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Mixité scolaire : il faut plus d'établissements dans l'enseignement privé sous contrat

Le ministre Pap Ndiaye a annoncé vouloir faire de la mixité, notamment dans les établissements privés, une priorité. Des annonces sont attendues au début de l’année 2023. En ce sens, la Fondation iFRAP propose de supprimer la règle du 80/20 afin de permettre le développement de l’enseignement privé sous contrat sur tout le territoire et notamment dans les zones les moins favorisés. Une première étape serait d’ailleurs de respecter la règle du 80/20 sur tout le territoire : ainsi, dans la Creuse, seulement 2% des élèves sont inscrits dans le privé, en Corse, 5%, en Seine-Saint-Denis, 8% et dans toute l’académie de Limoges, seulement 8% également. Or, comme la DEEP le soulignait en 2017, la distance avec l’établissement le plus proche est l’un des critères déterminants dans le choix de l’inscription : aujourd’hui, l’établissement public le plus proche est, en moyenne, à 670m tandis que le privé le plus proche est à 3,8km. Si la règle du 80/20 était vraiment respectée, plus de 330 000 élèves actuellement scolarisés dans le public devraient l’être dans le privé, faisant passer le nombre d'établissements privés sous contrat de 7 600 à 9 200.

Une règle du 80/20 non respectée

L’Education nationale suit une pratique, la règle n’est pas écrite, qui veut que les moyens (financiers, matériels et humains) publics accordés à l’enseignement privé se limitent à 20% du total. Cette règle du 80/20 limite aujourd’hui le développement d’un enseignement qui a déjà fait ses preuves, en termes de résultats pour les élèves et en termes de satisfactions du corps enseignant, le tout pour une dépense par élève inférieure de 30%.  

Aujourd’hui, 17,2% des élèves du 1er et du 2nd degrés sont inscrits dans l’enseignement privé mais la Fondation iFRAP a voulu se pencher sur l’offre de l’enseignement privé sur le territoire. Pour cela, le taux d’élèves inscrits dans l’enseignement privé a été comparé, par territoire, au 20% théoriquement attendu.

Il en ressort que ce taux varie énormément selon les zones géographiques : ainsi, sur 96 départements, seulement 18 d’entre eux scolarisent 20% ou plus d’élèves dans l’enseignement privé (principalement en Bretagne et dans le Pays de la Loire). Au niveau des académies, c’est 5 sur 18 et pour les régions, seulement 2 sur 26. Les deux plus grandes académies, de Versailles (10% des élèves totaux) et de Créteil (7,9% des élèves totaux) affichent un taux en dessous des 20% d’élèves inscrits dans l’enseignement privé, respectivement -8% et -11,3%.

Ecart, par rapport à la règle du 80/20, du nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat

  • Par départements

Note de lecture : Par rapport à un taux de 20% d'élèves inscrits dans l'enseignement privé, le Morbihan compte +30% d'élèves inscrits dans l'enseignement privé. Par rapport à un taux de 20% d'élèves inscrits dans l'enseignement privé, le Bas-Rhin compte -11% d'élèves inscrits dans l'enseignement privé.

  • Focus : Ile de France

  • Par régions

  • Par académies

Académies

Ecart, par rapport à la règle du 80/20, du nombre d'élèves scolarisés dans l'enseignement privé sous contrat

Part du nombre d'élèves scolarisés dans l'académie par rapport au total

Rennes

20,2

5,0

Nantes

17,4

6,0

Paris

8,6

2,8

Lille

2,2

6,8

Lyon

1,6

5,4

Clermont-Ferrand

-2,2

1,8

Grenoble

-3,5

5,3

Aix-Marseille

-5,0

4,6

Bordeaux

-5,1

4,9

Toulouse

-5,7

4,4

Reims

-6,3

1,9

Montpellier

-6,4

4,2

Poitiers

-6,6

2,5

Amiens

-7,5

3,1

Besançon

-7,9

1,8

Versailles

-8,0

10,0

Orléans-Tours

-8,4

3,8

Dijon

-8,5

2,2

Nice

-9,0

3,1

Nancy-Metz

-9,7

3,3

Strasbourg

-10,2

2,8

Créteil

-11,3

7,9

Limoges

-11,8

0,9

Source : Repères et références statistiques, Ministère de l'Education nationale

La distance : un critère déterminant dans le choix de l’établissement public ou privé

Alors que le ministère a été contraint de publier les indices de positionnement social (IPS) des collèges français, le débat sur la place de l’enseignement privé sous contrat remonte. Un certain nombre de détracteurs estiment que la dépense publique devrait se concentrer exclusivement sur l’enseignement public et qu’il est injuste que l’enseignement privé puisse sélectionner ses élèves. Pour justifier cela, ils s’appuient sur le fait que, dans les données nouvellement publiées, 39% des effectifs des collèges de l’enseignement privé sous contrat sont des élèves issus de familles « très favorisées » contre seulement 13% d’élèves issus de familles « défavorisés ».

L'indice de positionnement social (IPS) prend en compte la professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) de chaque parent, ainsi que leurs diplômes, leurs implications dans la scolarité de leurs enfants, mais aussi le « capital culturel » du foyer. Plus l'indice est élevé, plus l'élève apparatient à un foyer "favorisé". 

Alors que l’Education nationale ne satisfait plus personne, opposer enseignements privé et public ne résoudra rien, et évite seulement de poser les questions problématiques comme celle du recrutement et du management des enseignants, des pouvoirs hiérarchiques du chef d’établissement ou encore de la violence grandissante dans les établissements scolaires. Se fixer comme objectif l’atteinte, au minimum, de 20% des élèves pris en charge dans l’enseignement privé sous contrat par département permettrait de soulager un système public en crise et représente une piste d’amélioration facile à enclencher. Si la règle du 80/20 était vraiment respectée, plus de 330 000 élèves actuellement scolarisés dans le public devraient l’être dans le privé. Cela représente, pour un effectif moyen de 205 élèves par établissement, 1 600 nouveaux établissements scolaires du public au privé sous contrat.

Les questions de mixité sociales ne devraient être abordées que si tous les foyers avaient véritablement le choix du système éducatif qu’ils préfèrent pour leurs enfants et cela, sur tout le territoire. Il faut sortir de la logique d'une répartition contrainte des élèves dans les établissements scolaires, comme la carte scolaire ou la réforme d’Affelnet à Paris (où les élèves sont répartis dans les lycées de la ville en fonction d'un système de points... avec des points accordés en plus si l'élève a fait son collège dans un établissement avec un IPS faible) et ouvrir plus de liberté et de choix aux familles en multipliant les options. 

Pour rappel, la DEEP (étude à télécharger en bas de page) soulignait, en 2017, que le choix du privé, par rapport au public, était fortement corrélée à la proximité de l’établissement du domicile alors, qu’en moyenne l’établissement public le plus proche est à 670m tandis que l’établissement privé le plus proche est à 3,8km. La direction concluait que « l’écart de distance entre les écoles privées et publiques les plus proches est plus fréquemment très faible dans le cas des familles qui choisissent d’inscrire leur enfant dans une école privée » ce qui fait de la distance l’un des critères les plus déterminants dans le choix de l’établissement.