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-138 places de prison opérationnelles depuis le 1er janvier 2020

L’administration pénitentiaire met régulièrement à jour les statistiques concernant la population détenue et/ou écrouée. On constate ainsi au 1er avril 2023, une surpopulation carcérale de 120% contre 117,1% une année auparavant. S’agissant des quartiers d’arrêts et des maisons d’arrêts (MA/QA) où sont placés les courtes peines et en détentions préventives, les statistiques sont encore plus dégradées, avec une densité carcérale de 142,2% au 1er avril 2023 contre 139% au 1er avril 2022. Est-ce un phénomène passager qui devrait s’améliorer dans les prochaines années ? Une surchauffe au sortir du Covid, période durant laquelle la population incarcérée avait drastiquement diminué pour raisons sanitaires ?

Une surpopulation carcérale en 2023 qui dépasse son niveau de janvier 2020

Source : Administration pénitentiaire

La surpopulation carcérale au 1er avril 2023 dépasse désormais le niveau atteint au 1er janvier 2020, soit en MA/QA 142,2% contre 141,1% et tous types d’établissements confondus 120% contre 117,8%.

Peut-on cependant penser que cette situation sera passagère étant donné la montée en puissance des nouveaux programmes pénitentiaires déployés par l’actuel gouvernement ? Lors de la précédente législature, l’Exécutif avait annoncé « la mise en chantier d’ici à 2022 de 7.000 premières places, qui seront livrées terminée ou à un stade avancé de construction à cette échéance » puis dans un second temps, de 8.000 places supplémentaires d’ici 2027[1].

Si l’on prend une focale 1er janvier 2020- avril 2023, la situation est totalement stable du côté du nombre de places opérationnelles. Leur nombre était au 1er janvier 2020 de 61.037 places contre 60.899 au 1er avril 2023 :

Source : Administration pénitentiaire, calculs Fondation iFRAP mai 2023

On peut repère donc une légère baisse due sans doute à des décalages entre l’obsolescence de certaines places et la livraison de nouvelles retardées par la survenance en 2020 de la pandémie. Au plus fort de la pandémie, les détenus sont même passés en dessous du nombre de place opérationnelles dégageant une surcapacité carcérale absolue pendant 3 mois. On constate de plus un phénomène classique de cannibalisation des nouveaux programmes pénitentiaires par les anciens. Phénomène qu’avait bien mis en évidence le Garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas en 2016[2] et qui prévoyait qu’en 2022 n’entreraient en fonction que les places livrées des programmes « 63 500 » et « 3 200 » de 2014[3].

Il vaut mieux parler de sous-capacité carcérale

Si l’on élargie la focale cette fois en partant des années 2000, le constat est le suivant[4] : en dehors de l’année 2001 où une légère surcapacité carcérale pouvait être relevée, la surpopulation carcérale n’a fait que s’accroître, nonobstant l’augmentation continue du nombre de places opérationnelles de prison.

Source : Administration pénitentiaire, calculs Fondation iFRAP mai 2023

Mais alors que la population incarcérée semble poursuivre au même rythme son augmentation qu’en période pré-crise (pointillés rouges), le nombre de places opérationnelles marquent le pas en se stabilisant en plateau. Il se produit donc comme un décrochage entre l’augmentation inexorable de la population carcérale et le nombre de places disponibles.

11.000 places supplémentaires en 22 ans

Les statistiques détaillées fournies en fonction du type d’établissement permettent de comprendre la ventilation de l’augmentation des places disponibles entre 2000 et 2023 (au 1er janvier) :

Au 1er janvier

Nbre de places

Opérationnelles

Centre de détention et quartier de centre de détention (CD et qCD)

Centre/quartiers de centre national d'évaluation (CNE et qCNE)

Centre pour les peines aménagées (CPA)

Centre de semi-liberté (CSL)

Etablissement pénitentiaire pour mineurs (EPM)

Maison d'arrêt et quartier de maisons d'arrêt (MA et qMA)

Maisons centrales et quartiers de maisons centrales (MC et qMC)

Etablissement public de Santé National (EPSN)

Ensemble des établissements

2000

14 448

 

 

629

 

31 690

2527

 

49 294

2023

20 348

169

633

1 446

1 153

34 734

2 103

84

60 670

Variation

5 900

169

633

817

1 153

3 044

-424

84

11 376

Source : Administration pénitentiaire, calculs Fondation iFRAP mai 2023

Entre 2000 et 2022 le nombre de places opérationnelles s’est accru de 11.376 unités. Les quartiers d’arrêt et maisons d’arrêt ne représentant que +3.044 places, soit 27% des créations. Les places en centre de détention et quartiers de détention se taillent la part du lion avec +5900 unités (52%), ainsi que les établissements pour mineurs (1.153 places, mais inexistantes dans les années 2000). Les maisons centrales et quartiers de maisons centrales elles pour les longues peines perdent quant à elles des places (-424 places) en 24 ans. Clairement la priorité n’a pas été mise dans la construction de nouvelles places opérationnelles sur la résorption de la surpopulation carcérale des courtes peines et des personnes en attente de jugement (détentions provisoires). Le parc pénitentiaire français est donc en sous-capacité carcérale structurelle.


[1] https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/alors-que-la-surpopulation-carcerale-explose-letat-t-il-baisse-les-bras

[2] Consulter son rapport En finir avec la surpopulation carcérale, septembre 2016, https://www.justice.gouv.fr/publication/rap_jj_urvoas_encellulement_individuel.pdf.

[3] Op.cit, p.25.

[4] Voir la série longue publiée par l’administration pénitentiaire, http://www.justice.gouv.fr/art_pix/PPSMJ_2022_vf.pdf