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Philharmonie, Pleyel : plus de salles, pas assez de concerts

Quatre orchestres symphoniques publics sont installés à Paris ou tout près, et y disposent de six salles de concerts. Mais le week-end précédent comme le prochain, encore aucun concert symphonique n'est donné à Paris par ces ensembles. Dans cette ambiance, l'ouverture prochaine d'une nouvelle salle de concerts à Paris est étonnante. Et encore plus étonnante, l'interdiction qui sera faite à la salle Pleyel d'accueillir à l'avenir des concerts classiques. Même dans le domaine de la culture, l'État français aime la dépense mais pas la concurrence.

L'Orchestre de Paris, l'Orchestre national de France (de Radio France), l'Orchestre philarmonique de Radio France, et l'Orchestre national d'Île-de-France, sont réputés, mais difficiles à entendre pour les provinciaux ou les étrangers de passage à Paris. Jusqu'à présent, ces orchestres se produisaient à la salle Pleyel, au Théâtre des Champs-Élysées, à la salle Gaveau, à la salle de concerts de la cité de la Musique, à l'auditorium Olivier Messiaen de la maison de la radio et au Théâtre du Chatelet [1]. D'après certains experts, ces écrins n'étant pas au niveau de certaines salles étrangères, il a été décidé d'en construire un nouveau.

La Philharmonie de Paris

La Cité de la musique à la Villette dispose déjà d'une salle de concerts de 1.000 places et d'un auditoium de 250 places. Destinée à rivaliser avec l'acoustique de la célèbre Philharmonie de Berlin, et avec l'architecture de l'Opéra de Melbourne, la construction d'une nouvelle salle de 2.400 places (La Philharmonie), signée Jean Nouvel, a commencé en 2009 et ouvrira début 2015. Son coût initial était estimé à 170 millions d'euros. Selon le sénateur Yann Gaillard, rapporteur à la commission des finances, la facture finale (estimation en octobre 2012) serait de 386 millions d'euros. Ses frais de fonctionnement seront très élevés, et la Ville de Paris et l'État discutent encore de la façon de les financer.

Salle Pleyel

Pour des amateurs, mélomanes, et pour de nombreux musiciens, l'idée de se voir interdire la mythique salle Pleyel (1.900 places) pour écouter des concerts classiques, est inimaginable. Ce magnifique monument Art déco, a été entièrement rénové en 2006, et son acoustique perfectionnée par les meilleurs experts mondiaux. Les amateurs y ont passé des moments très forts, y ont souvent découvert les chefs d'œuvre de la musique, et rencontré des solistes et orchestres internationaux. Nos anciens se souviennent peut-être des Premières de Ravel, Honneger, Stravinski, et nous tous des concerts dirigés par Barenboim, Abbado, Karajan, Myung Whun Chung, des récitals de Rubinstein, Rostropovitch, Yo-yo Ma ou Lang lang.

L'Olympia

En 1995, la démolition et la disparition de la salle de l'Olympia, boulevard des Capucines à Paris, avait été envisagée pour restructurer l'ensemble des immeubles dans lesquels elle est enchassée. Les amateurs de variétés ont obtenu que la salle soit reconstruite à l'identique, une dizaine de mètres plus loin, pour préserver son ambiance unique et parce que des monstres sacrés comme Piaf, Trenet, Brel, Bécaud ou Les Beatles s'y étaient produits. D'autres salles (Bercy, Zenith) étaient pourtant construites à cette époque, sans compter l'accueil des variétés à Pleyel. Est-il envisageable que les amateurs de musique classique soient exclus de la salle Pleyel, une salle toujours présente et inchangée à Paris depuis 1927, et en parfait état de fonctionnement ?

Le nouvel auditorium de Radio France

Dès le mois prochain, Radio France va aussi ouvrir à Paris, sous sa Maison ronde, un nouvel auditorium, une magnifique salle de 1.462 places, également réalisée par un grand architecte, Gaspard Joly. Le précédent auditorium, la salle Olivier Messiaen, 856 places, entièrement rénové, sera aussi ré-ouvert. Des salles tout à fait adaptées aux concerts symphoniques.

Conclusion

Les mélomanes se réjouissent de la profusion de ces nouvelles salles, même si les contribuables s'en inquiètent. Mais à quoi bon construire une nouvelle salle si les orchestres ne jouent pas plus souvent ?

Une grève pour l'inauguration de ces deux nouvelles salles ?

La première décision du nouveau directeur de Radio France, souhaitant coordonner les activités de ses deux orchestres (le Philharmonique et le National), a immédiatement provoqué une grève du Philharmonique de Radio France. Dans les pays étrangers, les musiciens des orchestres ont été amenés à renoncer à des façons de travailler inadaptées, mais que la crise économique a rendu inacceptables [2]. La question du statut (ou quasi-statut) de la fonction publique est posée pour toutes les fonctions non régaliennes. Pour les artistes, elle semble encore plus mal adaptée que pour tous les autres secteurs.

[1] Sans compter le double orchestre de l'Opéra de Paris et ses deux salles de l'Opéra Bastille et de l'Opéra Garnier, plus celle de l'Opéra comique

[2] Les seuls concerts symphoniques de ces deux week-ends de début octobre sont donnés par les associations des orchestres Colonne et Pasdeloup qui survivent très difficilement faute de moyens.