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Intervention de Hervé Morin

Colloque "Mettre l'emploi au coeur de la campagne"

5 millions d'emplois marchands créés en France en 20 ans, comment en créer 5 à 7 millions en 10 ans ?

Franck Stepler - Je vais demander à nos quatre intervenants de nous expliquer comment les candidats que vous représentez comptent répondre à cette question au travers de leur programme présidentiel.

Hervé Morin - Je dirai d'abord deux mots sur le constat pour ensuite vous décliner trois ou quatre propositions majeures de François Bayrou.

Le constat : un endettement massif (près de 1 200 milliards d'euros), des déficits budgétaires, des déficits sociaux structurels, une compétitivité économique dégradée (30 milliards d'euros de déficit commercial quand les Allemands font 30 milliards d'euros d'excédent commercial par mois) et très peu de créations d'emplois marchands.

Compte tenu de ce constat, François Bayrou milite précisément pour faire de la France un pays proentreprise et pour mener des politiques de l'offre. Nous pensons en effet que le problème n'est pas une politique de la demande, la consommation se portant plutôt assez bien, mais qu'il s'agit plutôt d'un problème de travail et de capital, d'où des propositions en termes de politique de l'offre. De toute façon, comme le pays n'a pas d'argent, ce n'est pas le moment de mener des politiques de consommation importantes. Après ce constat très rapide en raison du temps d'intervention accordé, je vous ferai trois propositions.

La première proposition concerne le niveau des déficits, et notamment des déficits budgétaires qui, chaque année sont de l'ordre de 40 à 50 milliards d'euros, si l'on veut bien les regarder en toute transparence. Cette situation ne peut pas durer, vous en connaissez les conséquences économiques : prélèvements obligatoires élevés, niveau des dépenses publiques élevé, déficits provoquant baisse du pouvoir d'achat et empêchant l'investissement, puisque prélèvements trop importants…

Ce que nous disons sur le sujet est simple : Pas de baisse des prélèvements obligatoires tant que nous n'aurons pas rétabli l'équilibre du budget de l'État ; inscription dans la Constitution de l'équilibre budgétaire en fonctionnement du budget de l'État ; baisse des prélèvements obligatoires si, ensemble, nous sommes capables de trouver des économies dans la dépense publique, donc, chaque baisse de prélèvement obligatoire doit être gagée par une baisse de la dépense publique.

Sur la baisse de la dépense publique, je vous donne quelques pistes :

La remise à plat de la structure des collectivités locales avec fusion département/région. Nous avons fait la décentralisation la plus coûteuse et la plus complexe qui soit. En l'espace de vingt-cinq ans, de 1980 à 2005, l'État a décentralisé massivement, obligeant les départements, les régions ainsi que les communautés et les établissements publics de coopération intercommunale à embaucher considérablement, sans jamais avoir tiré de conséquences sur la structure globale du système public. Au cours de cette période, 500 000 emplois ont été créés dans la fonction publique territoriale, 100 000 à 150 000 emplois supplémentaires ont été maintenus dans la fonction publique d'État, ainsi que 150 000 emplois environ dans la fonction publique hospitalière, tous ces fonctionnaires faisant parfaitement leur travail, avec le maximum de conscience et de volonté.

Pour notre part, nous souhaitons que chaque collectivité locale soit compétente sur un secteur et que les autres n'aient pas le droit de s'en occuper, ce qui permettra des économies de fonctionnement avec moins de complexité et davantage d'efficacité et de réactivité.

La remise à plat des aides publiques à l'emploi. C'est un domaine où, de toute évidence, il y a beaucoup à faire, mais qui n'a jamais réellement été examiné en profondeur, aussi nous proposons de vérifier, par une étude économique sérieuse, la pertinence et l'efficacité des aides publiques à l'emploi qui représentent 45 milliards d'euros environ.

La remise à plat du système de formation professionnelle qui coûte extrêmement cher et dont l'efficacité est assez limitée.

Enfin, le sommet devant donner l'exemple, François Bayrou propose qu'il soit inscrit dans la Constitution la composition d'un gouvernement de seize ministres, comme en Allemagne ou en Angleterre, la réduction de 20 % du budget de l'Élysée, la réduction du nombre des députés de l'ordre d'une centaine.

La deuxième proposition concerne la structure des prélèvements obligatoires qui, selon nous, pèsent beaucoup trop sur le travail. Nous estimons que le poids des cotisations sociales est un facteur majeur de non-création d'emplois, notamment dans les PME et dans les entreprises artisanales, c'est pourquoi nous proposons deux mesures :

La première qui serait immédiate et qui interviendrait dès le mois de septembre 2007, c'est la création de deux emplois francs par entreprise – quelle que soit la taille de l'entreprise, qu'il s'agisse d'entreprises sans salariés ou avec plusieurs dizaines de milliers de salariés – avec un taux de cotisations sociales limité à 10 % pour participer au financement des retraites. Le tout sans conditions, c'est-à-dire sans exigence de niveau de qualification ni de temps de chômage, pas de paperasserie à remplir. Ce qui permettrait à un patron de PME qui voudrait se lancer à l'export de s'offrir un cadre à l'export sans avoir à supporter le poids des cotisations sociales, à celui qui voudrait aller vers un nouveau marché d'embaucher un VRP, et à celui qui est seul et qui voudrait embaucher un jeune de le faire dans des conditions économiques nettement meilleures. Cette idée pour démontrer au pays que le poids des cotisations sociales, qui a doublé en l'espace de trente ans, est l'un des facteurs majeurs du chômage dans le pays et qui empêche les PME de se développer et de créer de la richesse.

Dans un second temps, après cette proposition qui, selon nous, permettrait de créer plusieurs centaines de milliers d'emplois, l'idée de transférer massivement les cotisations sociales sur d'autres prélèvements. Cotisations sociales qui seraient donc à la fois sur le travail et le capital. François Bayrou a proposé que tout ce qui relève de la famille et de la santé, que ce soit au niveau salarial ou au niveau patronal, soit transféré sur d'autres impôts. Nous avons cinq pistes, puisqu'un seul impôt ne pourrait pas, bien entendu, supporter la totalité du transfert de ces 60 à 70 milliards d'euros de prélèvements obligatoires : la CSG, la TVA sociale, une contribution sur la valeur ajoutée, une taxe Tobin sociale et enfin une fiscalité environnementale, c'est-à-dire une taxe carbone.

Autre élément, la quantité de travail et la question des 35 heures. Je suis ravi de voir que Nicolas SARKOZY reprend mot pour mot la proposition que nous défendions en 2002 et qui, à l'époque, selon le gouvernement était impossible à mettre en œuvre.

Nous envisageons de maintenir la durée légale à 35 heures, en y ajoutant deux propositions qui se décomposent là encore en deux temps :

D'abord une bonification de 35 % des heures supplémentaires pour toute heure travaillée au-delà de 35 heures, quelle que soit la taille de l'entreprise et en supprimant la différence entre les entreprises de moins de vingt et celles de plus de vingt salariés. Bonification qui sera compensée pour l'entreprise par une réduction à due proportion des cotisations sociales. Le salarié gagne davantage, il est récompensé de son effort et l'entreprise, elle, ne paie pas plus.

Ensuite, la durée du travail ne peut pas être à l'identique quand on est dans le commerce, dans l'industrie, dans le tourisme ou dans l'agriculture, nous estimons donc, dès lors que les conditions du dialogue social seront réunies et que la représentativité des syndicats aura été revue pour que ces derniers conservent la clé du système, que la durée du travail soit discutée branche par branche.

Enfin, nous souhaitons la mise en place d'un SBA (Small business act) à la française, comme le font les États-Unis depuis 1953, c'est-à-dire avoir une loi qui donne aux PME la possibilité d'avoir un environnement juridique et fiscal plus stable et simplifié. Dans ce SBA à la française, nous aurions quatre propositions majeures :

une simplification de leur environnement juridique. Les entreprises auraient elles-mêmes à déterminer les simplifications juridiques dont elles auraient besoin ;

un environnement fiscal permettant que pendant les premières années, les bénéfices des entreprises ne soient pas absorbés par des prélèvements fiscaux, ce qui leur permettrait de se développer ;

la réduction des délais de paiement ;

leur réserver 30 % des commandes publiques et toutes les commandes publiques inférieures à 50 000 euros.

Ces mesures permettraient à un vivier extraordinaire de PME de se développer dans un environnement juridique simplifié et avec tous les moyens pour leur permettre de devenir des gazelles extrêmement bondissantes.

Cet article fait partie du colloque Mettre l'emploi au cœur de la campagne