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Manœuvres dérisoires autour du bouclier et des niches fiscales

A la recherche d'une raison pour ne pas soutenir le RSA gouvernemental, les socialistes n'ont pas trouvé mieux que de justifier leur abstention à l'Assemblée Nationale par son mode de financement : la taxe de 1,1% sur les revenus de l'épargne et du patrimoine ne serait pas payée par les « riches » en raison du jeu du bouclier fiscal qui écrête tout nouvel impôt. Il faudrait donc, selon les socialistes, exclure cette taxe du calcul du bouclier. Il ne s'agit évidemment que d'un coup politique destiné à s'attaquer au bouclier lui-même. Car celui-ci inclut notamment tous les impôts sur le revenu, et il n'y a donc pas plus de raison d'exclure la nouvelle taxe qu'aucun autre impôt. Le bouclier existe ou n'existe pas. On comprend moins que certains députés de la majorité aient cru devoir emboîter le pas des socialistes tout en affirmant qu'ils soutenaient sans réserve le bouclier …

Le plus cocasse dans cette histoire est l'intérêt minuscule d'une dispute qui a agité l'Assemblée Nationale pendant plusieurs jours. Combien en effet de contribuables seraient-ils concernés et pour quels montants ? Par définition il s'agirait de personnes disposant d'un patrimoine de « riche », mais aussi d'un minimum de revenus d'épargne ou de patrimoine, et dont l'impôt est limité par le jeu du bouclier. Un tableau statistique fourni par Bercy nous permet de connaître le nombre de contribuables bénéficiant du bouclier.

Ce tableau possède une double entrée croisée :
- par montant de revenu fiscal
(dix déciles de moins de 3.753 euros à plus de 41.982 euros)
- par montant de patrimoine
(sept catégories, de moins de 750.000 euros, seuil de l'ISF, pour la première, à plus de 15.530.000 euros).

Nous avons choisi le nombre de contribuables correspondant - d'une part à la tranche maximum de revenu, soit plus de 41.982 euros, car ce chiffre est en soi peu important mais qu'il faut quand même disposer d'un minimum de revenus pour payer la nouvelle taxe, - et d'autre part à la troisième tranche de patrimoine, soit plus de 1.200.000 euros – choix qui, on en conviendra, procède d'une large définition de la richesse, probablement plus large que celle visée par les socialistes. Or ces contribuables sont très exactement au nombre de 1.832 !

On ne connaît pas le montant des revenus taxables à 1,1% dont ces 1.832 contribuables disposent, mais il y a fort à parier que le rendement de la taxe, à supposer que la proposition socialiste eût été retenue, se situerait au plus autour d'une dizaine de millions d'euros. Beaucoup de bruit pour rien.

Tout ceci est d'autant plus regrettable que le Gouvernement s'est cru obligé de faire comme on dit un geste pour faire payer d'une autre façon les riches : c'est ainsi qu'a été voté le plafonnement global des niches fiscales, mesure que l'iFRAP considère comme malheureuse, mais qui rapportera cette fois plus de 200 millions d'euros, donc beaucoup plus que la mesure préconisée par les socialistes. Comme quoi le jeu de la politique conduit à des absurdités.