Le Pen – Macron : ce qu’ils proposent pour le logement
En matière de logement, les propositions des deux candidats en lice pour le 2e tour sont assez détaillées et marquées par un fort interventionnisme, alors même que la politique publique du logement est déjà en France parmi les plus interventionnistes avec des aides publiques qui représentent 2 points de PIB (plus de 40 milliards d’euros) contre 1% en moyenne en Europe.
Le candidat d’En Marche ! s’inscrit dans la poursuite des mesures prises par François Hollande sous le dernier quinquennat. Ses propositions construites autour de 6 thèmes se concentrent sur l’augmentation de la production : augmentation de la production dans les zones tendues, augmentation de l’offre en faveur des jeunes, accroître l’offre et les solutions en faveur des ménages modestes, augmentation de l’offre de logements en faveur des publics fragiles, augmentation de la construction dans les quartiers. Enfin, Emmanuel Macron s’engage pour un vaste plan de rénovation des logements notamment en matière d’isolation et de travaux d’économies d’énergie. Il complète son programme en rappelant sa mesure phare de d’exonération de la taxe d’habitation pour 4 Français sur 5. Ce programme comporte cependant une lacune dans la mesure où il ne précise pas son financement : ainsi les logements très sociaux et les résidences sociales nécessitent des subventions importantes qui font aujourd'hui défaut.
Marine Le Pen voit dans le logement social le moyen de mettre en œuvre la préférence nationale, élément clé de son programme électoral en le réservant aux Français. Son positionnement vis-à-vis du logement social est très différent de celui d'Emmanuel Macron : elle rappelle l’obligation réelle de jouissance paisible, et recommande d’améliorer les conditions de rachat par les locataires de leur logement social. Comme le candidat d' En Marche !, elle souhaite également soutenir la construction et la réhabilitation des logements, et encourager la lutte contre la précarité énergétique. Mais son discours est davantage tourné vers les zones rurales qu’elle veut soutenir en relançant des travaux d’infrastructures (haut débit, couverture téléphonique, routes). Elle veut également regrouper au sein d’un même ministère les compétences en matière d’aménagement du territoire, de transports et de logement et réorienter la politique de la ville vers les zones rurales. Elle souhaite aussi soutenir le logement pour les jeunes avec un plan de construction de logements étudiants et une revalorisation spécifique de l’APL pour les moins de 27 ans.
Contrairement à 2012, où les candidats du 2e tour s’étaient affrontés sur des objectifs chiffrés, cette fois les candidats prennent soin d’éviter ce piège, d’autant que tous les observateurs ont reconnu que cette politique du chiffre ne s’était pas révélée efficace (effort de construction dans les zones détendues). En revanche, Emmanuel Macron reprend à son actif la politique de mixité sociale qui avait été l'un des marqueurs de la campagne de François Hollande : poursuite de la loi SRU, poursuite du rythme et du nombre de constructions de logements sociaux. Le candidat propose en même temps "la production de logements sociaux en concentrant les aides de l’Etat pour les logements aux plus faibles loyers et dans les zones où la demande en logement social est la plus forte" et "la construction de logements à bas loyers ailleurs que dans les quartiers accompagnée d’une politique du relogement à l’échelle intercommunale". Cette ambigüité reflète l’état d’esprit actuel qui veut à la fois favoriser le logement social en faveur des plus pauvres (voir le dernier rapport de la Cour des comptes sur le sujet : voir notre note précédente) et favoriser la mixité sociale. Néanmoins, Emmanuel Macron envisage pour y parvenir de bousculer les élus locaux sur un terrain où ils sont particulièrement sourcilleux de leurs prérogatives : il déclare ainsi vouloir dans certaines zones prioritaires transférer les autorisations d’urbanisme et les permis de construire aux EPCI, aux métropoles, voire à l’État dans le cadre "d’opération d’intérêt national". Il souhaite également poursuivre la transparence sur les procédures d’attribution avec un système de cotation de la demande comme cela se pratique déjà dans certaines grandes villes (Paris, Rennes, Grenoble) avec un succès mitigé (car les techniques de cotation les plus sophistiquées n'arriveront jamais à expliquer aux demandeurs déboutés pourquoi ils n'ont pas obtenu le logement qu'ils voulaient alors qu'ils remplissent tous les critères...). Il affirme vouloir aussi renforcer la mobilité dans le parc social en "tenant compte de manière plus dynamique de l’évolution de la situation des locataires et en fluidifiant les changements de logement", soit une remise en question du droit au maintien dans les lieux qui est un totem de la politique du logement social. Il ne précise pas s’il s’appuiera pour cela sur un durcissement du SLS. Comme déjà souligné, Marine Le Pen, elle, ne s’engage pas en faveur de plus de logements sociaux : son positionnement est au contraire d’encourager l’accession à la propriété des locataires HLM avec un objectif de 1% du parc. Pourtant, la vente de HLM est une nécessité pour financer une construction ambitieuse de logements sociaux car les aides de l'Etat et des collectivités locales en voie de disparition. On est loin pour l'instant du 1% : selon l’USH seuls 8.000 logements sociaux ont été vendus à leurs locataires soit 0,2% du parc. Une des raisons à cela, l’opposition à la fois des maires et des bailleurs sociaux soucieux de maintenir leurs quotas de logements sociaux. Encourager la vente suppose donc de remettre en cause clairement la loi SRU, thème sur lequel la candidate du FN ne se prononce pas. Elle souligne cependant que le logement social devra être mobilisé en priorité vers les publics qui en ont le plus besoin (sans autre précision).
Autre pilier de la politique du logement en France : les APL. Marine Le Pen fait de la pérennisation de cette aide sociale l'un des marqueurs de sa politique du logement (et de sa politique sociale). Les APL représentent pourtant la moitié de la politique publique en faveur du logement avec 18 milliards d’euros dépensés chaque année. Marine Le Pen veut revenir sur la réforme - minime - introduite en 2016 avec la prise en compte du patrimoine dans le calcul des revenus servant de référence à l’allocation. Alors qu’Emmanuel Macron s’est un temps prononcé pour une réforme des APL il n’en est plus fait mention aujourd’hui. Il est dommage que, sur cette prestation sociale,concernant aucun gisement d’économies n’ait pu être identifié par les deux candidats alors que cette aide ne fait que contribuer au foisonnement des dispositifs sociaux qui rendent notre protection sociale impilotable.
Contre toute attente, on constate des points de convergence dans les programmes et notamment concernant l’effort en faveur du logement des plus jeunes. Le candidat d’En Marche ! veut 60.000 logements pour les étudiants et 20.000 logements pour les jeunes actifs, il veut aussi développer un bail mobilité spécifique pour les périodes de stages, de formation de 3 mois à 1 ans sans dépôt de garantie, ou encore créer au sein du parc social 30.000 logements supplémentaires. Marine Le Pen propose, elle, la revalorisation de l’APL de 25% pour les moins de 27 ans et prévoit un plan de construction de logements étudiants. Il faut dire que si l’on doit parler de crise du logement c’est effectivement pour les jeunes que le problème se pose de la façon la plus aigüe, notamment pour ceux qui, faute d’emploi, ont du mal à satisfaire les exigences de dépôt de garantie, etc. De plus, le logement social qui auparavant avait cette fonction d’accueillir plutôt un public de jeunes actifs, voit sa moyenne d’âge augmenter (là encore en raison de l’application du droit au maintien dans les lieux).
Autre point sur lequel les candidats se retrouvent : la nécessité de rationaliser et de simplifier les normes d’urbanisme et de construction, et la lutte contre la précarité énergétique et l’encouragement aux travaux d’isolation en faveur des économies d’énergie. Il est amusant de souligner que c’est en raison de l’inflation des normes énergétiques (mais pas seulement) que les règles de la construction se sont considérablement complexifiées ces dernières années.
Dernier point où les programmes de deux candidats se rapprochent : la fiscalité. On connaît la mesure d’Emmanuel Macron en faveur de la taxe d'habitation, Marine Le Pen veut aussi baisser la taxe d'habitation pour les plus modestes, elle veut aussi baisser de 10% les droits de mutation, dont le taux particulièrement élevé en France est un obstacle à la mobilité.
Dans notre étude de mai 2016, nous avions fait un certain nombre de recommandations sur ce que devrait être une politique publique du logement efficace. Elle consisterait à encourager les bailleurs privés à investir en rééquilibrant les relations locataires/bailleurs, en faisant baisser fortement la fiscalité et en ramenant à une proportion beaucoup plus modeste le poids du logement social dans notre pays. Sur tous ces points, il nous semble que les propositions de deux candidats restent encore très conformistes pour aboutir à un profond changement dans le prochain quinquennat.
Récapitulatif des propositions :
Emmanuel MacronObjectif 1 : Construire plus de logements là où c’est nécessaire.
Objectif 2 : Nous faciliterons l'accès au logement pour les jeunes et les actifs en mobilité.
Objectif 3 : Nous accroîtrons les solutions de logement pour les ménages aux ressources modestes.
Concernant les plus fragiles, qui subissent l’absence de logement ou le mal-logement, nous ciblerons notre politique en préférant le « logement d’abord » aux solutions d’hébergement d'urgence.
Objectif 4 : Pour accélérer la transition environnementale, nous accélérerons la rénovation des logements.
Objectif 5 : Nous relancerons le renouvellement urbain des quartiers prioritaires.
Objectif 6 : Nous garantirons la stabilité des normes.
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Marine Le PenObjectif : Assurer l’égalité sur tout le territoire et renforcer l’accès au logement.
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