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Immobilier : les annonces du gouvernement ne répondent pas aux craintes du terrain

Témoignage d'un professionnel du secteur

La crise de l’immobilier est installée en France et les effets s’en font nettement ressentir. Alors que le gouvernement a annoncé plusieurs mesures visant le déblocage du marché, la Fondation IFRAP partage, ici, l'analyse d’un professionnel de l’immobilier sur ces annonces qui, vues depuis le terrain, risquent d’être insuffisantes.

Les nouvelles mesures

  • Fin dispositif Pinel d'investissement locatif d'ici fin 2024.

La première mesure annoncée par le gouvernement dans le cadre de sa politique de lutte contre les niches fiscales, c’est la fin du Pinel actée d'ici la fin de l’année 2024. Ce dispositif permettait aux ménages de pouvoir défiscaliser une partie de leurs revenus.

Le risque ? Que l’arrêt de ce dispositif éloigne une partie des acquéreurs qui tout en bénéficiant de cet avantage fiscal offrait pourtant à des familles la possibilité de se loger en location. C’était aussi un des moteurs pour la mise en route des projets immobiliers. En effet, une opération de promotion ne démarre que lorsqu’une partie des logements est vendue. Tant qu’il n’y a pas de réservations, les prévisions de chiffre d’affaires étant inexistantes, le promoteur préfèrera attendre avant d’engager des fonds qui sont importants. Et les réservations sont aussi un facteur important de déblocage des prêts bancaires.

  • Construction de 35 0000 logements étudiants d'ici 2027 dont 3 000 dans des résidences à loyer intermédiaire.

  • Une enveloppe de 500 millions d'euros pour la construction des logements intermédiaires + des logements étudiants.

  • Un fond doté de 1,2 milliard d'euros pour rénover énergétiquement les logements sociaux en 3 ans.

La suite des mesures concerne le développement et la rénovation des logements sociaux, étudiants et des logements intermédiaires. Pour le logement social, pas d'annonce de construction nouvelle mais un fond doté de 1,2 milliard d'euros à verser sur 3 ans pour la rénovation des logements vétustes. Du côté des logements étudiants, après la construction de 30 000 logements depuis 2017, vise la construction de 35 0000 logements étudiants d'ici 2027 dont 3 000 dans des résidences à loyer intermédiaire (10 à 20% en dessous du prix du marché). Une belle enveloppe est, également, prévue pour les bailleurs sociaux pour qu’ils puissent acquérir les projets « en stock » des promoteurs privés : Elisabeth Borne a annoncé l’engagement de l’Etat et de la Caisse de Dépôts (CDC) pour 500 millions d'euros (et ils comptent sur un engagement similaire par des investissements institutionnels) pour la réalisation de logements intermédiaires + des logements étudiants.

Sauf que... surchargé par les demandes des promoteurs privés pour revendre les projets qui ne trouvent plus d’acquéreurs, les bailleurs sociaux ou la CDC ne peuvent pas se positionner sur tous les projets. Par ailleurs, il faut savoir que les prix auxquels ces bailleurs sociaux achètent les logements sont réglementés. A Bordeaux Métropole, par exemple, le prix pour des logements avec parkings en sous-sol sont vendus aux bailleurs au prix de 2 300 euros / m² SDP (surface de plancher). En dehors de la Métropole les prix descendent encore davantage en fonction du zonage et de l’attractivité. De plus, les mairies demandent des constructions exemplaires (qualité architecturale notamment) ce qui fait que les bilans financiers ne sont plus équilibrés.

L'urgence est donc de revoir les barèmes de ventes en VEFA auprès des bailleurs !

L’autre problématique, c’est le prix du foncier

Avant la crise du foncier, lorsqu’un propriétaire de terrain était sollicité, celui-ci acceptait généralement de vendre à un opérateur car le prix était alors plus important que s’il vendait à un particulier. Dans le marché actuel, les offres faites sont plus faibles et donc, les propriétaires de terrains ne souhaitent plus vendre. Autrement dit, il n’y a plus de foncier.

Et s’il se trouve des propriétaires pour vendre, il faut alors traverser une véritable tempête des mairies qui ont toujours une remarque pour aller au-delà du PLU qu’elles ont elles-mêmes adopté ! Le PLU permet de faire du R+4, mais la mairie souhaite limiter à du R+1. Il prévoit 1 place de stationnement par petit logement, la mairie en demande 2. Même pour un projet en face d’une station de tram, une mairie a imposé de faire 2 places de parking par logement alors que la Métropole développe son réseau de transport en commun. Autant de surcoûts qui entraînent l’abandon de projets.

Autre difficulté, dans une commune qui a déjà atteint le seuil de 25% de logements sociaux, la mairie est souvent réticente à la construction de nouveaux logements sociaux, même seniors ou étudiants.

Quid du parc libre ?

Lorsque la Première ministre demande aux bailleurs sociaux de faire plus de logements sociaux, elle n’ignore sans doute pas que entre 50% et 70% du parc social est réalisé par les promoteurs privés et revendu ensuite en VEFA aux bailleurs. Ce ne sont donc pas les bailleurs qui font du social mais les promoteurs privés. Mais en mettant l’accent sur la construction de logements sociaux, Elisabeth Borne prend le risque d'oublier une partie de la population : tous ceux qui ont des revenus suffisamment élevés pour ne pas rentrer dans les critères d’attribution des logements sociaux mais qui ne peuvent plus acheter et doivent se loger dans le parc « libre » en location, à défaut de pouvoir acheter.

Il suffit de faire une recherche rapide sur les sites spécialisés pour voir le manque de logements disponibles à la location.

Pour poursuivre sur l'exemple de la Métropole de Bordeaux : cette dernière accueille, dit-on, entre 10 et 12 000 habitants par an. Même si ces annonces ne recouvrent pas tout le marché, elles sont bien loin du compte. Avec la baisse incontestable du nombre de permis de construire, l’offre disponible est réduite et les prix ne baissent pas pour autant : la loi de l’offre et de la demande telle qu’on l’a apprise à l’école s’applique dans son intégralité.

Pendant que les promoteurs sont pointés du doigt, les entreprises et agences sont de plus en plus fragilisées et les notaires réduisent leurs effectifs. Bref, c’est tout une chaîne qui est cassée et l’industrie est fragile alors que le besoin de se loger est fondamental.

Cette industrie peut être sauvée si on permet à nouveau aux Français d’acheter via un crédit. Les pouvoirs publics pensaient qu’en imposant des logements sociaux, les prix allaient baisser ; en réalité cela fige le marché car les propriétaires de terrains ne veulent plus vendre.