le « triangle d’or »7.

1. Flexibilité pour les employeurs par une approche libérale

Cela repose sur un droit du travail souple qui permet aux entreprises d’embaucher et licencier très facilement, se traduisant concrètement par des délais de préavis courts et des compensations financières plus faibles que dans les pays du sud de l’Europe. Ces dispositifs rassurent les entreprises et les incitent à embaucher car elles pourront facilement licencier en cas de crise. Enfin, le système danois étant financé par l’impôt et les charges patronales étant nulles, le coût du travail l’est aussi et la compétitivité des entreprises en ressort renforcée.

2. La sécurité pour les employés par une approche sociale

La sécurité des salariés repose sur des allocations chômage (dagpenge), élevées et versées au cours d’une longue période. L’allocation peut s’élever jusqu’à 90 % du salaire de référence pour une durée d’indemnisation de 2 ans maximum.

3. Une politique active du suivi des chômeurs conciliant accompagnement et contrôle exigeant

Le Danemark accorde une place très importante à l’accompagnement des chômeurs en cela que les agences assurent un suivi personnalisé en proposant stages et formations pour faciliter la réinsertion dans le monde du travail. En contrepartie, un chômeur doit se plier à certaines règles, comme consulter quotidiennement son compte en ligne et être en mesure de répondre en 24 heures à une demande de son agence, postuler à deux offres d’emploi au minimum chaque semaine et obligation d’accepter la première opportunité se présentant à lui.

En somme, si le Danemark, par une grande flexibilité de son marché du travail, assure une faible protection de l’emploi, son modèle est efficace grâce à son importante protection de l’employabilité par des allocations chômage généreuses ainsi qu’un accompagnement personnalisé et des opportunités de formation pour les chômeurs.

III. L’étendue des aides sociales

Des minimas sociaux en forte augmentation

Des minimas sociaux versés sous conditions de ressources sont prévus pour prendre le relais de l’assurance chômage si des personnes ont épuisé leurs droits ou n’en disposaient pas. Ces allocations non contributives sont à destination de personnes éloignées de l’emploi. Le revenu de solidarité active (RSA) a pour but de garantir un niveau de vie digne aux personnes en situation de précarité et représente la dépense la plus importante, suivie de l’allocation adulte handicapé (AAH), qui compense le risque du handicap et la prime d’activité destinée aux travailleurs aux faibles revenus.

Dépenses d’allocations des principaux minima sociaux et de la prime d’activité depuis 2009

En millions d’euros constants 2020 ; Source : « Minima sociaux, RSA et prime d’activité », Drees.

Il faut revoir l’accompagnement des allocataires du RSA

Le RSA représente une dépense annuelle de 12 milliards € pour environ deux millions de foyers allocataires. Si le RSA permet de réduire l’intensité de la pauvreté ainsi que le dit la Cour des comptes dans un rapport qu’elle a consacré en janvier 2022, l’accès à l’emploi des bénéficiaires du RSA reste faible (3,9 % de taux de retour à l’emploi en 2019). Dans son volet accompagnement, le RSA fonctionne selon une logique de droits et devoirs : en contrepartie de l’aide monétaire et de l’accompagnement reçu, le bénéficiaire doit s’engager à réaliser des démarches en vue de son insertion professionnelle et sociale. Mais cet accompagnement est le point faible du dispositif.

Les engagements de démarches et d’accompagnement sont formalisés dans un contrat signé entre le bénéficiaire et son organisme d’accompagnement. Mais il est estimé que 40 % des bénéficiaires soumis aux droits et devoirs ne disposent pas de contrat d’accompagnement. Par ailleurs, les délais d’accompagnement excèdent les échéances prévues par la loi : le délai d’orientation atteint 95 jours en moyenne alors que la loi fixe un délai maximal entre 1 et 2 mois.

L’orientation est très variable d’un département à l’autre, certains étant pris en charge par Pôle emploi tandis que d’autres seront suivis par un organisme de réinsertion. Pour ceux qui ont signé un contrat, le contenu semble peu consistant avec parfois de simples recommandations et l’intensité de l’accompagnement fait très nettement défaut (moins de 3 entretiens par an). Quant aux travailleurs sociaux en charge de l’accompagnement, ils sont réservés sur l’application des sanctions au nom de la lutte contre la pauvreté.

Faute d’accompagnement réel, le RSA devient une prestation sociale sans contrepartie pour laquelle il n’est pas possible de sanctionner un manquement qui n’a pas été formalisé. Pourtant le Code de l’action sociale prévoit bien des sanctions.

Il n’existe pas de statistique nationale sur le non-respect des droits et devoirs. Les données fournies par la Cour issues d’une enquête en Gironde indique que 2 600 sanctions ont été prononcées par an entre 2014 et 2019, la plupart liée à l’absence au rendez-vous d’orientation et à l’absence de contrat. Le non-respect du contenu du contrat n’a donné lieu qu’à 150 saisines environ par an entre 2017 et 2019, et à 115 sanctions. Le système de sanction est très graduel. Le manque de suivi s’explique par un partage des taches entre les intervenants qui n’est pas simple : Pôle emploi estimant qu’il est du rôle de la Caf ou du département de prononcer les sanctions. Interrogé par la Cour, Pôle emploi indiquait confier chaque mois au départements la liste des radiés « charge à ces derniers de s’en emparer pour le cas échéant sanctionner des manquements ». Le département du Val-de-Marne a ainsi revu son système d'accompagnement en mettant en place une commission de radiation.

RSA contre activité

Emmanuel Macron s’est engagé à revoir l’accès au revenu de solidarité active (RSA) : « Il y aura, dans cette réforme, l’obligation de consacrer quinze à vingt heures par semaine à une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle, soit de formation en insertion, soit d’emploi ». Une expérimentation doit être lancée dans une dizaine de territoires désignés pour mettre en place les contreparties. Plusieurs départements se sont dits intéressés mais les conditions restent encore floues. Pour François Durovray, président du département de l’Essonne, le dispositif doit être large et ne pas seulement proposer des heures de bénévolat. Le ministre Olivier Dussopt n’a pas encore clarifié la forme que prendrait cet engagement entre travaux d'intérêt général ou insertion. Pour les départements, l’équation n’est pas simple puisqu’il faudra assurer le suivi et avec l’automatisation du versement du RSA, également promise par Emmanuel Macron, le taux de non recours évalué à 30 % devrait nettement diminuer et le nombre de bénéficiaires augmenter par conséquent. Interrogé par la Gazette des communes, le président du département de l’Ardèche explique vouloir tout faire pour insérer les allocataires du RSA par le travail, ce qui passera par une charte afin de revoir les contrats d’engagement des bénéficiaires. L'expérimentation « Territoire zéro chômeur » (voir annexe) montre que le suivi au plus près du terrain par des structures spécialisées est la solution plus appropriée pour améliorer l'insertion.

Quid de la conditionnalité du RSA ? L’exemple du modèle allemand

La question de la conditionnalité du revenu de solidarité active peut aussi s'inspirer de l'exemple allemand. L’équivalent RSA allemand appelé « Hartz-IV » a été instauré par les réformes éponymes menées entre 2003 et 2005 par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, libéralisant le marché du travail par l’assouplissement des conditions de licenciements ainsi qu’une réforme du système d’assurance chômage.

  • Première différence, le montant : la France est 30 % plus généreuse que l’Allemagne.
  • La différence des modèles concerne aussi la conditionnalité de cette aide. En Allemagne, les sanctions étaient auparavant strictes : tout emploi y était considéré comme convenable et une réduction de l’allocation pouvait être prononcée dès le premier manquement. La réforme « Hartz-IV » aurait directement contribué à la baisse du chômage, passant de près de 12 % en 2005 à 7 % en 2014, et augmenté la probabilité de réinsertion professionnelle de 15 %8 ?
  • Suite à la décision de la Cour constitutionnelle de Karslruhe qui estime que la pénalité doit être temporaire et qu'elle ne doit pas dépasser 30 % de l'allocation « Hartz IV » afin d'assurer un niveau de vie digne, l’Allemagne, avec sa nouvelle coalition gouvernementale, a fait adopter en mai 2022 un moratoire d’un an sur les sanctions à destination des bénéficiaires de « Hartz-IV ». L’objectif est de préparer le remplacement de « Hartz-IV » par un « Bürgergeld » au montant supérieur et à la conditionnalité moindre en matière de reprise d'emploi pour faciliter la formation professionnelle.

Autre pays à avoir fait évoluer la législation sur les minima sociaux : le Royaume-Uni qui a fait adopter en début d’année 2022 un changement exceptionnel de la réglementation des sanctions à destination des bénéficiaires de l’Universal Credit. Les demandeurs sont depuis contraints d'accepter un emploi dans n'importe quel secteur, sous peine de sanctions financières rapides. Cette mesure intitulée « Way to work » a pour objectif de donner du travail à 500 000 personnes à court terme et à pourvoir 1,2 million de postes vacants au niveau national Ces personnes seront aider pour cela par « Work Coach » pour recevoir un accompagnement sur mesure.

Le RSA est une aide à bout de souffle qui ne permet pas de retour à l’emploi : seul 34 % d’une cohorte d’allocataires sont sortis du dispositif et sont en emploi sept ans après, et parmi ceux-ci, seul un tiers ont un emploi stable9. De plus, les dépenses de RSA ont augmenté de près de 40 % entre 2009 et 2019. Pourquoi donc ne pas s’inspirer de la trajectoire allemande ?

La proposition de la Fondation iFRAP 

  • Renforcer le suivi statistiques des bénéficiaires du RSA par les départements,
  • Expliciter les obligations dans le contrat d'accompagnement,
  • Intensifier le suivi et renforcer les sanctions en cas de refus de reprise d'emploi ou de formation.

L’ampleur du cumul des aides sociales

Une étude de l’Insee publiée en avril 2022 propose une analyse des prestations nationales légales (RSA, prime d’activité, allocations logement, etc.), les droits connexes nationaux (prime de Noël, réduction sociale téléphonique, etc.) et les aides sociales locales (action sociale des CAF, aides régionales pour transports collectifs, aides municipales telles que la restauration scolaire, etc.), révélant l’ampleur du cumul de ces diverses aides10.

Il en ressort que les droits connexes sont significatifs. Pour un couple sans activité avec 3 enfants, les droits connexes nationaux s’élèvent à 3 274 € par an, soit 11,8 % du total des prestations perçues, les droits connexes locaux à 3 546 € (12,8 %), pour un total de 27 693 € avec aides nationales légales. En moyenne, les aides connexes nationales et locales représentent entre 17,5 % et 25 % de la somme des prestations perçues. Les aides connexes nationales et aides locales ajoutent donc entre 21,3 % et 33,3 % aux prestations nationales légales des ménages précaires.

En valeur absolue, la somme des prestations de solidarité est particulièrement importante : pour une famille monoparentale sans revenu avec un enfant de moins de 3 ans, ces revenus s’élèvent à 1 571 €/mois, à 1 294,10 €/mois pour la même famille avec ½ smic et à 1 013,50 €/mois avec un smic. Pour une famille avec trois enfants, la dégressivité des aides est également assez faible : 2 308 €/mois (sans revenu), 2 042 €/mois pour ½ smic et 1 866,40 €/mois pour un smic. Selon la situation du ménage, il est donc possible de vivre mieux des aides sociales que du travail.

Plus de 200 aides sociales, c’est trop

Les aides sociales évoquées jusqu’ici sont bien loin de constituer une liste exhaustive. La Fondation iFRAP dénonçait dès 2018 l’existence de plus de 200 aides sociales en France11. Sans préjuger du bien-fondé ou non de ces aides, cette multiplication excessive pose problème à plusieurs égards :

  • Les aides sont si nombreuses que ce modèle complexe en devient illisible pour nombre de potentiels bénéficiaires, le taux de non-recours au RSA s’élevant ainsi à 34 % en 2018, contre 10 % pour l’équivalent britannique la même année12.
  • Un coût de gestion important pour les distributeurs publics (aux frais du contribuable donc), à hauteur de près de 265 millions en 2019 pour les dépenses de gestion administrative du seul RSA.
  • Ces aides peuvent avoir un caractère vexatoire pour les bénéficiaires, sommés de justifier leur situation auprès de multiples organismes parfois proches de leur quotidien (cantines scolaires, etc.), les réduisant à une image d’« assisté » dépendant de la solidarité collective.
  • Cette pléthore d’aides sociales entretient un flou sur les situations des intéressés qui peut profiter à certains ménages. L’illisibilité et la complexité entraînent des abus et des fraudes (la CNAF estime que la fraude potentielle autour du RSA est de 1 milliard d’euros).
  • Enfin et surtout, ces prestations deviennent infinançables pour les collectivités (RSA, APA, PCH, Aide sociale à l’enfance, etc.).

La proposition de la Fondation IFRAP 

  • Plafonner le cumul des aides à 100 % du Smic en 2023 et à 90 % en 2027.

 

Le chômage partiel a changé la relation au travail

La crise sanitaire qui a porté un coup d’arrêt à l’économie mondiale à partir de mars 2020 a poussé la France à massivement recourir au chômage partiel afin d’empêcher une vague de licenciements. Au point haut du premier confinement en avril 2020, près de 45 % des salariés du privé étaient en « activité partielle » pour la totalité ou au moins une partie de leurs heures. C’est un usage supérieur de près de 50 % à celui fait en Allemagne au même moment, pays disposant pourtant d’un recours traditionnellement trois fois supérieur à la France. Le taux de recours est ensuite retombé sous les 10 % à l’été 2020 à la suite du déconfinement.

Les dépenses de soutien à l’activité partielle en 2020 se sont élevées à 27,1 milliards €13 dont 9 milliards portés par l’Unédic et 18,1 milliards à la charge de l’État. Cela dans un contexte de déficit important de l’Unédic et d’explosion des dépenses publiques.

Depuis le début de l’année 2022, on observe une baisse progressive du chômage partiel en France : il concernait 125 000 personnes en mai 2022, nombre tout de même 3 à 4 fois supérieur à son niveau d’avant-crise. Toutefois, avec la guerre en Ukraine, de plus en plus d’entreprises annonçent recourir au chômage partiel, à l’instar des industriels Duralex et Arc International. La CFDT et la CPME réclament le retour du soutien de l’État au chômage partiel.

Or, ce recours massif au chômage partiel n’aura pas été sans conséquences. Au cours d’une période historiquement longue, une part substantielle de salariés a été payée pour ne pas travailler. De plus en plus de personnes privilégient un travail qui a du « sens » et délaissent les emplois peu attractifs. Le modèle social français est démonétisé, chaque personne s’estimant légitime à dépendre de la solidarité nationale en raison d’un choix individuel et non d’une situation de chômage imposée. Lors de l'examen du projet de loi sur l'assurance chômage, les députés de l'opposition LR sont ainsi montés au créneau pour faire adopter un amendement de présomption de démission du salarié quand ce dernier quitte son poste volontairement (abandon de poste). Enfin, il faut aussi considérer la hausse en 2021 des ruptures conventionnelles. 454 000 ruptures individuelles ont été homologuées par les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) dans le secteur privé en France métropolitaine, soit une hausse de 6,1 %.

IV. Récapitulatif des propositons iFRAP

La crainte d’une « grande démission »

« The Big Quit » : tel est le nom du phénomène qui frappe le monde du travail aux États-Unis depuis l’émergence de la crise sanitaire. Il s’agit d’une vague de démissions massive qui s’explique par une envie grandissante des travailleurs de changer d’emploi. En 2021, 48 millions d’Américains ont démissionné, profitant d’un marché du travail tournant à plein régime avec un niveau de chômage au plus bas.

Cette tendance est aussi observée au Canada, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Selon une étude mondiale menée par Microsoft14, 43 % des salariés songeraient à démissionner en 2022, en hausse de deux points par rapport à 2021. Le motif qui revient le plus est le souhait d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. La France est aussi concernée depuis la deuxième moitié de l’année 2021. La Dares révèle qu’au premier trimestre 2022, 470 000 salariés ont démissionné de leur CDI, soit 20,4 % de plus que le niveau pré-covid de la fin 2019 et plus que l’ancien record de 2008. En %, le pic de démissions avait été atteint durant la bulle du début des années 2000. Les principales répercussions sont les difficultés de recrutement rencontrées par beaucoup d’entreprises, de nombreux secteurs comme la santé ou l’hôtellerie-restauration se retrouvant en pénurie de main-d’œuvre. En France, cet appel du grand large concerne surtout les jeunes : 42 % des moins de 35 ans envisagent sérieusement de quitter leur emploi dans les 12 prochains mois. L’on peut par ailleurs questionner le rôle du dispositif démissionnaire introduit par la réforme de l’assurance chômage de 2019, qui permet aux salariés ayant démissionné de percevoir des allocations chômage s’ils ont pour projet de changer de métier ou de devenir entrepreneur. Il s'agit de toute façon d'un indicateur très cyclique et qui pourrait prendre fin en cas de retournement de la conjoncture.

3 millions d’emplois à pourvoir en 2022

Pôle emploi affirme qu’un niveau record de 3 millions de projets d’embauche est prévu pour l’année 2022, soit une hausse de 12 % par rapport à 202115. Il s’agirait à 71 % d’offres d’emploi durables et émanant à près de trois quarts d’entreprises de moins de 50 salariés. Pourtant, malgré plus de 4 millions de personnes en demande de travail, 58 % des recrutements sont jugés difficiles par les entreprises. Le nombre insuffisant de candidats est cité à 86 % comme le premier motif des difficultés de recrutements des entreprises, avant le profil inadéquat des candidats (71 %). 361 000 postes sont à pourvoir dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. 110 000 agents d’entretien et 87 000 aides-soignants sont aussi recherchés.

Pourtant, certaines offres ne trouvent pas preneur. Selon la Dares16, il y aurait 362 800 emplois vacants au 2e trimestre 2022, une augmentation de 72 % par rapport au 4e trimestre 2019. En 2022, les offres abandonnées faute de candidat dépassent 6 % de toutes les offres d’emploi déposées à Pôle emploi17. Ces chiffres sont sous-estimés car ils ne prennent pas en compte les abandons de projets d’embauches rencontrés par 57 % des TPE/PM1E9118. Ces difficultés de recrutement touchent surtout les emplois peu qualifiés. Le secteur routier a par exemple connu une pénurie de main-d’œuvre en 2021 avec 40 000 à 50 000 emplois non pourvus. Ce nombre pourrait atteindre « 100 000 postes dans les cinq ans à venir »19.

Que penser de l’expérimentation territoire zéro chômeur ?

Cette expérimentation concerne 38 territoires qui comptent entre 5 000 et 10 000 habitants. Elle consiste à proposer un CDI à des personnes éloignées de l’emploi via une entreprise à but d’emploi (EBE) créée à cet effet. Cette entreprise de type particulier issu des lois sur l’économie sociale et solidaire doit répondre à un besoin de proximité tout en prenant soin de ne pas entrer en concurrence avec les entreprises et artisans locaux. L’initiative débutée en 2016 concernait à l’origine 10 territoires. Aujourd'hui ces territoires emploient 1 240 personnes dans 36 entreprises à but d'emploi. Fort de son succès, il est prévu de l’étendre à 50 territoires. Tout l’objectif de l’expérimentation est de proposer un emploi à une personne durablement éloignée du marché du travail, initiant un cercle vertueux de reprise d’activité et d’insertion durable. La justification économique à cet accompagnement repose sur une analyse approfondie des coûts liés au chômage de longue durée. En y incluant les dépenses directes et indirectes, les promoteurs du projet estiment que le coût se situe entre 16 et 19 000 € par personne et par an. Avec une telle somme, il est possible d’embaucher toute personne au smic à plein temps, le reste du coût de l’emploi étant assuré par la production réalisée. Ce projet a été porté par un collectif d’associations fédérées autour d’ATD Quart Monde. Un fonds d’expérimentation réunissant des représentants de l’État, des organisations syndicales, des collectivités locales, etc. finance une partie de la rémunération des personnes embauchées. Il associe également les comités locaux pour l’emploi qui représentent les territoires engagés dans la création de ces emplois. Ce dispositif souligne la nécessité d’un accompagnement spécifique pour les personnes durablement éloignées de l’emploi.


1 : Rapport financier de l’Unédic 2019.

2 : Rapport de la Cour des comptes, « Le Revenu de Solidarité Active (RSA) », 13 janvier 2022.

3 : Minima sociaux et prestations sociales, édition 2021, Drees.

4 : Nathalie Samson, Pierre Cahuc : « L’assurance chômage est inefficace et peu adaptée à la crise actuelle », L’Express, 12 janvier 2021.

5 : Agnès Verdier-Molinié, « Réforme de l’assurance-chômage : les cadres plumés deux fois ! », Le Figaro, 2 juillet 2021.

6 : Hadrien Clouet, « Contrôle des chômeurs : un « modèle allemand https://we.tl/t-Zt6UVM4hRu https://we.tl/t-Zt6UVM4hRu » ? Pourquoi les chômeurs allemands sont plus sanctionnés que leurs homologues français », Savoir/Agir, 2018, pp. 75-86.

7 : P. K. Madsen, « How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a Scandi-navian state », 2006.

8 : « Macro-economic evaluation of labor market reform in Germany.Krebs », Martin Scheffel, IMF Economic Review, 2013.

9 : Rapport de la Cour des comptes, « Le Revenu de Solidarité Active (RSA) », 13 janvier 2022.

10 : Insee, Economie et statistiques, en particulier, Denis Anne et Yannick L’Horty, « Droits connexes et aides sociales locales : un nouvel état des lieux. », 25/04/2022.

11 : Philippe François, « France : plus de 200 aides sociales », ifrap.org, 24 mai 2018.

12 : « Quantifier le non-recours aux minima sociaux en Europe », Drees n° 94, mars 2022.

13 : Dares, Situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire au 2 février 2021.

14 : « Great Expectations: Making Hybrid Work Work », Microsoft, 16 mars 2022.

15 : Pôle emploi, enquête « Besoins en main-d’œuvre », 2022.

16 : Dares, septembre 2022.

17 : France Stratégie, « Comment expliquer les difficultés de recrutement anticipé par les entreprises ? », juin 2022.

18 : Léo Stagé, « Comment expliquer la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs  ? »,
Le Figaro, 10 septembre 2021.

19 : Julien Da Sois, « Entre 40 000 et 50 000 emplois non pourvus : le transport routier s’inquiète d’une pénurie de main-d’œuvre », Le Figaro, 27 septembre 2021.