S’intéresser à la durée du travail, c’est s’intéresser à une variable clé de l'économie. C’est réfléchir à la raison pour laquelle la France a vu, au cours des dernières années, sa position dans le classement des principaux pays de la zone euro, en termes de PIB par habitant, stagner et même reculer. La production est en effet le produit de la productivité horaire, qui résulte de la technique et de l’organisation de l’économie, et du nombre d’heures travaillées qui découle directement de la durée du travail et de la façon dont on mobilise la population en âge de travailler dans l’emploi.

La politique de réduction du temps de travail (passage aux 35 heures au tournant des années 2000) a abouti, c’était son but, à réduire la durée du travail des personnes en emploi. On peut s’interroger sur l’influence de cette politique sur la création d’emploi, sa justification étant, il y a vingt ans, de « partager le travail ». Cette vision malthusienne de l’économie et sa mise en pratique par la réduction du temps de travail, ont échoué à abaisser le chômage car elle feint d’ignorer le côté offre de l’économie. Un supplément de création de valeur ne peut résulter que d’un accroissement de la productivité, à nombre d’heures de travail donné, ou bien d’une augmentation du nombre d’heures travaillées à productivité donnée. Si l’un est obtenu au détriment de l’autre, les conséquences en termes de supplément de valeur, et donc de création d’emplois, sont incertaines.

La durée du travail est également un élément fondamental du triptyque « salaire-emploi-durée du travail » autour duquel s’organisent les négociations dans l’entreprise. C’est ainsi un élément clé de la compétitivité des entreprises. Celles-ci doivent pouvoir agir sur chacun des éléments du triptyque en fonction de leur situation propre et en accord avec leurs salariés. Les réformes récentes du marché du travail et de l’organisation des négociations (loi El Khomri, ordonnances Macron) ont permis de mettre fin à une situation de blocage résultant de l’imposition de manière centralisée et obligatoire d’une durée légale du travail de 35 heures à tous les secteurs de l’économie quelle que soit leur situation :

  • en 2018, la durée du travail effective des salariés à temps complet est de 1.679 heures dans leur emploi principal. À champ comparable, Eurostat indique que la durée effective était de 1.646 heures en 2015, soit parmi les plus faibles en Europe ;
  • en particulier le temps de travail des branches non marchandes (administration, défense, éducation, santé et action sociale) est particulièrement faible puisqu'il s'établit à 1.290 heures effectives travaillées pour les salariés contre 1.353 heures en Allemagne et 1.25 au Royaume-Uni ;
  • si la France avait eu la même durée du travail que la moyenne d'un échantillon de pays européens comparables, elle aurait eu une valeur ajoutée supérieure de 80 milliards d’euros en 1998, de 150 milliards d’euros en 2002 et de 107 milliards d’euros en 2018 (euros constants de 2018) ;
  • dans le secteur non-marchand français, la plus faible durée du travail a amputé la valeur ajoutée de 19 milliards d’euros en 1998, 43 milliards d’euros en 2002 et encore 34 milliards d’euros aujourd’hui (euros constants de 2018) ;
  • la plus faible durée du travail dans le secteur non-marchand explique 24% de la perte de valeur ajoutée pour l’ensemble des branches en 1998 et 32% en 2018.