Avec la crise, se repose de façon urgente la question de la gestion de la dette française : celle-ci devrait atteindre en 2020, 120% du PIB. La France entrerait ainsi dans le club des pays européens dont la dette dépasse les 100% du PIB, aux côtés de l’Italie (158,9% du PIB) et de l’Espagne (115,6%). Tandis que les pays « frugaux » de la zone euro devraient rester, eux, en dessous des 70%, même après la crise du coronavirus.

La situation française en matière d’endettement public est préoccupante. La France pratique généralement des relances importantes en bas de cycle économique, mais repousse les réformes « pour ne pas brider la croissance ». On assiste donc à une accumulation inexorable des déficits qui influent sur le niveau d’endettement public. Mais la gestion de notre dette publique présente aujourd’hui des fragilités qui doivent nous alerter :

  • La dette de l’État atteint 1.822,8 milliards d’euros en 2019, soit près de deux fois son niveau de 2008. Mais, si le besoin de financement de l’État s’est révélé particulièrement élevé à 220,5 milliards d’euros, Bercy n’a pas eu à faire « exploser » ses souscriptions de dettes à moyen-long terme, car des sources de financements alternatives sont venues limiter le recours aux emprunts ; il s’agit des primes d’émission sur des souches anciennes à rendement élevé ;
  • Une pratique qui conduit à ce que 76% de la dette négociable de l’État arrive à échéance d’ici 2030, dont 599 milliards d’ici 2023. On mesure les efforts colossaux qu’il faudra faire pour renouveler la dette, ce qui rend du même coup la gestion des encours d’autant plus difficile à piloter ;
  • Il existe par ailleurs un risque particulier en cas de tensions inflationnistes sur la dette indexée sur l’inflation (OATi) qui correspond à 12% des encours de dette ;
  • La détention de la dette française est un autre sujet de préoccupation : officiellement détenue à 55% par des nonrésidents en 2019, si on corrige ce ratio des opérations de rachat de titres effectuées par la BCE, la proportion de détenteurs non-résidents est proche des 70%, et, nous dit la Cour, « n’a pas connu de tendance baissière au cours des dernières années ». 2020 sera donc une épreuve de vérité pour la dette française.

Nos recommandations :

  • Immuniser progressivement la dette française du risque d’inflation en diminuant le recours aux OATi ;
  • Supprimer progressivement le recours aux émissions sur souches anciennes, pour limiter le phénomène des primes nettes sur l’encours de dette arrivant à échéance à moyen terme ;
  • Reprofiler la dette vers une détention longue, à 30, 50 ou 80 ans ;
  • Définir une stratégie de désendettement lorsque le frein à l’endettement sera mis en place ;
  • Le Haut conseil des finances publiques et les parlementaires devraient être plus associés au suivi de l’endettement public.

Mais il faudra cependant s’engager dans une maîtrise sans faille des finances publiques, et en particulier chercher à remettre les comptes sociaux à l’équilibre.