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Le prix du pétrole et les "effets cliquet" de sa fiscalité

Prime à la cuve, taxe poisson, taxe carbone ...

Souvenez-vous, c'était il y a deux ans, le prix du brut entamait des mouvements impressionnants de yoyo. Venant d'environ 60 dollars, le baril de WTI passait à plus de 100 en début d'année 2008, atteignant jusqu'à 147 en milieu d'année pour retomber brutalement à moins de 40 dollars. Il est maintenant remonté à 78 dollars.

Fin 2008, Nicolas Sarkozy se rend au Guilvinec, et après quelques vicissitudes est instaurée la « taxe-poisson », qui, égale à 2%, est payée par la grande distribution et abonde un fonds de modernisation de la pêche, faute de pouvoir être directement versée aux marins-pêcheurs pour des raisons de concurrence européenne. Aujourd'hui la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution demande à ce qu'il soit mis fin à cette disposition discriminatoire qui pénalise la grande distribution et n'est plus justifiée par le cours du fuel, mais le gouvernement reste muet.
Parallèlement, la prime à la cuve, instituée en 2005 au profit des ménages les plus pauvres, passait à 150 euros en novembre 2007 lorsque le fioul domestique atteignait 0,76 euros le litre, puis à 200 euros en juillet 2008 avec un litre à presque 1 euro. Aujourd'hui, le litre est redescendu à 0,58, soit moins, en euros constants, qu'en 2005. Le gouvernement entend cette fois logiquement mettre fin à cette prime.
Levée de bouclier des personnes concernées. Les marins-pêcheurs défendent leur taxe-poisson en argumentant du fait qu'il se pourrait bien dans l'avenir que les cours du fuel remontent (!). Et l'UFC-Que Choisir de son côté proteste contre la suppression d'une mesure d'aide aux catégories défavorisées, sans avoir égard au caractère exceptionnel du motif qui avait justifié l'introduction de la mesure.

Il y a trois morales à cette histoire.

La première tient évidemment à la règle du cliquet ou du toujours-plus dictée par la défense des intérêts catégoriels. Chacun défend son bifteck contre vents et marées, après tout c'est normal, mais le gouvernement a raison de tenir bon.
La deuxième tient au rapprochement entre les deux mesures, lesquelles justifieraient logiquement un sort identique. Mais la décision politique ne sera pas identique selon que vous serez un lobby puissant ou misérable…
La dernière morale, c'est que plus on multiplie les mesures et taxes, ce qui, on en conviendra, est la marque de la fiscalité contemporaine, plus on risque de se prendre les pieds dans le tapis. Le gouvernement nous en donne un bel exemple avec le choc entre ces mesures que l'on vient de rappeler et la taxe carbone. Les premières maintiennent le prix le plus bas possible pour des biens considérés comme essentiels, tandis que cette dernière vise à augmenter le coût des mêmes énergies parce qu'elles sont polluantes. Où peut dès lors se situer un message cohérent ?

On avait connu la discussion sur la TIPP flottante. En fait nous aurons la prime à la cuve flottante, la taxe-poisson flottante et la taxe carbone flottante. Tout cela flottera au gré des (grosses) vagues causées par les fluctuations considérables du cours du brut, afin d'assurer en permanence le meilleur compromis possible entre le rendement fiscal optimal et l'acceptabilité du prix final pour le consommateur. Mais est-il bien nécessaire d'ajouter une taxe carbone aux dispositifs existants, qui suffisent bien déjà à atteindre ce compromis ? Nous ne le pensons pas.