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Réformer les régimes spéciaux et très spéciaux

Mis à part les 5 ou 6 candidats d'extrême gauche à l'élection présidentielle, tous les autres admettent que les deux réformes des retraites – Balladur en 1993 et Fillon en 2003 – ne peuvent pas être remises en question. Promettre le contraire n'est pas crédible, et est même devenu ridicule au moment où tous les pays ont réformé leurs systèmes de retraites, et notamment quand la coalition droite-gauche allemande repousse l'âge de la retraite à 67 ans.

En France, le passage progressif à 41 années de cotisation pour les salariés du régime général du secteur privé et pour le régime spécial des fonctionnaires, est donc entériné. Et aussi la prise en compte de la moyenne des 25 meilleures années dans la limite du plafond de la Sécurité Sociale (et non plus des 10 meilleures années) pour la retraite sécurité sociale des salariés du privé. Les retraites complémentaires ARRCO et AGIRC continuant à être basées sur la totalité de la carrière. Les mesures de justice prises en 2003 en faveur des personnes qui ont commencé à travailler très tôt (14-16 ans) seront conservées ou étendues : possibilité de partir avant 60 ans, bonification en fonction des années de cotisations supplémentaires.

Pour 2007/2008, les sondages montrent que les Français veulent que les régimes de retraites d'EDF, GDF, SNCF, RATP et assimilés soient réformés, et donc que les adhérents de ces “régimes très spéciaux” cotisent eux aussi 41 années pour une retraite à taux plein. Tout le monde est aussi d'accord pour que la pénibilité du travail soit la seule cause de dérogation à la durée de cotisation. Et que la pénibilité soit mesurée de façon objective par l'espérance de vie à la retraite.

Ce sera un premier pas, mais on sera encore loin de l'équité. Le calcul du montant des retraites du secteur public (fonctionnaires, SNCF, EDF/GDF, RATP, Banque de France …) se fait par référence aux derniers mois d'activité. Les rapports du Conseil d'Orientation des Retraites ont montré que cela représente un avantage considérable par rapport aux 25 meilleures années (CNAV) ou à la totalité de la carrière (ARRCO/ AGIRC), méthodes appliquées dans le secteur privé.

Retraites par capitalisation : les syndicats pris au piège des résultats

Le Comité de Surveillance du Fonds de Réserve des Retraites (FRR) vient d'annoncer que depuis sa création en 1999, la rentabilité moyenne de ce fonds de 32 Mds € fin 2006 est de 10,5% par an. A l'avenir, il compte bien ne pas faire moins que 7 à 8%.

Les syndicats CGT, CFDT, CFTC, CGC, FO font partie de ce Conseil et ont choisi les Goldman Sachs, Nomura Asset Management, Crédit Agricole, Vanguard Investments et une trentaine d'autres gestionnaires professionnels qui ont obtenu ces brillants résultats.

Nos leaders syndicaux se demandent sans doute comment annoncer que s'ils avaient choisi un système de retraites par capitalisation, le montant des retraites serait plus élevé et on ne serait pas face au gouffre financier de l'actuel système par répartition. Mission difficile auprès de leurs adhérents après avoir bataillé pendant des années contre la capitalisation sur tous les plateaux de télévision. Mission impossible auprès des 95% de salariés non syndiqués auxquels ils n'ont pas laissé le choix.

Il serait utile que tout enfant apprenne dès le CM2 que s'il place 100 € à 5% hors inflation quand il aura 25 ans, il recevra un capital de 670 € (en euro constant) pour son 65e anniversaire. Au rythme actuel du FRR de 8% hors inflation, il recevrait même 2012 €.

La solution la plus juste et la plus claire serait de construire pour tous un système de répartition par points style ARRCO/AGIRC avec un complément important de capitalisation. Politiquement, il est probable qu'encore une étape intermédiaire sera nécessaire. La conversion des droits déjà acquis par chaque personne en un nombre de points est faisable mais complexe. Faute d'un consensus droite-gauche, il risque de générer des débats confus et stériles. Il sera plus simple d'étendre progressivement la base de calcul des retraites des régimes spéciaux et très spéciaux de deux ans tous les ans. La méthode est progressive et acceptable même pour les personnes proches de la retraite. En 2020, ces retraites seraient calculées sur la moyenne des 25 meilleures années, exactement comme pour les salariés du privé.

Ces réformes faites, il restera encore plusieurs différences entre les retraites publiques et privées. Les principales en faveur du public concernent les retraites de réversion et la prise en compte des années d'études. En faveur du privé, la prise en compte des enfants. Ce sera pour 2012 !