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Le "modèle suédois" de plus en plus... corrigé

Mais que reste-t-il du fameux "modèle suédois" cher à François Mitterrand ? À part quelques prélèvements encore trop élevés, rien. Tout est libéralisé, privatisé, ouvert à la concurrence.

On a parlé beaucoup en Europe des résultats du modèle suédois. Officiellement le chômage était bas, mais il y avait en réalité un important chômage déguisé et cela a fait l'objet de débats pendant la récente campagne électorale. Dans ses interviews, le nouveau Premier ministre, Fredrik Reinfeldt, a affirmé que la société suédoise était divisée en tiers : "2/3 font partie de la société compétitive organisée pour faire face à la concurrence internationale et 1/3 vivent de subventions et c'est trop !" "Nous avons besoin de ne plus parler uniquement de baisser les taxes des hauts revenus comme le faisait le centre droit dans le passé, mais de les réduire aussi pour ceux qui ont des bas revenus. Nous allons réduire les soi-disant "contributions patronales" qui sont en fait une taxe sur les salaires de chaque employé. Nous allons réorganiser les avantages sociaux pour qu'ils ne soient pas un moyen de vivre une vie entière au chômage en recevant presque autant d'argent que ce qu'on gagnerait en travaillant. Nous avons besoin d'un programme de création d'emplois."

Le Premier ministre suédois ne précise pas en quoi cela va consister, mais si on se réfère à ce qui a réussi dans un certain nombre de pays, cela pourrait être une législation incitant à la création de start-up et à l'action de "business angels" pour aboutir à l'existence de "gazelles", entreprises à forte croissance rapide.

Vive l'entreprise !

Le marché suédois étant trop petit pour faire vivre les entreprises suédoises, il a fallu faire face à la concurrence internationale. La mondialisation a été perçue comme très favorable, permettant d'obtenir beaucoup plus de clients dans des pays variés et d'acheter bien des produits à l'étranger dans des conditions favorables. Ce sont les grandes entreprises qui ont joué un rôle essentiel (famille Wallenberg suédoise et les multinationales).

Rares sont les entreprises familiales qui réussissent à survivre au-delà de la 3ème génération (échec à développer l'entreprise du fondateur, disputes entre héritiers arrivent la plupart du temps). La plus grande partie de la richesse de la famille a été mise dans une fondation à but non lucratif comme une manière de garder la richesse de la famille ensemble en évitant les taxes. Cette fondation donne des subventions à la recherche et à la science et elle possède beaucoup d'actions d'entreprises. Personne n'est propriétaire de l'argent de la fondation, donc personne ne peut le dépenser à son profit. Mais elle aurait pu être ruinée, ce qui n'a pas été le cas. L'accent mis sur la recherche et l'adaptation aux innovations tout en étant responsable de l'utilisation efficace des ressources a contribué à la pérennité des actions de la fondation.

Quant aux multinationales, leurs actionnaires sont des fonds de pension, qui pensent à la réussite à long terme. Les syndicats de salariés le souhaitent également, mais ce n'est possible, lorsqu'on doit satisfaire les clients sur le marché mondial en faisant face à la concurrence, que si on s'adapte et accepte les réorganisations en réduisant les activités qui ne semblent plus avoir d'avenir pour développer celles qui semblent en avoir. Cela était souhaité en Suède et a été réalisé dans le cadre des grandes entreprises existantes.

Un système éducatif basé sur les résultats

La réforme de l'enseignement faite par les sociaux-démocrates a été conçue pour préparer les élèves à ces adaptations. Elle a abouti à une décentralisation totale. Plus de directives nationales. Les autorités locales chargées de l'enseignement savent ce que ça coûte (location des locaux, salaires des enseignants etc.), on ne parle donc pas de gratuité de l'enseignement et il faut utiliser l'argent de façon efficace. La majorité des parents, sachant comment il faut être préparé pour faire face à la concurrence internationale, savent comment choisir les professeurs, et si des élèves ne réussissent pas dans une école, tous savent qu'il n'est pas admissible de continuer à payer leur éducation dans cette école et que l'argent doit être utilisé ailleurs où, d'une manière ou d'une autre, ils réussiront mieux. D'où le risque pour des enseignants de perdre leur poste. A eux de trouver une école où ils pourront faire réussir les élèves ou à se préparer à exercer un autre métier. Cette réforme de l'enseignement n'a pas été contestée lors des dernières élections.

Il a été souligné dans la campagne électorale la faiblesse des créations de nouvelles entreprises parties de rien (start-up, gazelles) créant beaucoup d'emplois et qui ont permis le développement d'activités innovantes aboutissant à de grandes entreprises comme constaté dans des pays étrangers (Google, etc.). La fiscalité suédoise y est sans doute pour quelque chose.

Alors que l'impôt sur les sociétés y est parmi les plus bas d'Europe à 22,9%, un petit actionnaire suédois doit payer 62% d'impôts sur le revenu sur son portefeuille boursier alors qu'un fonds de pension étranger ne paiera que 28%. Cela correspond au fait que le syndicat suédois, soutien des sociaux démocrates, comptait surtout sur les grandes entreprises multinationales dont ces fonds de pension sont les principaux actionnaires pour assurer la plus grande partie de l'emploi en Suède. Il fallait donc une fiscalité qui leur soit favorable.

Les dernières élections ont été l'occasion d'analyser dans le "modèle suédois" ce qui a réussi et ce qui a échoué. Il apparaît que ceux qui en France ont tant admiré le modèle suédois ne sont pas du tout disposés à adopter en France ce qui a fait les succès suédois et que c'est essentiellement ce qui a échoué en Suède qui est ce qu'ils apprécient tant.