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Défense : dégager des marges de manœuvres pour investir dans l'équipement

L’actualité du début d’année, la décision de l’exécutif de freiner la politique de réduction des effectifs du ministère de la Défense et l’actualité internationale pose une question à la France : quelle orientation notre politique de Défense doit-elle suivre et plus important encore, avons-nous les moyens financiers pour assurer une défense nationale haut de gamme ? Le tout, sans remettre en cause le besoin de baisse des dépenses publiques. Cela passera nécessairement par une véritable réforme l’État : et réformer l’État, cela suppose aussi de réformer à budget constant le ministère de la Défense (MINDEF).

Une piste de financement : les cessions immobilières

La logique financière en ces temps de réduction de déficit du budget de la France n'est pas de dépenser plus mais de dépenser mieux. Cela suppose d'analyser poste par poste domaine par domaine toutes les économies de fonctionnement pouvant être réalisées avant d'augmenter la part du budget du MINDEF dans le PIB du pays.

A ce titre, la France doit privilégier le développement de forces armées de plus en plus spécialisées et en nombre moins important que lors des précédents conflits du 20ème siècle mais en qualité supérieure dont l'engagement opérationnel qui a un coût plus important, mériterait un partenariat européen plus significatif. C'est ainsi que le MINDEF pourrait se séparer avec un réel bénéfice d'une partie de son patrimoine dont le coût de fonctionnement est assez onéreux pour financer les dépenses d'équipement des forces engagées face aux défis et menaces qui affectent la sécurité et la défense de notre pays.

En vue de financer les équipements dont les forces armées ont besoin, des recettes exceptionnelles doivent être recherchées avec la cession d'emprises à forte plus-value dans le secteur de l'immobilier. C'est ainsi que la vente en 2015 du site Penthemont-Bellechasse, auparavant occupé par le secrétariat d’État aux Anciens combattants3, situé dans le VIIéme arrondissement de paris a rapporté 137 millions d’euros. A titre d'indication, ci-dessous le tableau du montant des cessions du MINDEF estimé par France Domaine (source Sénat - LPM 2009-2014) :

Dénomination de l'immeuble

Localisation

Date de réalisation 
de la cession

Date de cession envisagée

Valeur ou prix de cession si l'immeuble a déjà été cédé)

Abbaye de Penthemont

37, rue Bellechasse 75007

 

2013

77 M€

Pavillon Penthemont

39, rue Bellechasse 75007

Hôtel du Génie

104, rue de Grenelle 75007

Îlot Saint Germain

231, boulevard Saint-Germain 75007

 

2014

320 M€

Hôtel de l'Artillerie

1, place Saint Thomas d'Aquin 75007

 

2013/2014

104 M€

Caserne de la Pépinière

15, rue Laborde 75008

 

2013

91 M€

Caserne Reuilly

20, rue de Reuilly 75012

  Juillet 2013

2013

72 M€.

 Cependant, il est à constater que la cession d'emprises immobilières du MINDEF à des collectivités territoriales ne permet pas d'engranger de substantielles recettes ; ainsi la caserne Reuilly a été vendue en 2013 à la Ville de Paris pour 40 millions d'euros, soit 30% de moins que ce qui a été évalué supra.

Concernant l'hôtel de la Marine (place de la Concorde à Paris - 22.000 m², dont 5.800 m² d'espace habitable comprenant 552 pièces), il est destiné à rester dans le giron de l’État (Centre des Monuments Nationaux) qui aura la responsabilité de son entretien et de mise en valeur dont le coût sera inévitablement important. Et c'est donc une recette de moins pour le MINDEF alors qu'une cession au secteur marchand aurait certainement permis d'engranger de substantielles recettes. D'autres possibilités de cession toutes aussi sinon plus avantageuses pourraient être envisagées dans la région parisienne comme l'Hôtel de Brienne, le Fort-Neuf de Vincennes, le Quartier des Loges de Saint-Germain en Laye (en face du club de foot du PSG), le Quartier Estienne à Rambouillet, le Quartier Galliéni de Maisons-Laffitte...en recentrant les unités qui y sont actuellement stationnées sur un nombre plus restreint de sites de la région Île de France (plateau de Satory, Mont-Valérien, Ballardgone...), voire en délocalisant d'autres en province.

Des cessions peuvent être aussi envisagées en province où il existe de sérieuses possibilités de recettes : ainsi sont présentés les 2 exemples suivants :

  1. alors que l'état-major de la 27ème brigade de montagne est installé à Varces (avec 2 régiments), elle conserve l'hôtel de la division en face de la préfecture et la caserne de l'Alma située à 300 mètres de cette dernière ;
  2. alors que le 4ème Régiment de chasseurs de Gap est implanté sur une grande emprise, le MINDEF a conservé une partie de la caserne Reynier en plein centre ville pour y baser de petits organismes (ex : CIRFA) qui pourraient migrer vers la caserne régimentaire.

En fait, tout en faisant l'économie de coûts de fonctionnement importants de sites, certes historiques, mais non fonctionnels, l'objectif primordial est de fournir aux forces armées engagées dans des OPEX de plus en plus onéreuses le meilleur des équipements de haute technologie leur permettant de participer activement à la défense et la sécurité des intérêts du pays. Cela suppose pour le MINDEF de se séparer d'un patrimoine immobilier, certes chargé d'histoire, mais coûteux en entretien et alors que ses ressources budgétaires sont comptées. Ce n'est pas la première fois que le MINDEF pourrait alièner des infrastructures historiques : ainsi, a été cédé mi-2000 à la ville de Nancy, le palais du gouvernement qui était le siège de différents états-majors.

Quelles pistes de réformes déjà couvertes :

L'objectif est de consacrer le maximum des ressources budgétaires au domaine de l'investissement1, notamment en ce qui concerne les équipements de haute technologie. Les économies potentielles à dégager ont déjà été mises en évidence, notamment dans le domaine du fonctionnement et en particulier en externalisant la fonction soutien courant, ce qui est d'ailleurs effectué en OPEX. Les secteurs pouvant faire l'objet du transfert de la maîtrise d’œuvre de cette logistique au secteur privé peuvent être les suivants : habillement, alimentation et restauration, entretien et fonctionnement des bases de défense (BdD)... par le biais de contrats globaux passés sur le modèle « facility management ».

 

Ce n'est pas la quantité des matériels (très onéreux) qui compte, mais leur qualité qui doit être de plus en plus performante

Actuellement la France est engagée, et de plus en plus, dans les fonctions aéronautiques et navales lors de conflits asymétriques qui supposent d'équiper les forces armées avec des matériels de plus en plus performants. En outre, le cadre multinational des interventions auxquelles la France participe permet de partager le « fardeau opérationnel » se traduisant par l'engagement d'une partie de ses moyens ; confer ci-dessous les moyens projetés pour l'OPEX CHAMMAL :

Nb : l'armée de l'air a un parc de plus de 200 avions de combat et la marine environ 50.

Ainsi, la particularité de l'avion Rafale est de pouvoir assurer plusieurs missions (reconnaissance, bombardement, interventions air-sol, affrontements air-air...) alors que d'autres aéronefs étrangers sont plutôt spécialisés dans une de ces possibilités. Le fantassin français de 2015 emporte une capacité de feu de plus de 10 fois supérieure à celle de son homologue des années 1970-1980. La Marine nationale dispose de 3 bateaux de projection et de commandement2 (BPC-Mistral) qui ont des capacités opérationnelles 2 à 3 fois supérieures à celles réunies des 4 transports et chalands de débarquements (TCD) de type Ouragan et Foudre et du porte-hélicoptères « Jeanne d'Arc ». Le camion équipé d’un système d’artillerie (Caesar) a une puissance de feu largement supérieure à l'automoteur chenillé (sur châssis AMX 30) AUF1 de 155m/m.

Dans le domaine des drones, il faut constater que la France a enregistré un retard en raison de multiples facteurs : baisse des budgets d'investissement du MINDEF, absence de politique européenne pour la réalisation de ce type de matériels (alors qu'AIRBUS peut être considéré comme une réussite), difficulté de créer des groupes d'entreprises pour lancer des projets, difficile appréhension de certains responsables d'états-majors sur l'utilité opérationnelle de ce type de matériel. Finalement, la France s'est résolue à acquérir des drones d'origines américaine et israélienne avec des coûts d’acquisition parfois très importants, mais dans des fonctions de reconnaissance, renseignement et surveillance qui excluent, à ce jour, l'emport d'armes létales. Cet équipement d'origine étrangère est susceptible d’obérer l’indépendance de la France en ce qui concerne leur utilisation.

Les drones sont spécialisés dans 3 domaines de la 3ème dimension :

  1. haute altitude : espionnage mis en œuvre par les américains ;
  2. moyenne altitude (MALE) : reconnaissance, renseignement, surveillance (utilisés par l'armée de l'air) et combat (utilisés par d'autres pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni) ;
  3. basse altitude : renseignement tactique mis en œuvre par les forces spéciales et l'armée de terre (61ème régiment d'artillerie).

Il reste en outre une piste d'équipement de la marine nationale avec des drones tactiques de type SERVAL (Système Embarqué de Reconnaissance Vecteur Aérien Léger) qui est conforté par l'actualisation de la LPM 2014-2019 et qui peut être mis en œuvre à partir de ses différentes plateformes navales (porte-avions, frégates, BPC MISTRAL...).

Les drones qui restent en l'état actuel de leurs capacités un complément indispensable aux aéronefs pilotés par du personnel à bord, présentent de sérieux avantages, sous réserve de leur rayon d'action, en ce qui concerne l'exécution de missions identiques assurées par ces derniers, notamment en économie d'heures de vol (carburant, maintenance...) mais aussi de ressources humaines embarquées (qui peuvent être confrontées à des actions anti-aériennes hostiles).

La France ne peut pas faire l'économie de se doter d'une flotte de drones (notamment MALE) de fabrication française qui peut s'appuyer sur un partenariat avec des pays européens. Leur mise en œuvre suppose aussi de consacrer des personnels spécialisés dont l'armée de l'air ne dispose pas actuellement en nombre suffisant. A ce titre, en vue de formuler des propositions de renforcement des unités opérationnelles des armées en effectifs, l'IFRAP étudie toutes les possibilités d'économies en personnel :

  • de soutien (ex : pour l'alimentation = environ 12.000 personnels, habillement = environ 1.600 personnels...) avec l'externalisation de cette fonction et la diminution du nombre de BdD qui doivent être plus densifiées et recentrées sur des sites géographiques uniques,
  • d'environnement (ex : plus de 3.500 personnels dans les fonctions « anciens combattants et victimes de guerre », « service national », « service historique de la Défense », « organisation territoriale interarmées de la défense », « service militaire volontaire »...).

1Cet objectif n'exclut pas d'offrir aux militaires des prestations de soldes, de primes et indemnités à la hauteur de leur engagement opérationnel et de leurs qualifications techniques.

2L'évolution de l'engagement de la marine nationale depuis les années 2000 dans des OPEX de différentes natures (combat comme en Lybie en 2011, évacuation de ressortissants au Liban en 2006, humanitaire en Indonésie en 2004 et Haïti en 2010) laisse supposer la nécessité de la doter d'un 4ème BPC sans obérer le programme d'équipement d'autres bâtiments (ex : frégates FREMM) et notamment parce que les bâtiments multi-missions remplaçant les BATRAL stationnés dans les DOM-COM n'ont pas de capacités amphibies .

3Un article de l'iFRAP du 9 avril 2015 avait posé la question de l'opportunité de conserver le secrétariat aux anciens combattants et victimes de guerre.