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Primaire de la gauche : peu d'économies, beaucoup de dépenses nouvelles

A quelques jours du premier débat de la primaire de la gauche, les candidats ont publié les derniers éléments de leurs programmes venant compléter ce que l'on savait déjà des propositions de chacun (voir notre comparateur des programmes des primaires de la gauche, en cliquant ici). Que peut-on en retenir ? D'abord, qu'à moins de deux semaines du premier tour, les programmes sont encore très lacunaires puisque seules quelques propositions "vitrines", ont fait l'objet d'un chiffrage, à l'exception d'Arnaud Montebourg qui a fourni un tableau de dépense annuelle. Ensuite, que les programmes et les chiffrages ne vont que dans un seul sens : des dépenses publiques à la hausse. Enfin, que pour financer ces importantes hausses de dépenses, il n'y a pas, pour l'instant, d'éléments de chiffrage ni de développement de plan fiscal. Une seule certitude : avec toutes ces hausses de dépenses, la hausse des impôts risque bien d'être au rendez-vous. 

Sont listées ci-dessous, toutes les propositions de dépenses et d'économies de 4 candidats des primaires de la gauche, ainsi que les éléments de chiffrage que les candidats ont fournis eux-mêmes ou les évaluations que nous avons pu réaliser. Hormis une proposition d'économie sur le nombre de parlementaires d'Arnaud Montebourg, tous les candidats ne proposent que des mesures impactant les budgets publics à la hausse (Manuel Valls et Vincent Peillon proposent également de baisser le nombre de parlementaires mais en augmentant, en parrallèle, leurs moyens : nous estimons donc que ces mesures s'effectuent à moyens constants). Les hausses de recettes, majoritairement dûes à l'augmentation de la fiscalité, ne sont pas non plus prises en compte. 

Manuel Valls 

La première mesure phare que le candidat développe est la création d'un "minimum décent" fusionnant une dizaine de minima sociaux afin de permettre à toute personne dépourvue de ressources de mener une vie décente : "Ça serait une allocation attribuée à tous les adultes de plus de 18 ans résidant sur le territoire national depuis au moins quatre ans et, bien sûr, sous seule condition de ressource". Interrogé sur le coût de cette mesure, Manuel Valls a répondu le 9 décembre dernier sur RMC que le minimum décent représenterait une dépense d'environ 30 milliards d'euros. Ce chiffrage n'apparait pas dans son programme officiel publié mardi 3 janvier.

A titre de comparaison, la Fondation iFRAP a proposé et calculé que la mise en place d'une allocation sociale unique permettrait de rationaliser et plafonner le cumul des aides sociales qu'un foyer peut toucher et d'économiser 10 milliards d'euros sur les guichets et les frais de gestion. Voir l'étude complète, en cliquant ici.

Dans son programme, le candidat a précisé vouloir augmenter de 10%, la "retraite minimale de ceux qui ont assez cotisé pour avoir une retraite à taux plein", c'est-à-dire le minimum contributif. Une mesure simple à chiffrer et pourtant, aucun chiffre n'a été donné dans le document de campagne du candidat (ni même dans son tableau présentant son cadrage budgétaire). Dans les faits, cela devrait représenter une augmentation de 755 euros annuels pour les 4,8 millions de bénéficiaires du minimum contributif, soit 3,6 milliards d’euros par an

D'autres propositions sont évaluées par l'équipe de campagne de Manuel Valls ou évaluables, notamment :

  • La mise en place d'un Pacte de sécurité pour la modernisation technologique des forces et le renouvellement des équipements. Manuel Valls prévoit d'y consacrer 2,5 milliards d’euros de 2017 à 2022 ;
  • Manuel Valls déclare aussi vouloir consacrer 1 milliard d’euros par an à nos universités ;
  • Enfin, il veut que les politiques d’achat public de l’État et de l’ensemble des collectivités publiques servent de levier de développement pour les entreprises. "Cela suppose de leur réserver une part significative de la commande publique" et pour cela, il prévoit de doubler "l’enveloppe d’un milliard d’euros dédiée aux investissements locaux", soit 1 milliard d’euros supplémentaire.

Enfin, l'un des consensus des primaires (que ce soit celle de la droite ou de la gauche), semble être l'investissement dans les dépenses de Sécurité. Dans leur majorité, les candidats proposent d'ailleurs les mêmes objectifs à atteindre. Pour Manuel Valls, il s'agit :

  • D'un effort sur le budget Défense qui doit être porté à 2% du PIB en 2025, soit un effort de 8 milliards d’euros en tout (calcul de la Fondation iFRAP) ;
  • De l'instauration d'un service national obligatoire de 6 mois, soit un effort de 1,3 milliard d’euros par an (calcul de la Fondation iFRAP).

Voilà pour le peu d'éléments de chiffrage que l'on peut extraire du programme de Manuel Valls... mais il présente aussi d'autres nombreuses mesures génératrices de dépenses comme la revalorisation de la prime d'activité (pas de chiffrage), son souhait d'obtenir de "vraies augmentations de salaires pour tous les enseignants" (pas de chiffrage), la création d'au minimum 1.000 emplois par an de policiers et de gendarmes (pas de chiffrage), donner plus de moyens à la Justice avec la création de 1.000 postes de magistrats et 1.500 de greffiers sur cinq ans et poursuite de la construction de 10.000 places de prison supplémentaires (pas de chiffrage), le renforcement des bourses au mérite et de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique (pas de chiffrage), la diminution du nombre de parlementaires mais en leur donnant plus de moyens (pas de chiffrage, ni même sur la baisse du nombre d'élus) ou encore le remboursement à 100%, c’est-à-dire sans ticket modérateur, d'un ensemble de soins de ville (pas de chiffrage).

Malgré toutes ces inconnues, on trouve à la page 48 du programme de Manuel Valls un "cadrage budgétaire" qui explique qu'il prévoit "une évolution globale des dépenses publiques de l’ordre de 2,5% par an". Cela représente une augmentation de la dépense publique d'environ 30 milliards d'euros par an. C'est exactement la moyenne annuelle de la hausse des dépenses publiques de ces 10 dernières années. 

Arnaud Montebourg 

Jusqu'à présent, le programme d'Arnaud Montebourg a semblé moins axé sur la dépense publique (la rubrique n'est d'ailleurs pas présente sur son site officiel) que sur une relance de l'entreprenariat et un déverrouillage de la fiscalité des entreprises mais, comme ses concurrents, il vient de publier un programme officiel... qui présente notamment un cadrage budgétaire annuel de +24,4 milliards d'euros par an (soit comme Manuel Valls, à peu près la moyenne annuelle de la hausse des dépenses publiques de ces 10 dernières années). Contrairement à son concurrent cependant, Aarnaud Montebourg ne compte pas augmenter les dépenses sociales mais souhaite investir à très haut niveau dans les infrastructures et l'éducation.

  • Il veut investir 4 milliards d'euros par an pour une relance écologique dans les territoires et l'investissements dans les infrastructures. Arnaud Montebourg milite aussi pour le lancement, à travers la Caisse des dépôts et consignations, d'un programme d'envergure de rénovation thermique des bâtiments publics et privés. Arnaud Montebourg souhaite y consacrer 100 milliards d'euros en tout dont 4 milliards par an, sur 5 ans financés par des emprunts de très long terme sur une durée de 50 ans ;
  • Le candidat promet vouloir généraliser le dispositif "Plus de maitres dans les classes" pour 3,7 milliards d'euros par an, de revaloriser le salaire des enseignants pour 4,4 miliards d'euros par an.

Les deux candidats se rejoignent cependant sur l'investissement dans la sécurité des Français. Arnaud Montebourg veut réinstaller les commissariats de police dans les quartiers sensibles de façon systématique, recruter des policiers et renforcer les moyens des forces de sécurité pour 400 millions d'euros par an, et aussi porter le budget de la Défense à 2% du PIB pour 4,4 milliards d'euros par an. Il veut aussi réinstaurer un service national universel, civil, humanitaire et militaire pour 3 milliards d'euros par an. Service national qui ouvrira la possibilité aux jeunes d'accéder à un micro-crédit pour un investissement public de 1 milliard d'euros par an.

D'autres propositions sont évaluées par l'équipe de campagne d'Arnaud Montebourg, notamment :

  • La création d'une mutuelle publique à 10 euros par mois pour un budget de 1,9 milliard d'euros par an ;
  • L'embaucher 5.000 postes dans la fonction publique hospitalière pour 300 millions d'euros par an ;
  • Un plan culture pour tous pour 500 millions d'euros par an ;
  • Un plan de lutte contre les déserts médicaux pour 500 millions d'euros par an.

Nous ne comptabilisons pas les mesures d'investissement en faveur de l'emploi (comme la création d'une assurance formation ou la généralisation du contrat d'activité) puisque les déclarations du candidat indiquent qu'il souhaite financer ces mesures grâce à la formation professionnelle ou une réforme du CICE.

Enfin, à l'heure actuelle il est le seul, mais Arnaud Montebourg propose aussi une mesure "d'économie" lorsqu'il explique vouloir réduire le Sénat à 200 membres dont 100 citoyens tirés au sort sur les listes électorales de chaque département. Selon ses équipes, cela représente une économie de 300 millions d’euros.

Benoit Hamon 

Benoit Hamon est le premier candidat de la primaire de la gauche qui a développé son programme... mais ce, sans aucun élément de chiffrage. Comme chez Arnaud Montebourg, il n'y a pas de rubrique finances ou dépenses publiques sur son site officiel. Il propose pourtant des mesures qui impacteraient beaucoup notre (des)équilibre budgétaire comme la création d'un revenu universel d'existence. Il explique vouloir procéder en plusieurs étapes : dès 2017, le RSA serait augmenté de 10% à hauteur de 600 euros (cela représente une augmentation de 28 milliards d'euros pour les 5,3 millions de bénéficiaires actuels). Il serait versé automatiquement à tous les ayants droit ainsi qu’à tous les jeunes de 18 à 25 ans quel que soit leur niveau de ressources (avec environ 5 millions de jeunes de 18 à 24 ans, cela représente une dépense de 36 milliards d'euros). Concernant les ayants droit, une étude du ministère de la Santé de 2011, évalue le non recours à 50%... ainsi, si Benoit Hamon parvient à atteindre un taux de recours de 100% cela pourrait donc représenter une nouvelle dépense de 38 milliards d'euros. Ce revenu sera ensuite étendu à l’ensemble de la population et atteindra la somme de 750 euros : pour cette finalité, le candidat estime dans la presse (et non dans son programme) que le coût total sera de 300 milliards d'euros. Dans son programme, il développe l'idée que ce revenu universel pourra être financé par la mise en place d'une taxe sur les robots intelligents (c'est-à-dire qui effectuent le travail d'un ouvrier), une taxe qui, pour l'instant, n'existe nulle part ailleurs et donc, dont la collecte n'est absolument pas évaluable. 

Si Benoit Hamon ne fait pas de proposition impactant les budgets de la Défense ou de la Justice, il propose aussi : 

  • De lancer un Acte II de l’économie sociale et solidaire pour porter cette économie de 10 à 20% du PIB d’ici 2025, ce qui représente une augmentation de 200 milliards d'euros en 8 ans ;
  • Une revalorisation des minimas sociaux, du point d'indice de la fonction publique et du smic de 10%. D'après les calculs de la Fondation iFRAP, cela représenterait déjà 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires sur les minimas sociaux et environ 20 milliards d'euros sur le point d'indice ;
  • De lancer un vaste plan de rénovation énergétique des bâtiments publics et privés sur le quinquennat (pas de chiffrage) ;
  • De porter le budget consacré au développement et à la diffusion de l’art et de la culture à 1% du PIB (pas de chiffrage... mais il faut noter que le budget du ministère de la Culture est déjà de 1,1% du PIB en 2017) ;
  • Ouvrir des centres d’accueil du Planning Familial dans toute la France (pas de chiffrage).

Vincent Peillon

Vincent Peillon, comme Manuel Valls, a développé l'intégralité de son programme début janvier. Il s'agit d'un programme plutôt court avec quelques éléments de chiffrage, notamment en termes de Défense avec :

  • Une hausse des moyens de la Justice où il propose une augmentation de 5% par an, pour atteindre 2 milliards d'euros en tout ;
  • La restauration de la capacité opérationnelle de nos armées en portant progressivement, sur une décennie, notre effort militaire à 2% du PIB, soit un effort de 8 milliards d’euros en tout (calcul de la Fondation iFRAP).

Pour le reste des politiques publiques, il propose et chiffre :

  • La revalorisation des carrières de l’enseignement supérieur et de la recherche sur 10 ans ainsi qu'une augmentation du budget de l’ANR sur cinq ans. Pour la recherche et l'enseignement supérieur, Vincent Peillon souhaite investier 1 milliard d’euros supplémentaires par an, soit 5 milliards d'euros sur le quinquennat ;
  • L’extension de la Garantie jeunes pour atteindre 200.000 bénéficiaires à l’horizon de 2020. Vincent Peillon estime cette mesure à plus de 200 millions d’euros ;
  • La création d’un service public de maisons de retraite, "qui visera à offrir aux personnes qui en ont besoin un séjour gratuit ou à contribution extrêmement faible, sous conditions de revenus et de patrimoine. 10.000 places par an seront ainsi créées, soit 50.000 sur le quinquennat et 250.000 à horizon 2040. Une partie de ce nouveau service public sera financée par l’APA des personnes concernées. Le reste sera financé par l’État à hauteur de 300 millions d’euros par an, soit 1,5 milliard d’euros sur cinq ans".

D'autres mesures impactant le budget ne sont, elles, pas évalués, comme la montée en puissance de la réserve opérationnelle des armées, le recrutement de 5.000 gendarmes et policiers supplémentaires et l'augementation de la dépense publique pour l'enseignement primaire.