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Paul Krugman, prix Nobel et nostalgique d'un syndicalisme périmé

« L'écroulement du mouvement syndical américain qui s'est produit à partir des années 1970 n'a d'équivalent dans aucun autre pays occidental ». Cette phrase est extraite d'un livre publié par Paul Krugman, le prix Nobel Economie 2008 et éditorialiste au New York Times, « The conscience of a liberal » traduit en Français sous « L'Amérique que nous voulons » (Flammarion).

Pour ceux qui ont vu le taux de syndicalisation passer en France d'environ 50% dans l'immédiat après-guerre à 5% maintenant et ne subsister à ce niveau que grâce à la très forte syndicalisation du secteur public alors qu'aux USA, le taux moyen de syndicalisation est plus que double, il y a matière à questionner la qualité des sources de l'auteur.

On est encore plus étonné par l'idéalisation du syndicalisme aux USA et le regret que les syndicats ne puissent plus défendre les syndiqués comme par le passé. Mais Krugman n'a probablement jamais eu l'occasion de vivre dans une entreprises syndiquée américaine où les syndicats décident de l'affectation des ouvriers aux différents postes de travail. Le signataire l'a vu et pas dans une seule entreprise : un ouvrier assigné à un poste où il était totalement incompétent et fabriquant 98% de pièces défectueuses simplement pour ne pas resserrer un axe d'indexage qui avait pris du jeu, dans une autre entreprise, une machine de très haute précision et de coût correspondant utilisée au tiers du temps car le syndicat s'opposait à une révision des chronométrages. Et la disparition de ces deux entreprises et d'autres car incapables de survivre à la compétition venue du Japon.

Krugman constate que Walmart n'est pas syndiqué alors que c'est, avec 800.000 salariés, la plus grande firme américaine et qu'elle a remplacé le General Motors des années 60 comme la plus importante firme US. C'est au complot des patrons et de la droite conservatrice qu'il attribue ce qui constitue pour lui manifestement un revers de la démocratie. Mais il ne se demande jamais si la raison de cette non-syndicalisation de Walmart n'est pas que le personnel dans sa grande majorité n'en veut pas.

La grande majorité des salariés a peut-être compris que le syndicalisme, tel du moins qu'il est pratiqué, aboutit à une condamnation de leur entreprise. Nous ne vivons plus dans une société de fabrication, où les travailleurs sont des numéros rendus interchangeables par le taylorisme, et où le syndicat est l'ultime rempart pour rendre au travailleur sa nature humaine ; cela aussi, le signataire de ces lignes l'a vécu chez Renault dans les années 50.

Mais depuis, le monde a évolué ; la force d'une entreprise repose sur la contribution de ce que peuvent apporter chaque salarié du plus haut gradé au plus humble et il n'y a plus besoin d'un intercesseur comme il y a 50 ans.

Pouvons-nous nous passer de syndicalisme ? La réponse est clairement non. Il y aura toujours des progrès sociaux nécessaires et le patronat ne peut être seul à en décider. La question est : quel syndicalisme ? Celui qui s'oppose à toute réforme ? Ou donc l'unique credo est la lutte des classes ? Ou un syndicalisme de progrès, fondé sur le réalisme ? C'est une question que Krugman n'évoque même pas. Les prix Nobel sont parfois un peu détachés du réel.