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Les Echos | Pôle emploi, des réformes à engager d'urgence

Lundi 27 août 2012, Les Echos publient une tribune d'Agnès Verdier-Molinié et Jean-Hippolyte Feildel, de la Fondation iFRAP, à l'occasion de l'étude consacrée à Pôle Emploi du mois de juillet.

C'est un constat quasi unanime : Pôle emploi ne fonctionne pas. L'établissement public « donne encore l'impression d'un vaste chantier » (citation de Suzie Petit (CFE-CGC) dans le rapport Alduy 2011). Comment réformer ce système qui ne satisfait plus ni les agents, ni les demandeurs d'emploi, ni les employeurs ?

Avec près de 160 demandeurs d'emploi par conseiller en moyenne, loin des 60 théoriques, l'établissement accuse en effet une qualité d'accompagnement bien en deçà de celle de ses voisins, en particulier le Royaume-Uni, où l'on compte 30 demandeurs d'emploi par conseiller en moyenne. Par ailleurs, de façon inexpliquée et comme l'a souligné le rapport de l'Inspection générale des finances, seulement 33 % des effectifs de notre service public de l'emploi (SPE) se consacrent à l'accompagnement et au placement des chômeurs, contre plus de 50 % du SPE britannique, bien que nos effectifs totaux soient supérieurs aux leurs, 62.000 équivalent temps plein travaillé (ETPT) contre 52.000 outre-Manche (chiffres IGF).

Les exemples étrangers ne manquent pas pour montrer qu'il est possible de faire mieux. L'Australie, par exemple, recourt intégralement aux opérateurs privés de placement (OPP), qui sont pour 79 % d'entre eux sans but lucratif. Régionalisés, spécialisés et attentifs à l'intensification de l'accompagnement, ils sont régulièrement évalués par le ministère de l'Emploi, qui tient compte de leur performance dans la rémunération qu'il leur verse. La transparence et l'évaluation sont les maîtres-mots de ce système qui a inscrit dans ses principes la maximisation de la « value for money ».

En France, à l'inverse, le recours aux OPP est timide et l'évaluation, balbutiante. Les données sur l'activité et les résultats de Pôle emploi sont peu nombreuses. Impossible, par exemple, d'obtenir des données budgétaires fines afin de comparer le coût de placement par Pôle emploi. C'est d'autant plus étonnant que les rapports publics sur ces questions sont nombreux mais ne comparent jamais les coûts. D'après nos estimations, placer un demandeur d'emploi durablement reviendrait 1.000 euros plus cher par Pôle emploi que par un OPP lorsqu'on les compare sur un service équivalent (Cap vers l'entreprise). Faute de transparence de la part de Pôle emploi, il est cependant malheureusement impossible de valider avec certitude ce chiffre.

A l'heure où se met en place le plan Pôle emploi 2015, il est nécessaire d'évoquer les pistes de réformes de l'établissement public. Le processus de régionalisation est en bonne voie, reconnaissant l'importance d'une gestion de proximité des besoins en emplois, mais d'autres points sont encore négligés. Notamment, ce plan ne réserve aux OPP qu'une place marginale. Une réforme de Pôle emploi ne peut exclure de mieux définir la place de ces acteurs qui, rien qu'en 2009, ont pris en charge à la demande de Pôle emploi près de 489.000 demandeurs d'emploi, pour un coût total de 349 millions d'euros. Les exemples étrangers que nous avons étudiés montrent que Pôle emploi aurait à gagner à faire davantage appel à eux : leurs coûts sont moindres, ils sont plus souples, se spécialisent facilement et s'adaptent rapidement à la conjoncture. Certaines initiatives en France, comme celle de la Fondation du sport, Sport emploi, montrent par ailleurs que le secteur associatif sans but lucratif est capable de remplir des missions d'accompagnement et de placement des chômeurs aussi bien, voire mieux, que l'établissement public.

En outre, comme nous l'avons évoqué, les chiffres notamment budgétaires sur le placement des demandeurs d'emploi doivent être plus transparents. Pôle emploi ne peut être juge et partie dans le contrôle de son action. Le plan 2015 accorde certes une importance plus grande sur le papier à l'évaluation et à l'amélioration de son efficacité mais, en l'absence de propositions concrètes sur la mise en œuvre de cet objectif, le pilotage par les résultats risque de rester un vœu pieux.

Pôle emploi dispose d'une expertise en matière d'indemnisation, d'accueil et d'orientation des demandeurs d'emploi, mais échoue dans l'accompagnement personnalisé et, in fine, le placement effectif. C'est sur cette réflexion de fond qu'il conviendrait d'organiser une coopération constructive avec le secteur privé en alliant délégation de service public, spécialisation et régionalisation. Les propositions que formule la Fondation iFRAP pour réformer Pôle emploi sont à retrouver dans l'étude « Pôle emploi, l'urgence d'une rénovation ».